Le Secrétaire d’Etat à l’enfance Adrien Taquet vient de dévoiler la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance qui s’appuiera sur un financement de 80 millions d’euros et s’articule autour de quatre engagements : « Agir le plus précocement possible», « Sécuriser les parcours des enfants protégés et prévenir les ruptures », « Donner aux enfants les moyens d’agir et garantir leurs droits », « Préparer leur avenir et sécuriser leur vie d’adulte ».
Le volet « prévention » de ce nouveau document, qui apparaît dès le titre de la Stratégie, marque un tournant en matière de protection de l’enfance, avec la volonté d’agir bien en amont de l’information préoccupante. La stratégie repose sur quatre engagements dont le premier consiste à «agir le plus précocement possible pour répondre aux besoins des enfants et de leurs familles ». Parmi les mesures annoncées dans le cadre de ce premier engagement : rendre obligatoire l’entretien prénatal précoce (avec son inscription parmi les consultations obligatoires à partir de 2020, et un taux de couverture de 20 % par la PMI des besoins à horizon 2022), réaliser 100 % des bilans de santé en maternelle des enfants de 3-4 ans (avec la définition d’un référentiel national unique sur la conduite des bilans en école maternelle), doubler le nombre de visites à domicile pré-natales par les sages-femmes de PMI, doubler le nombre de visites à domicile en post-natal immédiat, renforcer la possibilité de soutien à domicile par des interventions de TISF sur la période périnatale.
Dans ce volet préventif, il est aussi question de financer des médiateurs en santé pour les publics vulnérables, de créer des postes de psychologues, psychomotriciens dans les PMI mais aussi d’ouvrir 500 nouvelles places en relais parentaux notamment pour les parents porteurs d’un handicap.
Le handicap au cœur de cette nouvelle stratégie
La question du handicap apparaît récurrente dans cette stratégie. Il est ainsi proposer de créer des outils communs entre les Cellules de Recueil des Informations Préoccupantes et les Centres de ressources autisme, les centres de ressources des troubles spécifiques du langage et des apprentissages ainsi qu’avec les Maisons Départementales des Personnes Handicapées pour faciliter l’appréhension des situations de handicap par les professionnels. La Stratégie invite à systématiser la mise en place d’un référent handicap dans chaque CRIP, à créer des dispositifs d’intervention adaptés aux problématiques croisées de protection de l’enfance et de handicap.
Le document propose plus généralement de renforcer les cellules de recueil et d’informations préoccupantes, notamment sur la base du référentiel de la Haute Autorité de Santé
Sécuriser les parcours des enfants protégés
L’engagement 2 porte sur la sécurisation des parcours des enfants protégés et la prévention des ruptures. Il s’agit notamment de systématiser le bilan complet de santé des enfants et des adolescents à leur entrée dans les dispositifs de protection et leur accès à un parcours de soins coordonnés. La stratégie prévoit de créer un référentiel national de contrôle des lieux d’accueil de protection de l’enfance, de soutenir la diversification des dispositifs d’accompagnement aux besoins des enfants en permettant aux services et établissements d’innover. Le document renvoie notamment vers la démarche de consensus sur les modes d’intervention de protection à domicile en réponse aux besoins fondamentaux de l’enfant (rapport attendu en décembre 2019). Dans ce deuxième engagement, l’idée est de développer les centres parentaux et de travailler sur les compétences parentales en protection de l’enfance. Pour y parvenir, le gouvernement propose de construire un référentiel d’évaluation et de renforcement des compétences parentales.
Toujours dans la perspective d’une sécurisation, il est prévu de « systématiser les mesures d’accompagnement au retour à domicile en fin de placement » via un délai minimal entre la levée de la mesure et le retour effectif en famille et via la proposition systématique d’une ou de mesures adaptées à la situation familiale (sur le volet éducatif, social, psychologique mais aussi budgétaire). Autres ambitions : moderniser et soutenir les conditions de travail et d’exercice des assistants familiaux et des lieux de vie et d’accueil, lancer des appels à projets et subventionner des associations de parrainage et de soutien (10000 parrainages à horizon 2022), sécuriser et faciliter l’adoption (avec la promotion de l’adoption simple).
Garantir la scolarité, préparer l’avenir
L’Engagement 3 pose qu’il faut « donner aux enfants les moyens d’agir et garantir leurs droits », notamment en matière de scolarité (renforcer le recours aux internats scolaires des enfants relevant de l’aide sociale à l’enfance, étendre le dispositif « Devoirs faits », faciliter l’accès des jeunes de l’aide sociale à l’enfance aux dispositifs d’excellence). Cet engagement insiste sur la nécessité de rendre le quotidien des enfants protégés plus facile en simplifiant les notions d’actes usuels et non usuels. L’Engagement 4 incite à « préparer leur avenir et sécuriser leur vie d’adulte ».
Repenser la formation pour mieux évaluer les compétences parentales
Au-delà de ces quatre engagements, cette stratégie propose un focus sur la formation des professionnels, en rappelant, comme le rapport de Perrine Goulet pour la mission d’information relative à l’aide sociale à l’enfance, que « le travail avec la famille et les parents de l’enfant reste souvent un élément de difficultés, avec une différenciation complexe sur le terrain entre ce qui relève de la compétence parentale et de la capacité parentale ». S’agissant de l’adaptation de la formation aux besoins et aux attendus des enfants et des familles en protection de l’enfance, les axes prioritaires suivants ont été identifiés :
■ Le repérage et l’évaluation des situations de danger ou de risque de danger.
■ Les besoins fondamentaux et développementaux de l’enfant.
■ L’évaluation des compétences et des capacités parentales et du travail avec les familles.
■ L’expression individuelle et collective des enfants.
■ La réalisation du projet pour l’enfant.
■ Le secret professionnel notamment lorsqu’il est partagé.
Une nouvelle contractualisation Etat-Départements
La Stratégie prévoit enfin de « redéfinir le partenariat entre l’État et les départements », en s’inspirant de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté qui a inauguré une nouvelle relation contractuelle. À partir de 2020, l’État contractualisera avec les départements volontaires, en Métropole comme dans les Outre-mer, sur le champ de la protection de l’enfance. Pour accompagner la mise en œuvre des actions, des crédits supplémentaires (80 millions d’euros) seront dégagés à partir de 2020 avec une montée en charge progressive jusqu’en 2022. Ces crédits inscrits au programme du Ministère des Solidarités et de la Santé viendront compléter ceux des départements dans le cadre de la contractualisation.