Les 43èmes journées nationales d’études des puéricultrices auront lieu les 13, 14 et 15 juin prochains à La Rochelle. Charles Eury, président de l’Association Nationale des Puéricultrices(eurs) Diplomé(e)s et des Etudiants revient avec nous sur le programme de ces JNE mais aussi sur l’actualité du secteur. Entretien.
Combien de personnes attendez-vous pour ces JNE et quel en est l’objectif ?
Charles Eury. L’année 2017 a été l’occasion d’organiser un congrès de grande ampleur, à Paris, réunissant plus de 1200 personnes sur les 3 jours. Je suis sûr que cette édition 2018 sera également un succès. L’objectif de nos journées nationales d’étude est double : d’une part, il s’agit de proposer aux congressistes des séances plénières, des séances parallèles et des ateliers répondant au mieux à leurs besoins sur le terrain, afin de maintenir leurs connaissances à jour. Dans ce cadre notre congrès est notamment ouvert au DPC. C’est d’autre part l’occasion pour chaque professionnel de mieux connaître l’actualité de la spécialité, de rencontrer des collègues venus de toute la France afin d’échanger sur sa pratique.
Les JNE vont s’ouvrir sur le référentiel métier et de formation et sur l’intégration universitaire. Sur ces sujets, où en est-on ?
C.E. Nous avançons ! Je sais que les attentes des puéricultrices sont fortes sur ces sujets, d’autant plus que cela dure depuis trop longtemps. Il faut cependant rester confiant, nous avons désormais quasiment finalisé les référentiels et le nouvel arrêté de formation, aussi nous sommes actuellement sur le dernier calendrier annoncé à savoir la finalisation de la réingénierie au 1er semestre 2018 pour une mise en oeuvre sereine à la rentrée 2019.
Il faudra ensuite voir comment les nouvelles compétences des puéricultrices sont mobilisées dans leur exercice professionnel, et si une évolution de la pratique sur le terrain doit être envisagée. C’est notamment pour ces raisons que nous avons réalisé une enquête nationale en avril dont les premiers résultats seront présentés lors du congrès.
Au programme de ces JNE on trouve une présentation du rapport de Sylviane Giampino et une table-ronde sur les différents métiers intervenant dans les modes d’accueil. La place des puéricultrices(eurs) dans ce champ vous semble-t-elle fragilisée ou au contraire confortée?
C.E. La place de la puéricultrice est assez variable en fonction des structures et des organisations. Aujourd’hui, l’accueil du jeune enfant ne peut s’envisager qu’en collaboration étroite entre les différents acteurs de la petite enfance, avec les professionnels de terrain. Les puéricultrices, qui ont un temps de formation important sur le développement psycho-moteur du jeune enfant et sur les aspects éducatifs, ont en même temps une spécificité sanitaire qui leur permet, en équipe avec les autres professionnels, EJE, AP, CAP AEPE notamment, d’accueillir tous les enfants quelle que soit leur spécificité de santé. Elles peuvent ainsi apporter leurs compétences à l’équipe pour mettre en oeuvre un projet d’accueil individualisé adapté par exemple.
De plus, la nouvelle maquette de formation intègre des enseignements spécifiques sur la gestion d’une structure d’accueil, gestion RH et financière notamment. Aujourd’hui, ces aspects étaient peu vus en formation puisque le temps imparti ne permettait pas d’analyser de façon approfondie l’ensemble des secteurs d’exercice. Demain, elles pourront aller plus loin dès l’obtention de leur diplôme dans l’analyse et le pilotage d’une structure pour celles qui ont ce projet professionnel. Mais c’est également aux collectivités et à l’Etat de permettre de mobiliser l’ensemble de leurs compétences. Par exemple, pourquoi ne pas permettre aux puéricultrices d’évaluer si un jeune enfant nécessite une visite médicale avant l’entrée en collectivité ? Alors qu’il est de plus en plus difficile de trouver un médecin et que ces derniers doivent signer de nombreux certificats, une telle mesure pourrait fluidifier l’accès aux structures collectives.
Comment se répartissent aujourd’hui les 21.000 puéricultrices(eurs) dans l’ensemble des structures ?
C.E. Aujourd’hui, ce sont plus de 13 000 professionnels qui travaillent en secteur hospitalier, près de 4 500 en PMI, et près de 2 000 salariés principalement dans les modes d’accueils, selon la DREES. Un millier de puéricultrices environ ont une activité libérale, cependant cette activité n’ayant aujourd’hui aucune nomenclature spécifique il est difficile pour une puéricultrice libérale de vivre uniquement de sa spécialité avec une patientèle pédiatrique, pour mettre à profit ses compétences.
Quelle est finalement la spécificité de la puéricultrice, de son approche, de son regard ?
C.E. La puéricultrice a une approche globale et transversale de l’enfant et de sa famille. Elle exerce sur différents secteurs, hospitaliers, modes d’accueil, pmi notamment, ce qui lui permet de bien cerner les problématiques qu’elle peut rencontrer et l’articulation du parcours de santé de l’enfant. De par sa formation initiale sanitaire, et sa spécialité qui laisse une large part à la psychologie, à la sociologie et à une vision plus globale de la promotion de la santé (sans se limiter au curatif, au soin technique) elle peut mobiliser ses compétences pour accompagner l’enfant et sa famille dans de nombreuses situations, et en apportant son expertise au sein d’une équipe pluri-disciplinaire.
Les JNE proposent aussi un focus sur les visites à domicile et les pratiques innovantes en PMI (comme Petits Pas Grands Pas). Est-ce une façon pour L’ANPDE de soutenir et encourager les actions de prévention précoce ?
C.E. Nous pensons en effet qu’il est important d’agir très tôt, notamment pour limiter les inégalités sociales et territoriales de santé. Apporter un soutien aux équipes, par une méthodologie spécifique, proposer d’évaluer les pratiques pour savoir ce qui fonctionne déjà, ce qui peut être amélioré, tout en s’adaptant aux besoins locaux tant de la population que des équipes, c’est permettre à chacun d’avancer. Concernant la petite enfance, que ce soit pour la PMI ou encore pour les modes d’accueil, on retrouve souvent des disparités de pratiques qui sont moins liées à des spécificités territoriales qu’à un manque d’outils de base à disposition des professionnels, tel que des référentiels nationaux, des systèmes d’évaluation harmonisés. Ce qui provoque des difficultés sur le terrain.
Ces JNE seront aussi l’occasion d’aborder le syndrome du bébé secoué, l’exposition des enfants à la violence conjugale. Autant de façon de souligner que dans des sociétés censément de droit et de progrès, la vulnérabilité des enfants est loin d’être un sujet dépassé…
C.E. C’est au contraire un sujet tristement d’actualité. Les derniers chiffres indiquent que 22% des Français auraient été victimes de violences infantiles. Une telle situation n’est pas acceptable, et chacun peut contribuer à endiguer ce fléau. Mais pour toucher les parents qui sont peu accessibles, qui n’utilisent pas les services de PMI par exemple, ou un mode d’accueil collectif où l’on peut identifier certaines situations, cela reste compliqué. La prévention reste donc primordiale, dans l’ensemble de la population, quel que soit le milieu social, et passe d’abord par la verbalisation des contextes familiaux qui peuvent amener à ces drames. Pour cela, les professionnels doivent être à minima sensibilisés à ces situations pour pouvoir y penser le moment venu et les prévenir autant que possible.
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