La Ministre de la Santé a confié en juillet dernier une mission sur la PMI à Michèle Peyron, députée LREM. Les conclusions sont attendues pour la mi-janvier, même si quelques pistes pourraient d’ores-et-déjà être évoquées à l’occasion de la Stratégie nationale pour la protection de l’enfance annoncée en novembre. Nous faisons le point avec Michèle Peyron sur l’avancement de ces travaux dédiés à la Protection Maternelle et Infantile.
Pourquoi cette mission consacrée à la PMI ?
Michèle Peyron. La PMI est une vieille dame de 70 ans qui n’a pas connu le même destin que sa sœur, la sécurité sociale. Ses missions se sont étiolées sur les territoires français. Notre travail se focalise sur deux axes : renforcer le rôle de la PMI et redonner tout son sens au « aller vers les familles ».
En l’état actuel des auditions menées et des déplacements effectués, quel élément vous frappe le plus ?
M.P. Le fait qu’il n’y a plus d’équité entre les territoires. Je le savais déjà avant de prendre mon bâton de pèlerin avec mes collaborateurs. Mais la réalité du phénomène m’a vraiment saisie. Une fois que les départements ont attribué la part obligatoire de leur dotation globale au versement des minima sociaux, ce qui reste pour la PMI est très aléatoire d’un territoire à un autre. Certains départements s’en sortent vraiment bien, sont efficients, se sont montrés précurseurs. Je pense à la Meurthe-et-Moselle qui a su nouer des partenariats entre la PMI, la CAF, la CNAM, les CCAS, le planning familial. Mais c’est loin d’être le cas partout. Et globalement il a été difficile d’obtenir des remontées chiffrées.
Certains observateurs estiment que l’universalisme de la PMI n’est aujourd’hui que de façade. Vers quoi souhaitez-vous tendre ? Un universalisme proportionné, pour reprendre un terme à la mode ?
M.P. Oui nous sommes très sensibles à ce concept. La PMI doit rester un service universel. Le premier enjeu est de lui redonner sa notoriété. Qu’on ne pense plus que ce sigle signifie « petites et moyennes industries » ou qu’on ne la confonde plus avec l’aide sociale à l’enfance. Il y a eu un déficit de publicité. Mais il va aussi de soi que la paupérisation d’une partie de la population oblige à réfléchir à la façon d’aller vers (non pas de cibler) ceux qui ont le plus de besoins.
La PMI ne croule-t-elle pas sous les missions ? Doit-on envisager de restreindre son champ d’action ?
M.P. Très tôt nous nous sommes posés la question de la diversité des missions de la PMI. Ne serait-ce qu’en raison du déficit en apport humain (pas assez de médecins, de sages-femmes, de psychologues, de psychomotriciens, selon les territoires). Nous concentrons notre réflexion sur le volet agrément des modes d’accueil. La PMI peut-elle se départir de cette mission, en tous cas pour l’accueil collectif et la partie très technique ? Mais alors à qui l’attribuer ? C’est une de nos problématiques les plus fortes en ce moment. Nous sommes plus réticents à envisager de retirer à la PMI son rôle d’agrément et de suivi des assistantes maternelles. Pour le moment nous buttons sur ce sujet. Ces dernières exercent un métier difficile, elles ont réussi à franchir le pas de la professionnalisation. L’accompagnement de la PMI est certainement très utile pour elles. D’autre part, elles exercent chez elles, et par définition c’est un milieu plus fermé que les EAJE. Le suivi de cet environnement nous semble moins facile à déléguer à un acteur qui, contrairement à la PMI, n’aurait pas de compétences médico-sociales. En matière de modes d’accueil, nous devons être très vigilants. Nous mènerons des expérimentations sur des territoires pilotes.
Lors de vos multiples déplacements avez-vous perçu de la souffrance chez les professionnels de PMI ?
M.P. Plus que de la souffrance, nous avons senti chez ces professionnels très investis un profond besoin de reconnaissance. Pourquoi un médecin de PMI serait-il moins payé qu’un médecin de santé publique ? Pourquoi la CNAM ne rembourse-t-elle pas les actes de puéricultrices alors que c’est l’acte le plus dispensé en PMI ? Nous ferons des préconisations sur ces sujets. Nous mettrons en avant les bonnes pratiques. Par exemple, de nombreux départements ont recours aux puéricultrices pour les visites médicales scolaires.
Il semble que le PRADO et la PMI, loin d’être complémentaires, se fassent concurrence. Formulerez-vous des recommandations sur le sujet ?
M.P. Oui. Les acteurs doivent se parler. Là aussi il faut s’appuyer sur les bonnes pratiques. Dans le Var, depuis cet été, la PMI est mise en avant au moins autant que le PRADO. Le conseiller CNAM qui se rend en maternité parle des services de PMI. Les parents sont ensuite libres de faire comme bon leur semble. Mais au moins doivent-ils être dûment informés des services existants.
La littérature scientifique montre que les visites à domicile sont efficaces, notamment pour les populations les plus vulnérables, à condition de commencer dès la grossesse et d’être intensives. Allez-vous traiter ce sujet ?
M.P. Oui, nous formulerons des préconisations sur les visites à domicile. Elles doivent en effet commencer pendant la grossesse, avec une sage-femme qui ensuite, à la naissance de l’enfant, passe le relais à la puéricultrice. Raison de plus pour envisager de délester la PMI de certaines de ses prérogatives afin de laisser plus de temps aux puéricultrices pour les visites à domicile, qui sont le moyen par excellence d’aller vers les parents. Pousser la porte, entrer chez les gens permet de déceler le besoin de soutien, de déceler aussi ce qui peut ne pas aller dans l’environnement de l’enfant, sans être pour autant dans le contrôle. C’est en accompagnant ainsi les familles, chez elles, qu’on peut notamment éviter les informations préoccupantes. Même s’il ne s’agit pas de les éviter à tout prix. Il faut pouvoir accepter qu’on est allé au bout de ce qu’on pouvait faire. Mais c’est bien par ce maillage fin et l’intervention de professionnels de différentes spécialités qu’on assure la principale mission de la PMI : la prévention.