Voici le témoignage d’Hélène*, salariée de la protection de l’enfance dans un département qui concentre les facteurs de vulnérabilité, la Seine-Saint-Denis. Passionnée par sa mission, cette professionnelle expérimentée livre néanmoins son désarroi, sa fatigue, son sentiment d’impuissance souvent, face à la somme croissante de souffrances qu’elle rencontre, aux malentendus culturels, aux dilemmes permanents.
On pourrait multiplier les images éculées. Le tonneau des Danaïdes. Un cautère sur une jambe de bois. Un puits sans fond. Ce que raconte Hélène, professionnelle de la protection de l’enfance d’une ville de la Seine-Saint-Denis, département le plus jeune et le plus pauvre de France, est vertigineux. Depuis son poste d’observation elle voit défiler les enfances meurtries, les maternités blessées, la douleur de l’exil, l’ambivalence des parents, leur folie aussi, les conflits de loyauté des enfants, l’impuissance des professionnels, la violence du système.
De plus en plus de sans-papiers, de plus en plus de souffrance
En trois ans, assure-t-elle, le nombre d’enfants placés dans certaines villes du 93 a beaucoup augmenté. De façon plus générale, la population elle-même croît considérablement, avec une arrivée massive de personnes sans-papiers et un taux de natalité très élevé chez ces populations. Or, note Hélène, « les personnels de la protection de l’enfance, eux, n’ont pas doublé ». Françoise Simon, l’ex directrice du service Enfance et Famille du Département (elle vient de quitter ses fonctions) nuance cette impression : ce sont les accueils en urgence qui ont en fait, et nettement, augmenté, en proportion de l’ensemble des mesures de protection (voir notre entretien).
Les situations difficiles, plus nombreuses, se révèlent également d’une complexité croissante. Sur les problématiques purement économiques et sociales viennent se greffer la question des violences familiales, extrêmement fortes, et des troubles psychiatriques, eux aussi très prégnants. « Beaucoup d’adultes devraient être hospitalisés et ne le sont pas », affirme Hélène. Le 93 est aussi en première ligne pour l’accueil des mineurs isolés, ou l’a été jusqu’à ce que ces adolescents soient répartis au niveau national en 2011. Hélène les voit encore beaucoup. Reçus par l’Aide Sociale à l’Enfance, ils sont orientés vers des structures plus spécialisées, comme les foyers de la Croix Rouge.
«On a des gamins venus de Côte d’Ivoire, du Congo, d’Haïti, qui ont été envoyés via des passeurs chez une vieille cousine ou une sœur. Mais au bout d’une semaine, la cousine en question n’en peut plus et elle dépose le jeune à l’ASE. Les parents, au pays, ne sont même pas au courant que l’enfant est placé. Ou alors c’est l’école qui signale le jeune parce qu’il s’est plaint de mauvais traitement ou qu’il porte des traces de coups. On constate beaucoup de violences familiales, notamment chez les familles haïtiennes. Elle fait partie de l’éducation et quand l’ASE intervient, ces parents ne comprennent pas ce qu’on leur reproche.» Hélène dit les choses telles qu’elle les voit, avec ce souci de nommer le réel, de préciser qu’il s’agit de son expérience pas forcément généralisable, et de toujours contextualiser, analyser, chercher les tenants et les aboutissants.
Des violences conjugales fréquentes
Au cœur de ce réel qui fait son quotidien, donc, ce constat d’une violence intra-familiale endémique, conjugale ou à l’encontre des enfants. Elle le dit sans fausse pudeur parce que ça lui semble une totale évidence : la violence conjugale concerne toutes les couches sociales et toutes les cultures mais elle est particulièrement présente dans la population immigrée parce qu’elle y est culturellement moins stigmatisée, et que cette violence apparaît comme le corollaire d’une construction des rapports hommes/femmes moins égalitaire. Pour l’écrire autrement, la violence conjugale semble plus fréquente dans les sociétés plus traditionnelles et plus religieuses. C’est en tous cas ce que pointait l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF) réalisée en 2000 (une actualisation est en cours avec l’enquête VIRAGE). Cette enquête notait à l’époque :
« Parmi ces éléments, la religion incarne une vision des rapports entre les sexes et un ensemble de règles de vie. L’éducation laïque, sans doute un peu plus égalitaire entre les sexes, semble moins engendrer de violences conjugales que l’éducation religieuse, quelle qu’elle soit. De plus, on observe une forte corrélation entre l’importance accordée à la religion et les situations de violences conjugales, notamment gravissimes, qui touchent 5,2 % des femmes qui accordent de l’importance à la religion, contre moins de 2 % parmi les autres. (…)
Les femmes immigrées d’origine étrangère (à l’exception des italo-ibériques) sont plus fréquemment que les autres en situation de violences conjugales. Les femmes du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne déclarent deux fois plus de harcèlement psychologique que les autres femmes. Ces résultats sont très liés aux caractéristiques démographiques de ces groupes, notamment l’âge et le mode de vie ; ils dépendent également d’autres critères comme l’isolement, la précarité, les conflits culturels.(…) Pour les femmes issues de l’immigration (couramment nommées de la deuxième génération) de parents marocains ou algériens, l’indicateur global de violences conjugales est doublé. Ce taux élevé est dû principalement aux situations de violences « gravissimes ».»
Sur cette question, la Seine Saint Denis, peut-être par la force des choses, semble assez en pointe. «Le département a pris le problème à bras le corps, confirme Hélène. Il existe plusieurs dispositifs pour venir en aide aux femmes. La question des enfants a notamment bien été pensée. »
Le handicap des enfants pas assez pris en charge
Autre problématique qui constitue une inquiétude de plus en plus forte pour Hélène : le handicap des enfants. Il se surajoute aux conditions de vie instables et précaires et devient un facteur de risque supplémentaire. Comme pour cette femme qui demande de l’aide pour son fils de trois ans présentant des troubles autistiques. Les professionnels de l’ASE lui expliquent que la mise en place d’un soutien peut prendre un peu de temps, qu’elle doit attendre. Deux semaines plus tard cet enfant est accueilli aux urgences, après avoir été frappé par sa mère. Une autre a une bouffée délirante et veut jeter sa fille par la fenêtre du bus. Ces familles habitent souvent dans des hôtels sociaux. Dans un autre contexte, elles n’auraient certainement pas été maltraitantes. « Il y a une maltraitance induite car les mères n’en peuvent plus. Comment fait-on quand on vit dans une chambre d’un hôtel social avec un gamin autiste qui mange le canapé ?»
L’enquête ENFAMS publiée en 2014 par le Samu social sur les familles sans abri confirme l’acuité de cette problématique : « ces troubles suspectés de la santé mentale sont plus fréquents dans notre population d’étude (19%) qu’en population générale (8%). Ils ont été repérés chez 25% des garçons et 17% des filles. Ces troubles étaient des troubles émotionnels (27% des enfants), des troubles du comportement (24%), des troubles d’inattention/hyperactivité (18%) et des troubles relationnels (10%). »
Selon Hélène, de plus en plus d’enfants porteurs de handicap ne se voient pas reconnus comme tel par la maison départementale du handicap (MDPH). Et même quand ils obtiennent cette reconnaissance, ils ne sont pas pris en charge faute de place. « Lorsqu’ils sont retirés de la famille, ils se retrouvent en famille d’accueil lambda, pas formée pour ça, et ils ne bénéficient pas des soins dont ils auraient besoin. Ca c’est nouveau.»
Des jeunes filles en quête d’émancipation et des parents déboussolés
En magasin, Hélène a aussi la question des jeunes filles migrantes confrontées à la pression familiale et à la menace d’un mariage forcé. «En ce moment je vois beaucoup de gamines qui ont fui leur pays ou sont en conflit avec leur famille. Certaines sont arrivées en France à 11 ou 12 ans. Leurs parents sont très coutumiers. Elles découvrent la liberté, elles s’y engouffrent et les parents ne le supportent pas, ils ne comprennent pas que leur fille se soit si bien adaptée aux mœurs du pays d’accueil et qu’elle leur échappe. C’est très flagrant notamment chez les familles du Bangladesh. Ca crée de vrais conflits générationnels. Les filles ne sont pas « le cul entre deux chaises », elles ont clairement choisi. Mais du coup elles se retrouvent exclues de leur famille, elles subissent de plein fouet la pression culturelle et religieuse. C’est d’une extrême violence pour elles. Certaines tentent de mettre fin à leurs jours. Les parents, eux, sont déboussolés. Ils se sentent pris au piège. Ils voulaient donner une vie meilleure sur un plan socio-économique à leurs enfants mais ils n’avaient pas mesuré le fossé culturel et ce qu’il allait produire sur leurs enfants. Beaucoup me disent « si j’avais su, je ne serais pas venu ».»
Quand parentalité et culture nécessitent des ajustements
Hélène décrit des parents qui se sentent dépossédés de leur rôle -« ici les enfants ont tous les pouvoirs, disent-ils, on les écoute trop »-, et ne comprennent absolument pas la conception occidentale d’un enfant sujet détenteur de droits et dont l’intérêt supérieur doit prévaloir. « Leur dire que leur enfant semble souffrir sur un plan psychique et qu’il faut consulter un psychologue, parler de la subjectivité de l’enfant, ça n’a aucun sens pour eux. Venir d’ailleurs implique de s’adapter aussi dans sa parentalité et c’est douloureux.»
Nombre de parents découvrent stupéfaits qu’ils n’ont pas le droit de frapper leur enfant, avec une ceinture par exemple. Ils font valoir qu’ils ont été éduqués comme ça et qu’après tout ils n’en sont pas morts. C’est là que se pose la question fondamentale de l’accompagnement à la parentalité. Comment pointer des comportements inappropriés, induits par la méconnaissance et/ou des pratiques ancestrales, au nom de quoi, avec quels mots et quelle posture ? Sans stigmatiser, sans infantiliser, sans juger (mais faut-il absolument s’interdire de juger?). Hélène a une parade pour régler ce problème qui interroge en permanence la mission de nombre de professionnels, travailleurs sociaux, intervenants en PMI, employés de crèches : « Je pense qu’il ne faut pas confondre la norme et la loi. Je leur explique qu’ils ne peuvent pas frapper leur enfant parce que c’est interdit par la loi. Que ça leur plaise ou non, quoi qu’ils en pensent et que j’en pense, ce n’est pas une question de culture ou de morale, de bien ou de mal. C’est interdit ou ça ne l’est pas, c’est tout, ils n’ont pas le choix. « Si vous le frappez, vous serez toujours en tort vis à vis de la loi ». Ca sauve de tout jugement moralisateur. Et ils ne se sentent pas jugés ».
Transmettre des informations plutôt que la norme
Hélène note que les visites médiatisées, ces moments de rencontre entre parent et enfant en présence d’un tiers peuvent donner lieu à un jugement moral de la part du professionnel. On relève par exemple, pour le déplorer, qu’une mère ne parle pas et ne joue pas avec son enfant (ce qui est fréquent). « Mais c’est une question de norme, relève Hélène. C’est difficile de demander à une mère africaine de jouer avec son enfant car ce n’est pas sa culture.»
Pour autant, on peut considérer que ce qui relève de la culture n’est pas immuable et peut aussi être modifié, atténué, contré voire combattu au nom justement de l’intérêt des individus. L’exemple du jeu et du langage est excellent. On sait aujourd’hui à quel point la stimulation langagière d’un tout petit dans son environnement familial, et le jeu, sont constitutifs, en tous cas dans les sociétés occidentales, de son bon développement. A quel point aussi le langage se révèle prédicteur de son apprentissage de la lecture et de sa réussite scolaire. Faut-il, au nom du respect des pratiques culturelles, laisser des familles appliquer ce qu’elles ont toujours connu, à savoir par exemple qu’un jeune enfant ne doit pas parler en présence d’un adulte, alors que c’est justement cette parole qui va lui permettre plus tard d’apprendre à lire ? On peut estimer que ne rien dire, c’est occasionner pour cet enfant la perte d’une chance et qu’il est justement très méprisant de considérer que certains parents ne seraient pas accessibles à la connaissance quand les autres, plus éduqués, y auraient accès grâce aux livres, au magazine et aux sites internet.
« Ne pas juger et ne pas être moralisateur ne veut pas dire se priver de transmettre une information, acquiesce Hélène. C’est très différent. Il faut transmettre du savoir plutôt que de la norme. On peut être strictement informatif. Par exemple, à une maman qui donne des biberons de coca, je ne vais pas dire « madame c’est mal, on ne donne pas de coca à un enfant ». Je vais dire « vous savez que que dans le coca il y a de la caféine, c’est à dire du café ». C’est différent parce que ça veut dire qu’on accepte la liberté de notre interlocuteur de faire ce qu’il veut de l’information transmise. Il n’y a pas d’injonction ». L’exemple du coca est judicieux dans la mesure où de nombreuses familles en effet peu informées laissent les enfants s’endormir avec un biberon de soda. Résultat : à trois ans, les dents des petits sont gâtées.
Des grossesses pas assez suivies
Dans les récits d’Hélène il y a en creux et en permanence, l’ambivalence -parfois la toute puissance- maternelle et le rapport là aussi très culturel au désir d’enfant, à la parentalité et à l’éducation. Si des femmes sans logement, sans travail, parfois sans papiers, font malgré tout des enfants ce n’est pas uniquement parce qu’elles n’ont pas accès à la contraception. Comme le relevait aussi le rapport du Samu social, le bébé constitue un espoir, une réalité tangible autant qu’une contrainte et une charge supplémentaires. Le département a mis en place, là aussi, de nombreux dispositifs pour accompagner les femmes enceintes en grande précarité. Il n’empêche qu’elles sont encore nombreuses à ne pas faire suivre leur grossesse, par manque d’accès aux structures de soin mais pas que. Et beaucoup de grossesses sont déclarées tardivement (8,8% des grossesses sont déclarées au-delà du premier trimestre en Seine-Saint-Denis, contre 1,7% dans les Yvelines, à ce sujet voir notre article « Santé et Social : faire alliance autour de la naissance »).«Nous on voit bien le ventre poindre sous le boubou, assure Hélène. Mais non, elles nient. C’est peut-être une façon de garder cet enfant pour elles toutes seules. Et il n’y a pas d’anticipation de ce qui va se passer, pas de projection. »
Les pères, eux, peuvent être là ponctuellement, pour donner un peu d’argent, ils disparaissent, réapparaissent, parfois ils déclarent le bébé sans en être vraiment le géniteur, pour faciliter l’obtention de papiers. Hélène poursuit son analyse. « Certaines femmes ne sont bien qu’enceintes, elles ne peuvent élaborer que dans ces périodes là. Je pense à une mère qui enchaîne les grossesses. A chaque fois ses enfants sont placés, dès la maternité, parce qu’elle n’est absolument pas en mesure de s’en occuper. Mais enceinte, elle va bien. Une autre, elle s’occupe très bien de ses enfants jusqu’à un an. Tant qu’ils ne marchent pas, ça va, c’est après que ça se gâte. Jusqu’à un an, ils prennent ce qu’il y a à prendre. Il y a des mères qui peuvent être adaptées sur des périodes précises.»
Le maintien du lien, le débat qui n’en finit pas
Et après ? Après les enfants sont accueillis au sein de l’Aide Sociale à l’Enfance. Et souvent ils ne retournent jamais vivre avec leur mère, qui conserve sa pathologie mentale, qui vit toujours en hôtel social. Voilà le moment où vient LA question sur la déclaration d’abandon. Cette question réputée insoluble, ultra clivante, chargée de souffre. On ne peut pas imposer la pilule ou le stérilet à une femme mais doit-on condamner ses enfants à grandir dans une famille d’accueil ? Hélène le dit sans ambages : « cette mère n’a que faire de l’intérêt de ses enfants, elle est dans une sorte de quête. Mais elle fait des pieds et des mains pour récupérer ses enfants. Il est impossible de travailler la question de l’abandon avec elle.» Et, souligne Hélène, si jamais elle ne se manifestait pas pour avoir des nouvelles de ses enfants, c’est le juge des enfants qui se chargerait d’ordonner des visites médiatisées. Le lien serait maintenu de facto, même artificiellement. Ce maintien du lien empêcherait de constater un désintérêt manifeste, de déclarer ces enfants abandonnés, de leur offrir la protection du statut de pupilles de l’Etat, d’en faire des enfants adoptables et éventuellement adoptés.
Cette problématique irrigue tous les débats sur la protection de l’enfance depuis 20 ans. Tous les rapports des dernières années ont pointé la frilosité des juges à prononcer un abandon d’enfant, même lorsque celui ci est manifestement délaissé par ses parents (voir notre article sur la fin de l’ORCAN). Le problème est parfaitement identifié : des enfants placés très tôt dont on sait que très certainement ils ne retourneront pas dans leur famille et qui pourraient donc faire l’objet d’une adoption, grandissent en fait au sein de l’ASE parce qu’aucun juge n’a prononcé de déclaration d’abandon. « Une inspectrice nous a demandés de revoir toutes les situations qui nous semblaient limites pour voir si on ne pouvait pas proposer une déclaration d’abandon, raconte Hélène. Mais quand on le fait les juges ne suivent pas. Résultat on se retrouve avec des enfants pupilles de l’Etat à dix ans.» Ce qui ne serait pas si grave si ces enfants finissaient effectivement par rentrer chez eux, dans des délais courts.
Le très emblématique ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenscveig l’a toujours soutenu : il ne faut pas voir l’ASE comme une réserve d’enfants délaissés, les placements seraient transitoires, les enfants vont et viennent. Ce que confirme Françoise Simon, la directrice du service Enfance et Famille du département. Mais du poste d’observation d’Hélène, les enfants vont plus qu’ils ne viennent. « Dans notre circonscription, les enfants continuent d’entrer dans le système mais ils n’en ressortent pas avant leur majorité. Il n’y a pas de vase communiquant. Il y a plutôt une accumulation. » C’est notamment pour éviter que trop d’enfants ne grandissent (croupissent?) dans des foyers de l’ASE que la sénatrice Michelle Meunier a fait voter la loi dite du 14 mars 2016, censée faciliter les procédures d’abandon, mettre le focus à la fois sur les très jeunes enfants et sur les enfants placés depuis plus de deux ans, et redonner toute son importance au « projet pour l’enfant », une procédure obligatoire mais en réalité très peu appliquée.
Cette loi a pour but de légèrement replacer le curseur du côté de l’enfant, presque dix ans après la loi de 2007 qui avait mis l’accent sur le partenariat avec les parents. « Les éducateurs disent que la loi de 2007 a beaucoup changé leurs pratiques, rapporte Hélène. Elle a entraîné une déjudiciarisation. Mais certains trouvent qu’elle a donné trop de droits aux parents au détriment des enfants ».
Cesser de travailler dans l’urgence
Maintenir ou couper le lien biologique, placer ou pas, protéger mais comment… Hélène se pose toutes ces questions. De sa fenêtre, les coutures craquent de partout et le moindre dysfonctionnement à un bout de la chaîne génère un effet boule de neige aux conséquences dévastatrices. Car si tant d’enfants sont placés, et en extrême urgence, c’est notamment parce que les mesures de prévention n’ont pas pu être mises en places. L’attente est telle entre le moment où une mesure d’aide en milieu ouvert est prononcée et le moment où elle débute, que tout peut arriver. « De plus en plus d’enfants sont placés directement avant que l’AMO ait même commencé, assure Hélène. Mais il y a aussi de plus en plus d’enfants suivis en AMO qui arrivent dans les services de protection de la jeunesse en urgence, via la brigade des mineurs.» Françoise Simon l’assure de son côté, la prévention est devenue l’une des priorités du département. Car personne ne peut en effet se satisfaire que l’urgence devienne la norme. Même sur un territoire qui plus que d’autres voit passer le fracas du monde.
*Le prénom a été modifié