Voici, pour la période couvrant les mois de juin, juillet et août notre sélection de contenus picorés sur le web sur le thème de l’école, le plus souvent en anglais. Vous trouverez, pour chaque focus, un titre de notre composition, le lien vers la ou les source(s) puis un résumé traduit du ou des article(s) mis en ligne sur le sujet.
Le droit de jouer à la maternelle, la nouvelle inégalité
La question de la pré-scolarisation et de sa généralisation est récurrente dans les pays anglo-saxons où l’école maternelle telle que nous la connaissons n’existe pas. De nombreux spécialistes et politiques plaident de plus en plus pour un accueil universel des 4-6 ans dans des structures éducatives, notamment parce qu’un accueil de qualité permettrait de mieux préparer les enfants de milieu défavorisés aux apprentissages scolaires et de réduire ainsi les inégalités. Mais plus ce sujet suscite d’intérêt, plus la crainte augmente de voir ces jardins d’enfant se calquer sur les rythmes, l’organisation et les apprentissages purement scolaires (un débat qui serait le pendant de la dénonciation de la primarisation de notre école maternelle). Dans cet article du Washington Post, c’est Nancy Carlsson-Paige, une spécialiste de l’éducation (qui se trouve également être la mère de l’acteur Matt Damon), qui alerte sur une nouvelle fracture : celle du droit de jouer. Pour elle, comme pour d’autres observateurs, il s’agit là d’un effet pervers du programme « No child left behind » (aucun enfant laissé sur le bord de la route) initié il y a 15 ans par l’administration américaine pour enrayer l’échec scolaire des milieux défavorisés et notamment des minorités. Ce plan a conduit à mettre l’accent sur les apprentissages académiques dès la maternelle (là où elles existent). Or, comme un effort particulier a été fait pour faciliter la scolarisation des jeunes enfants les plus pauvres, ils sont particulièrement soumis à ces exigences scolaires précoces, que Nancy Carlsson-Paige considère comme incompatibles avec les besoins de jeunes enfants : élèves assis sur des chaises pendant des heures et transmission verticale du savoir. A cet âge, plaide-t-elle, les enfants ont besoin de bouger en liberté, sans entrave, d’expérimenter avec leur corps, et le jeu fait partie intégrante de leur développement. Elle va plus loin : en confrontant si tôt les enfants aux règles scolaires, on leur apprend à devenir « conformes », pas à développer leur créativité. L’auteur estime que les enfants de milieux défavorisés sont les plus soumis à cette pression académique tandis que les autres ont la possibilité de fréquenter des écoles où le jeu et la motricité libre ont encore toute leur place.
Apaiser les ados en les informant que leur caractère va changer
Selon l’expérience menée par des chercheurs de l’Université d’Austin au Texas, il existe un moyen (parmi d’autres) de diminuer le stress social qui affecte les performances cognitives des adolescents : leur expliquer clairement que les compétences sociales des individus évoluent dans le temps. Qu’en d’autres termes, on peut avoir l’impression d’être un « looser » au collège et néanmoins devenir un adulte épanoui et très entouré. Premier constat : l’adolescence est une période de vulnérabilité en raison notamment de la prépondérance du regard des pairs. Les jeunes moins bien dans leur peau sont angoissés par le regard porté sur eux par leurs camarades et ce stress nuit à leurs performances scolaires. Le fait d’expliquer à un adolescent que son rapport aux autres évoluera et qu’il ne sera pas toute sa vie dans la même situation permet de le soulager, de réduire son anxiété et d’améliorer sa concentration. Même s’il ne s’agit pas d’une solution miracle, comme le reconnaissent les auteurs, les conclusions de cette étude plaident pour de légères interventions psychologiques dans les collèges et lycées.
Les parents scolairement trop exigeants nuisent à leur enfant
National University of Singapor
Cette étude de l’Université Nationale de Singapour vient confirmer ce que de nombreux articles ont déjà relaté au sujet des méthodes éducatives de certains pays asiatiques: des enfants soumis à une très forte pression scolaire de la part de leurs parents ont tendance à développer un perfectionnisme maladif qui dans des cas extrêmes peut conduire à la dépression et au suicide. L’intérêt de cette étude réside dans sa durée (cinq années) et l’âge de la cohorte, des enfants de sept ans au début de l’expérience (alors que les recherches antérieures portaient plutôt sur des adolescents). L’auteur estime qu’il est important d’expliquer aux parents en quoi consiste un environnement propice aux apprentissages et en quoi l’intrusion et la pression parentales exagérées sont contre-productives. Il donne des conseils de bon sens : encourager l’enfant, poser des questions qui n’induisent pas des attentes démesurées (« comment s’est passé ton examen ? » plutôt que « as-tu très bien réussi ? »), souligner les points positifs d’un devoir avant de s’appesantir sur les erreurs. L’auteur rappelle aussi qu’une telle étude prend tout son sens dans un pays comme Singapour, connu pour l’excellence académique de ses élèves mais aussi pour son système éducatif très exigeant.
Des usages numériques toujours socialement différenciés chez les jeunes
Cette étude de l’OCDE souligne qu’il existe toujours une fracture numérique selon le milieu familial et qu’elle réside dans les usages plutôt que dans l’accès. Dans les pays développés, les étudiants de milieu modeste ont autant accès au technologies en ligne que les autres et ils passent au moins autant de temps en ligne. Mais leurs usages ne sont pas les mêmes. Les jeunes défavorisés utilisent davantage internet pour les chats de discussion et pour les jeux que les étudiants favorisés tandis que ces derniers ont plus tendance à recourir au net pour rechercher des informations et lire.
En début d’année, demander autre chose aux parents que leur adresse et leur profession
Pernille Ripp est enseignante, bloggueuse et écrivain. Dans ce billet elle détaille l’outil mis en place dans son collège lors de l’entrée en sixième ou lors de l’arrivée d’un nouvel élève : le questionnaire aux parents. Ce questionnaire ne couvre pas les champs administratifs ou les questions de santé. Il sollicite les parents en tant que meilleur connaisseur de l’enfant et en fait, dès le début de l’année, des interlocuteurs à part entière, avec des questions telles que « décrivez les points forts de votre enfant », « décrivez vos attentes concernant votre enfant pour cette année ? » « quelle a été son expérience scolaire jusqu’à présent ? », « quels sont vos espoirs et vos rêves pour lui ? ». Pour Pernille Ripp, ce questionnaire établit un lien de confiance et se révèle très précieux pour en savoir plus sur l’enfant. Lorsque ce questionnaire est renvoyé par mail, elle prend soin de répondre à chaque mail de façon individualisée.
Maigrir au sein de la classe
Plusieurs écoles américaines expérimentent la possibilité pour leurs élèves de réduire leur indice de masse corporelle à l’intérieure même de la classe, et pas seulement pendant le cours de gymnastique. Installation de bureau en hauteur avec station debout, sièges équipés de pédales, exercices physiques en même temps qu’exercices de maths… Les évaluations de ces expériences sont positives : les enfants maigrissent et leurs capacités de concentration s’améliorent. D’une pierre deux coups.
Contrer le stress toxique des enfants en grande insécurité
Dans cet entretien à deux voix, une enseignante et une neurobiologiste plaident pour le prise en compte du « stress toxique » qui entrave les apprentissages scolaires. Cette angoisse pathologique survient chez des enfants soumis à des événements traumatiques, de plus ou moins grande intensité, ce que les anglo-saxons appellent ACE pour « adverse child experiences » (« expériences infantiles défavorables »). Sheila Ohlsson Walker, chercheuse à l’Université John Hopkins, et Melissa Steel King, enseignante, expliquent ainsi que plus ces expériences sont nombreuses dans l’enfance plus le risque est élevé pour cet enfant de développer à court et long terme des maladies chroniques ou des troubles psychiques. Lesquels auront des implications sur la formation même de son cerveau et des répercussions sur ce qu’il vit en classe. Les enfants grandissant dans des milieux très précaires ont davantage de risques d’être confrontés à ces ACE. L’année dernière une saisissante étude publiée dans Nature avait montré pour la première fois l’impact de la pauvreté sur le cerveau des plus jeunes. Selon Sheila Ohlsson Walker, il est possible d’inverser la donne pour ces enfants et de leur redonner toutes les chances de réussir à l’école. Une nourriture équilibrée, de l’exercice physique, un environnement sécurisé, une attention bienveillante par un adulte de confiance peuvent contrer les effets délétères du stress. La chercheuse et l’enseignante, Melissa Steel King, estiment que c’est l’alliance entre la médecine et l’éducation qui permettra d’aider les enfants les plus fragiles.
La bienveillance pour favoriser les apprentissages des enfants traumatisés
Site du Département américain en charge de l’éducation
Randell Erving, l’auteur de ce billet de blog hébergé sur le site du département américain de l’éducation, rejoint les réflexions développées dans l’article précédent du Washington Post. Selon lui, les apprentissages scolaires ne peuvent s’effectuer que dans un environnement bienveillant. Et c’est particulièrement vrai pour les élèves confrontés à des conditions de vie difficiles. Dans l’école où enseigne Randell Erving, la « Camino Nuevo Charter Academy », où sont scolarisés de nombreux enfants placés dans des foyers ou en famille d’accueil, plusieurs psychologues sont présents à temps plein, les enseignants sont sensibilisés à la question du traumatisme. Des visites ont lieu au domicile des parents. Lorsque ces enfants ne parviennent plus à gérer leurs émotions que c’est toute la communauté éducative qui est impactée, un processus de « justice réparatrice » ayant pour but de résoudre le problème de façon non punitive se met en place.