D’un côté la petite enfance, et la prévention précoce, de plus en plus mises sous les projecteurs, de l’autre des communes, au budget de plus en plus contraint, qui se désengagent de cette compétence non obligatoire. L’Uriopss Rhône Alpes et la Chambre Régionale des entreprises d’économie sociale et solidaire ont décidé de réagir en diffusant un plaidoyer pour la petite enfance qui sera détaillé lors d’une journée organisée le 21 novembre à Lyon. L’objectif : valoriser l’action des organisations associatives, mutualistes et coopératives dans ce domaine en montrant sa plus-value par rapport aux structures municipales et surtout au secteur lucratif. Au-delà du seul champ associatif, c’est bien l’engagement de tout un pan de l’économie sociale et solidaire qu’il s’agit de mettre en avant. Flore Chalayer, conseillère technique pour l’Uriopss Rhône-Alpes nous en dit plus sur cette initiative.
Quelle est la part occupée par le secteur non lucratif dans la petite enfance ?
Flore Chalayer. Si l’on prend en considération le milieu associatif, les coopératives et les mutualités, un tiers du secteur de la petite enfance est couvert. Ce sont 700 établissements en Rhône Alpes et en Auvergne. Les associations constituent un acteur historique de la petite enfance avec à l’origine, un grand nombre de crèches parentales. Les acteurs de l’ESS portent eux aussi depuis le début des structures pour les jeunes enfants.
Pourquoi ces acteurs historiques sont-ils en difficulté?
F.C. Les municipalités se désinvestissent du secteur et financent moins les associations. Dans la précédente COG, la totalité des fonds affectés à l’ouverture de nouvelles places n’a pas été utilisée. Parce qu’en fait les dotations disponibles pour chaque commune ne suffisaient pas à couvrir la dépense. Comme la petite enfance n’est pas une compétence obligatoire et que les budgets se restreignent c’est l’un des secteurs sur lesquels les économies sont faites. De l’autre côté, on voit de plus en plus d’entreprises lucratives ouvrir des structures d’accueil. Le portage générale de la petite enfance est mis en difficulté par la concurrence des entreprises et le désengagement des villes.
En quoi la concurrence faite par le privé est-elle problématique pour le secteur ?
F.C. La petite enfance relève d’une politique sociale. C’est le lieu de la prévention, un lieu d’ancrage fort, le lieu d’où partent les initiatives et partenariats sur le territoire. Les structures de l’ESS ont un projet social que les entreprises lucratives n’ont pas. Elles ont un historique et une vision à long terme. Avec ce plaidoyer il est important pour nous de contrer une idée lancinante, une image ancienne et fausse : celle d’associations et de coopératives qui ne seraient pas des gestionnaires. Ce n’est pas vrai. D’abord ce secteur est très encadré, personne ne peut faire n’importe quoi. Ensuite on trouve dans ces organisations un grand nombre de compétences et de la valeur ajoutée. Ce sont des crèches très réactives et créatrices car non contraintes par les pesanteurs de l’administration.
Le double argument de la norme qui s’impose à tous et de la plus grande souplesse peut être utilisé pour défendre le secteur privé…
F.C. C’est vrai. Mais l’ESS porte un projet social qu’on ne retrouvera pas dans les structures à but lucratif. Nos crèches s’ouvrent bien davantage aux familles pauvres, aux enfants porteurs de handicap. Toutes les structures situées dans les quartiers prioritaires sont gérées par l’ESS.
Et vous êtes plus concurrentiels
F.C. Oui ! Nous avons du mal à utiliser cet argument mais c’est vrai. D’après une étude de la CNAF de 2016, les crèches associatives ont un coût par place moins élevé que les crèches municipales et privées.
Comment percevez-vous les ambitions du gouvernement sur ces sujets ?
F.C Il y a un vrai engagement sur la petite enfance et sur la lutte contre la pauvreté. Nous savons qu’il n’y aura pas de plan général pluriannuel concernant l’exclusion mais une politique axée sur trois publics cibles : la monoparentalité, les jeunes qui sortent de l’aide sociale à l’enfance et la petite enfance. Ceci signale un vrai parti-pris du nouvel exécutif, un engagement fort pour les enfants et la jeunesse.
Que pensez-vous de la mise en exergue récurrente ces derniers mois du concept d’investissement social en petite enfance ?
F.C Cette notion est en effet vraiment dans l’air du temps. Elle est intéressante, elle est inscrite au cœur des discussions qui s’engagent sur la prochaine Convention d’objectifs et de gestion (COG). Il s’agit de montrer qu’au-delà de la conciliation vie privée-vie professionnelle les structures peuvent constituer des leviers pour l’inclusion d’autres publics. Pour nous il s’agit d’abord de garantir l’accessibilité des crèches à toutes les familles, y compris celles en recherche d’emploi, de leur permettre de dégager du temps en confiant leurs enfants, mais pas seulement. A cet égard le label VIP (crèches à vocation d’insertion professionnelle), qui repose sur des partenariats avec Pôle Emploi, est trop réducteur. Beaucoup de structures travaillent dans les faits sur l’insertion professionnelle mais proposent aussi bien d’autres services. Par exemple des ateliers parentalité.
Ces ateliers parentalités font-ils partie pour vous de cet investissement social ? Constituent-ils un outil de lutte contre les inégalités ?
F.C. Oui, bien sûr. C’est une façon d’ancrer les parents. Ces ateliers sont une porte d’entrée vers d’autres travailleurs sociaux. Tout le monde constate la difficulté de faire venir les familles vulnérables. La crèche est un formidable levier. Les parents font confiance aux équipes qui s’occupent de leurs enfants. Cette confiance est précieuse, il faut s’en saisir. D’où la nécessité absolue d’investir dans des structures qui portent un projet social et ne se limitent pas uniquement à proposer un accueil, à offrir un service. D’où notre plaidoyer.