A deux ans, si les différences de développement moteur entre les enfants selon leur milieu socioéconomique ont quasiment disparu, les écarts sur le plan langagier sont prégnants. Le fait de fréquenter un mode d’accueil formel, et notamment la crèche, semble favoriser le développement du langage de tous les enfants. Cette recherche présentée en septembre lors de la journée scientifique de la cohorte Elfe vient d’être publiée dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire.
Trois chercheurs de l’INSEE et de l’INED viennent de confirmer dans un article disponible sur site du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire les résultats obtenus à partir des données de la cohorte Elfe, et communiqués en septembre sur les inégalités socioéconomiques dans le développement langagier et le rôle éventuel du mode d’accueil. Voici leur conclusion :
« Cette étude confirme pour la France les résultats de la littérature internationale sur les inégalités socioéconomiques dès le plus jeune âge, plus ou moins marquées selon le domaine du développement avec des écarts considérables d’acquisition du vocabulaire dès les 2 ans de l’enfant, soit avant même l’entrée à l’école maternelle dont l’âge est pourtant précoce en France. Au vu de l’indicateur dont nous disposons, ces inégalités ne concernent pas le développement moteur, mais ce résultat serait à confirmer à l’aide d’indicateurs de motricité standards.
La mise en évidence d’une acquisition du vocabulaire plus lente pour les enfants n’ayant pas accès à un mode de garde extérieur pose la question des possibilités d’interventions publiques. Est-ce que les familles n’ayant pas recours à un mode de garde extérieur ont d’autres caractéristiques, non observées, qui expliqueraient ce moindre apprentissage langagier ? Est-ce que des politiques de soutien à la parentalité qui réduiraient les barrières d’accès à la fois financières et, potentiellement aussi, culturelles à des modes de garde extérieurs pourraient alors réduire les inégalités observées à ces âges ? Prolonger une telle étude pour mieux cerner les causes de ces inégalités socioéconomiques de développement langagier, mesurer l’impact causal du mode de garde et le rôle des pratiques éducatives telles que la lecture parentale, que l’on sait bénéfique mais inégalement pratiquée, constituent des pistes prometteuses. »
Dans l’étude il apparaît bien d’une part que les enfants des milieux les moins aisés ont un développement langagier plus lent que les enfants des milieux les plus aisés et d’autre part que
le fait de fréquenter un mode de garde extérieur formel tend à réduire ces inégalités sociales de développement langagier.
Lidia Panico, l’auteure de cet article, nuance néanmoins ce dernier point. « Nos résultats sont descriptifs, ils ne montrent pas une causalité. Il n’est donc pas possible d’affirmer avec cette méthode que c’est bien la crèche en soi qui influe positivement sur le développement langagier. » Quelles pourraient être les caractéristiques des ménages et des enfants qui viendraient biaiser cet éventuel lien de causalité ? « Par exemple Les parents qui choisissent la crèche pourraient être aussi les parents qui lisent plus à leurs enfants, qui habitent des quartiers plus favorisés avec une offre des modes d’accueil formels plus développée. On pourrait aussi faire l’hypothèse que les parents mettent davantage en crèche des enfants qu’ils pensent “prêts” pour ce type d’accueil, et qu’ils vont chercher des mode d’accueil plus “familiaux” ou individuels comme les assistantes maternelles, ou même choisissent de garder leur enfant eux même, si l’enfant a des retards développementaux, ou n’est simplement pas considéré comme assez “mûr” pour un mode de garde collectif.»
D’autres travaux sont en cours pour tenter d’identifier, toujours à partir des données Elfe, d’éventuels liens de causalité.