De plus en plus de services hospitaliers misent sur les consultations assurées par des puéricultrices pour répondre de façon plus ajustée à des problématiques qui relèvent davantage de l’accompagnement parental que des urgences pédiatriques.
Le Livre blanc de l’ANPDE publié en octobre dernier le pointait : « 60% des consultations aux urgences relèveraient des conseils de puériculture ». C’est bien cette double réflexion sur d’une part l’encombrement des services d’urgence et d’autre part sur une angoisse parentale non adressée qui amène de plus en plus de services hospitaliers à s’appuyer sur les infirmières puéricultrices pour combler ce qui constitue visiblement un manque, un trou dans la raquette.
Conseils téléphoniques aux parents paniqués
Cette recherche de solution peut déboucher sur des expériences de télémédecine comme celle initiée par l’association lyonnaise Courlygones (Réseau ville-hôpital) qui propose aux parents de consulter un site internet ou de contacter une plateforme téléphonique pour bénéficier de conseils « standardisés et validés ». Les répondants sont des infirmières puéricultrices spécifiquement formées pour diffuser des données factuelles sur cinq thèmes majeurs identifiés : fièvre, diarrhée, pleurs, traumatisme crânien, gêne respiratoire. Une étude de faisabilité publiée en 2010 dans La Presse Médicale concluait ainsi : « Nous avons confirmé la faisabilité technique de la mise en place d’une plateforme téléphonique dédiée à la pédiatrie et son impact potentiellement positif sur le nombre de consultations non programmées et non justifiées aux services d’urgences. La réalisation d’un essai randomisé est nécessaire pour montrer l’efficacité de telle plateforme pour réduire les consultations non programmées. »
Répondre au stress parental à la sortie de la néonat
D’autres établissements ont eux aussi misé sur les infirmières puéricultrices pour désengorger les urgences et répondre aux attentes des parents. Le service de néonatalogie de l’hôpital d’Orleans a été précurseur. Il y a sept ans l’objectif était de trouver un dispositif qui permette de diminuer le stress parental entre la sortie du service et la première visite à domicile de la PMI et d’éviter un passage inapproprié par les urgences. «On s’était aperçu que dans les deux jours en moyenne après la sortie du service on avait des appels téléphoniques des parents qui posaient plein de questions », confirme Claire Rousseau Landragin, cadre de santé.
Au début le rythme était de deux jours de consultations de puéricultrice par semaine, passés ensuite à quatre jours hebdomadaires, financés par un mi-temps infirmier. Les puéricultrices effectuent des consultations liées à leur spécialité (conseils en allaitement, sur le couchage, les pleurs de l’enfant, la prévention de la mort inattendue et du syndrome du bébé secoué). Elles réalisent aussi des bilans sanguins (sur prescription médicale), la vaccination contre la bronchiolite, spécifique à la néonatalogie. Elles sont autonomes dans leur prise de rendez-vous, avec leur propre logiciel et peuvent proposer d’autres consultations si nécessaires avant la prise de relais par la PMI, avec laquelle des réunions ont d’ailleurs lieu deux fois par an. La cotation se fait en « Acte Médico-Infirmier ».
Assurer un relais entre la sortie de la maternité et la PMI
D’autres hôpitaux se sont lancés depuis. Au service de pédiatrie du centre hospitalier d’Arpajon, l’occasion a en quelque sorte fait le larron. Lorsque deux puéricultrices reviennent d’une formation continue avec un mémoire sur la consultation par les puéricultrices, Stéphanie Chassin de Kergommeaux, cadre de santé qui cherchait comment mettre en avant la plus value de cette spécialité dans un service de néonatologie, rebondit immédiatement. Nous sommes alors en novembre 2017 et le contexte s’y prête avec un schéma régional de santé comportant un volet de soutien à la parentalité, des sorties précoces de maternité, une démographie médicale en forte décroissance et une pénurie de pédiatres de ville. Trois modes de recrutement des parents ont finalement été mis en œuvre pour cette consultation IPDE :
– En post néonatologie : les enfants hospitalisés sont systématiquement revus dans les 10 jours suivant la sortie car le retour au domicile est propice aux angoisses des parents. En fonction de cette consultation, une deuxième voire une troisième consultation peut être programmée. La famille est réorientée vers la PMI ou le pédiatre. Il ne s’agit pas d’un suivi médical ni vaccinal.
– En post maternité : les agents de la maternité qui seraient inquiets à l’occasion de la sortie d’une maman, peuvent appeler dans le service de pédiatrie et demander une consultation avec une puéricultrice qui aura lieu après la sortie. Les raisons de cette sollicitation sont variées : allaitement, surveillance d’un bébé de petit poids, primipare stressée, situation sociale particulière, relation mère enfant fragile.
– En post urgences : Lorsqu’un enfant passe par les urgences pédiatriques, le motif invoqué peut amener à proposer cette consultation ultérieure avec une puéricultrice. Par exemple : une primipare jeune arrive à 4 heures du matin avec son bébé qui pleure. Elle est visiblement épuisée… Le pédiatre élimine la cause organique du côté de l’enfant, calme le jeu, renvoie la maman chez elle et lui propose de voir la puéricultrice dans les jours qui suivent. Le parent sera rappelé dans les 48 heures.
En 2018, 333 consultations ont été effectuées. Les puéricultrices ne consultent que deux jours par semaine, avec un minimum de cinq consultations par jour. La cotation est « complexe » puisqu’il n’existe pas officiellement de consultation de puéricultrices en milieu hospitalier. « Nous cotons comme une éducation thérapeutique », précise Stéphanie Chassin de Kergommeaux. 85% des parents qui bénéficient d’une première consultation en demandent une deuxième.
« Notre dynamique n’est pas partie des urgences mais des prématurés, insiste la cadre de santé, des parents qui avaient une angoisse de sortie. Leur redonner une consultation avec une puéricultrice connue ça dédramatise. Ils sortent du service avec un papier de RV qui les rassure. »
A Arpajon comme à Orléans, les cadres de santé mettent l’accent sur la complémentarité du dispositif proposé avec la PMI. Et sur le facteur essentiel qui leur a permis d’initier cette mise en avant des puéricultrices : l’accord et le soutien de directions ouvertes à l’innovation.