Lorsque les prises en charge validées ne peuvent être prodiguées faute de spécialistes, pourquoi ne pas former directement les parents? C’est ce qu’ont entrepris des chercheurs en Macédoine avec des parents d’enfants porteurs de troubles autistiques. Les résultats qu’ils ont publiés dans le « Journal of autism and developmental disorders » sont assez probants. Les docteurs Blake Hansen (Université Brigham Young, USA) et Vladimir Trajkovski (Université Cyril et Methodius, Skopje, Macédoine) ont répondu à quelques questions.
Comment soutenir les familles d’enfants autistes dans des pays aux faibles ressources économiques ? Une équipe de chercheurs américains et macédoniens a voulu tester l’implantation d’un programme de guidance comportementale auprès de parents d’enfants porteurs de troubles du spectre autistique en Macédoine. Ce pays d’Europe de l’est connaît une transition laborieuse depuis plusieurs années et ne bénéficie pas, selon les auteurs, des services, structures, et du personnel formé permettant d’accompagner au mieux ces enfants et leurs parents. « Les familles supportent le fardeau d’éduquer leurs enfants avec peu de soutien à leur disposition », notent les chercheurs dans l’article publié dans le « Journal of autism and developmental disorders ». Le repérage des troubles du développement est lacunaire et les zones rurales dépourvues de centres de soins de qualité. « Comme ailleurs, les parents macédoniens vont sur internet et trouvent des ressources sur les prises en charge efficaces », précise Blake Hansen qui a coordonné l’étude. «Mais nous manquons de spécialistes capables de dispenser des thérapies éducatives et comportementales » complète le docteur Vladimir Trajkovski. Les auteurs précisent également que le taux de prévalence de l’autisme est anormalement bas en Macédoine, laissant penser qu’il existe certainement des biais culturels ou des erreurs de diagnostic. Même si, concède Vladimir Trajkovski, en Macédoine comme ailleurs, la prévalence augmente.
La formation pyramidale : former un parent qui formera les autres
Dans ce contexte, les chercheurs s’interrogent sur l’intérêt de proposer une formation comportementale aux parents afin de les aider à utiliser des procédures efficaces avec leurs enfants et stimuler chez eux des comportements sociaux positifs. L’entraînement ainsi prodigué est différent d’une simple «éducation aux parents » puisqu’il s’agit de transmettre directement aux parents des techniques alors que les interventions éducatives se contentent d’informer les parents sur le trouble en lui même et le contenu de la prise en charge. Ici les familles sont au premier plan, directement actrices. Une façon comme une autre de répondre au manque criant de professionnels formés.
Pour rendre le dispositif plus facilement implantable, plus accessible, moins lourd à porter pour les institutions, les chercheurs ont opté pour un modèle de formation pyramidale : un thérapeute forme un parent qui forme à son tour les autres parents. Ce type de dispositif n’avait pas encore été évalué dans cette partie de l’Europe.
Discipline, contact visuel et stéréotypies
La formation, comportementale, est axée sur trois stratégies spécifiques pour faire face aux défis souvent rencontrés avec l’autisme: proposer un renforcement de l’obéissance, apprendre le contact visuel, et rediriger les comportements répétitifs. Les questions posées dans le cadre de cette recherche étaient les suivantes : jusqu’à quel point les parents macédoniens peuvent-ils acquérir des compétences pendant l’entraînement ? Les parents peuvent-ils entraîner d’autres parents ? Quels sont les effets de l’entraînement reçu par les parents sur le comportement des enfants ? Quel est le rôle de la confiance en soi dans l’entraînement ? Dans quelle mesure les parents macédoniens sont-ils satisfaits des buts, des résultats et des méthodes ?
17 parents et 15 enfants (12 garçons pour 3 filles) ont participé à l’étude. La formation a duré trois jours consécutifs, chaque groupe de 6 parents étant mobilisé sur une journée entière. Au sein de la journée chaque parent apprenait une compétence spécifique et devait la répercuter auprès d’un autre parent qui la transmettait à son tour à un troisième. Ont été évalués, un mois avant le début de l’expérience, le jour même et un mois plus tard : les compétences parentales, le comportement de l’enfant, la confiance en soi, le niveau de détresse familiale. La formation a consisté d’abord dans la familiarisation des parents avec les interventions comportementales, les notions de renforcement positif. Les thérapeutes ont aussi expliqué aux parents les différentes fonctions attribuées à un comportement et les ressources disponibles pour leur permettre de répondre à ces comportements.
Les familles ont aussi pu poser des questions précises sur le comportement de leur enfant. Des jeux de rôle ont permis à chacun de mettre en pratique les enseignements reçus.
Des parents qui prennent confiance et des enfants qui progressent
Concernant leur propension à pratiquer la discipline positive, à inciter au contact visuel ou à interrompre et rediriger une stéréotypie, les parents ont considérablement progressé entre le pré test et le post test. Le comportement des enfants évalué par les parents s’est lui aussi amélioré sur les trois items (obéissance, contact visuel, redirection des stéréotypies). 86% des enfants ont progressé sur au moins un critère, 53,3% ont progressé sur l’ensemble. Pour l’obéissance (la capacité des enfants à suivre une directive d’adulte dans les dix secondes) et le contact visuel, le score a augmenté pour 80% des enfants. Les comportement répétitifs ont diminué pour 66% d’entre eux. Le degré de détresse familiale a lui aussi chuté. Pour les auteurs, les résultats sont très positifs. «Notre étude soutient le concept d’entraînement pyramidal, même si c’est encore à confirmer par d’autres études, estime Blake Hansen. Les parents ont progressé sur de nombreux points. J’ai été très satisfait de voir que leur confiance en eux a augmenté. Les actions qu’ils ont entreprises ont permis de modifier le comportement des enfants.»