Une étude japonaise confirme l’association entre la dépression du postpartum et l’altération du lien maternel. Elle montre aussi que les sentiments négatifs exprimés en début de grossesse constituent un facteur de risque pour cette altération du « bonding ».
La qualité du lien émotionnel entre une mère et son bébé (le « bonding ») est cruciale pour la survie et le développement psychosocial de l’enfant. Une altération de ce lien est un facteur de risque majeur de maltraitance, d’interactions mère-enfant de piètre qualité et de troubles du comportement chez l’enfant. Ces troubles du lien sont fortement associés à la dépression anténatale et postnatale. Les auteurs de cette étude menée à partir d’une cohorte japonaise* publiée dans BMC Psychiatry questionnent les associations entre des sentiments négatifs en tout début de grossesse, la dépression du post-partum et un lien maternel altéré.
Quelques 1060 femmes ont participé à l’étude. La moyenne d’âge était de 29,9 ans. La moitié de ces femmes étaient primipares et 52% des bébés étaient des garçons. La recherche a été incorporée aux suivis de routine menés par un service de santé de la ville de Hekinan. Les informations ont été collectées lors du premier trimestre de grossesse, deux semaines après la naissance, un mois après la naissance lors d’une visite à domicile et aux trois mois de l’enfant lors d’une visite de contrôle de l’enfant. L’échelle d’Edimburgh a été utilisée pour évaluer les symptômes de dépression maternelle et le questionnaire de lien en postpartum (Postpartum Bonding Questionnaire) a été soumis aux mères lors de la visite médicale de l’enfant un mois après la naissance.
La dépression du postpartum très associée à un « bonding » altéré
Un diagnostic de dépression du post partum a été posé pour 6,45% des mères tandis que 3,3% présentaient un haut niveau d’altération du lien maternel et 10,9% un niveau modéré.
De nombreux facteurs ont été associés à un haut niveau d’altération du lien : la dépression maternelle, les symptômes de stress, une maladie mentale pré existant à la grossesse, des sentiments négatifs vis à vis de cette grossesse, la primiparité, un allaitement mixte, le petit poids de naissance de l’enfant.
Mais deux éléments apparaissent comme particulièrement à risque pour une forte altération du lien maternel : la dépression maternelle en postpartum et des sentiments négatifs vis à vis de la grossesse dès le premier trimestre.
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer l’association entre la dépression du postpartum et l’altération du lien maternel: les mères dépressives manifestent davantage de sentiments négatifs tels que l’irritation et un intérêt ou une joie atténués pour de nombreuses activités. Elles peuvent aussi être soumises à des biais cognitifs, telle qu’une mauvaise perception d’elle-même et des autres, incluant leur enfant (présent ou à venir). La dépression maternelle peut ainsi engendrer un manque d’intérêt ou une hostilité vis à vis de l’enfant. Il est donc capital de la dépister le plus tôt possible.
Sentiments négatifs exprimés en début de grossesse : à ne pas prendre à la légère
Concernant les sentiments négatifs pendant la grossesse, il est intéressant de noter qu’ils sont fortement associés à l’altération du lien maternel de façon indépendante de la dépression maternelle. Cette association existe même lorsque la mère n’est pas dépressive. Cette étude montre que ces sentiments négatifs exprimés au cours du premier trimestre de grossesse sont associés à une forte altération du lien aux trois mois de l’enfant. Là encore, c’est un sujet d’alerte : ces sentiments négatifs doivent être pris en compte et les mères doivent recevoir du soutien.
Les auteurs rappellent que la primiparité est associée à une altération modérée du lien à leurs yeux due au stress d’accueillir un premier enfant. Ils estiment que des conseils prodigués de façon précoce à ces parents pourraient prévenir des altérations du lien chez des mères attendant leur premier enfant.
Pour les auteurs il apparaît également nécessaire de s’intéresser aux autres facteurs de risque, notamment les difficultés de mentalisation des mères (la capacité à comprendre ses propres états mentaux et à comprendre ceux des autres).
*”Risk factors for impaired maternal bonding when infants are 3 months old: a longitudinal population based study from Japan”
Mami Nakano, Subina Upadhyaya, Roshan Chudal, Norbert Skokauskas, Terhi Luntamo, Andre Sourander and Hitoshi Kaneko, in
BMC Psychiatry 2019