La bible de la grossesse et de la parentalité québécoise, intitulée « Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans », actualisée tous les ans, éditée par un organisme de santé national, est gratuite et même offerte systématiquement à tous les futurs parents. Ce guide propose notamment un chapitre très complet sur le développement de l’enfant.
Depuis 35 ans tous les futurs parents québécois reçoivent un cadeau de naissance bien particulier de la part de l’ « Institut National de Santé Publique du Québec »: un guide de plus de 700 pages (en petit format, mais tout de même!) intitulé « Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans ». L’ouvrage, réalisé sous la direction de Nicole Doré et Danielle Le Hénaff, informe de façon très détaillée sur le déroulé de la grossesse, de l’accouchement, donne des conseils pratiques en puériculture, sur l’alimentation, la santé ou le encore sommeil de l’enfant, livre des informations administratives ou juridiques sur les aides financières, les modes d’accueil ou les droits des parents.
Il consacre aussi une quarantaine de pages au développement de l’enfant en synthétisant les grandes étapes de ce développement et les fondamentaux d’une parentalité favorable à l’épanouissement du tout petit. C’est un peu plus consistant que le “Livret des parents” (qui a néanmoins le mérite d’exister) proposé depuis 2015 par la CAF.
L’attachement et le jeu au cœur de la relation parents-enfant
En tête de ce chapitre sur le développement, le guide pose que le bébé a besoin d’un « lien significatif » avec les personnes qui prennent soin de lui, ce qui signifie qu’il doit être : « aimé tel qu’il est, avec ses forces et ses limites; entouré d’amour et de caresses; soutenu par des mots doux et des encouragements; stimulé par les personnes qui parlent et jouent avec lui; guidé dans ses expériences par des règles peu nombreuses, mais claires ». Le guide insiste d’abord sur l’importance de l’attachement en précisant qu’il est capital de répondre aux signaux envoyés par l’enfant, notamment lorsqu’il pleure, de façon rapide et aussi rassurante que possible. Les auteurs conseillent aux parents d’être attentifs au tempérament de leur enfant (ses réactions aux situations nouvelles, sa sensibilité aux bruits, à la lumière, aux textures, son humeur…) pour ajuster leurs réponses. Aider un enfant très actif à développer sa concentration, permettre à des bébés « prudents », en retrait, plus timorés, d’expérimenter, d’explorer, de se socialiser…« Il est important de persévérer à donner des soins chaleureux et constants à l’enfant même s’il est irritable, précisent-ils. Votre présence et votre calme lui font du bien.» L’accent est mis sur l’importance du jeu, à la fois pour renforcer les interactions entre l’enfant et son parent et pour stimuler son développement (le sujet est abordé par le livret des parents adressé aux futurs parents français par la CAF). « Le jeu constitue en fait la première école de votre enfant » posent les auteurs du guide québécois, qui prennent soin de préciser quels sont les jouets les plus stimulants (pas forcément les plus onéreux, les objets du quotidien peuvent parfaitement faire l’affaire) et rappellent le plus essentiel : que le jeu constitue une activité partagée avec le parent.
Accompagner le développement du langage
Le guide québécois est également concret sur la question du langage. Tout en rassurant le lecteur sur le fait que tous les enfants ne développent pas leur langage au même rythme et en l’incitant à ne pas mettre la pression sur le tout petit, les auteurs émettent des préconisations précises : « On recommande d’utiliser des mots simples et des phrases à peine plus longues que les siennes, de parler lentement et de répéter souvent. Votre enfant produira sûrement des mots comme « lolo» pour eau, «wouf-wouf » pour chien ou « toto» pour auto. Offrez-lui alors un bon modèle. Lorsqu’il vous parle de la « toto», répondez «Ah! oui, c’est une auto». Vous pouvez aussi décrire avec des mots et des phrases ce que vous faites et ce que votre enfant fait». Le guide donne des conseils pour stimuler les petits parleurs :
« – Créez des situations rigolotes pour susciter son intérêt. Par exemple, essayez de mettre ses bottes dans vos grands pieds ou faites semblant de vous endormir lorsque vous jouez avec lui.
– N’allez pas au-devant de ses besoins: il exprimera certainement ce qu’il veut avec des sons, des mots ou des gestes.
– Posez-lui des questions auxquelles il doit répondre autre chose que «oui » ou «non». Par exemple: «Qu’est-ce que tu veux manger ? ».
– Donnez-lui un choix, lorsqu’il pointe ce qu’il veut: «Tu veux une pomme ou une banane? ».
– Dites le début des mots ou des phrases: «Tu veux le ba… (ballon) » ou «Tu veux le… (ballon) ».
– Mettez des objets ou des jouets hors de sa portée pour qu’il vous les demande. – Encouragez tous les efforts qu’il fera pour produire de nouveaux mots, puis félicitez-le. »
Mais, avertissent les auteurs, il ne faut pas exiger de l’enfant qu’il répète, ou le reprendre trop souvent. « Ce qu’il dit est tellement plus important que la façon dont il le dit ». Les spécialistes donnent des indications précieuses aux parents sur les signaux d’alerte qui doivent les conduire à consulter : un bébé de 6 mois qui gazouille peu, un petit de 12 mois qui ne regarde pas dans les yeux ou ne semble pas vouloir communiquer par les gestes ou les sons, un enfant de 18 mois qui n’utilise aucun mot ou ne pointe pas les objets, un enfant de 24 mois qui ne combine pas deux mots, qui n’imite pas les sons ou les mots, un enfant de trois ans qui ne construit pas de phrases ne prend pas l’initiative de communiquer, n’est pas intéressé par les autres enfants…
Recourir à une discipline ajustée
Dans cette partie consacrée au développement, les auteurs proposent aussi aux parents quelques pages sur la discipline. Les règles posées par la famille doivent être « simples et claires », tenir compte de l’âge de l’enfant. Il est important de n’enseigner qu’une règle à la fois. Le « non » doit être constant et ferme. Les auteurs insistent : c’est dans le cadre d’un lien affectif solide que les règles peuvent être imposées. « L’enfant qui se sent aimé, compris et respecté sera beaucoup plus facile à guider que celui qui se sent peu apprécié ». Pour les auteurs, la discipline est indispensable pour assurer la sécurité physique de l’enfant, lui offrir une routine nécessaire pour sa sécurité émotionnelle, lui enseigner les règles de la vie en société. Ils donnent quelques astuces pour faciliter la mise en place de cette discipline (se mettre à la hauteur de l’enfant, capter son attention, utiliser le jeu, le féliciter) et insistent sur le fait de passer autant de temps à l’encourager et le féliciter qu’à le réprimander. Le guide explique comment dénouer une situation de crise, la fameuse « colère dans l’épicerie », par la « méthode du retrait » (éloigner l’enfant du lieu drame, provoquer un changement radical de contexte pour lui parler posément et reposer clairement la règle). Pour accompagner au mieux les parents, le guide québécois leur rappelle toutes les grandes étapes du développement, ce que perçoit ou ce que sait faire l’enfant, et propose, à chaque âge, des activités pour stimuler son développement moteur et cognitif.
Ce document, disponible en ligne, clair et didactique, précis et pratique, constitue un remarquable travail de vulgarisation et de restitution aux familles des connaissances actuelles sur le développement de l’enfant.