Le colloque organisé le 9 septembre par l’ANECAMSP sur le syndrome d’alcoolisation foetale (SAF) et ses conséquences a largement donné la parole aux parents d’enfants atteints. Des témoignages émouvants et parfois très critiques quant à la prise en charge proposée.
Le colloque de l’ANECAMSP s’est ouvert avec le témoignage vidéo d’une mère qui a permis de mesurer la honte ressentie par ces femmes.
« C’est comme si je m’étais donnée des coups de couteau dans le ventre. Je buvais, je caressais mon ventre en pleurant et en demandant pardon.Je ne me sentais pas digne d’être mère.(…)Mon médecin m’a dit : « ne vous tracassez pas, un verre ou deux de temps en temps les 3 premiers mois ce n’est pas grave. Or j’étais alcoolique. Il ne fallait pas me dire ça. » Au quatrième mois elle parvient à cesser de boire grâce à un gynécologue qui propose un sevrage physique.
« Mon enfant va bien mais est il plus petit, il a des difficultés d’apprentissage. Je suis responsable de son retard. C’est un SAF partiel. Je sais que ça va s’arranger. Aujourd’hui je suis abstinente. La honte ne fait pas avancer les choses. »
« A l’époque on n’en parlait pas »
Un peu plus tard dans la journée c’est Noema, venue de La Réunion, qui livre son histoire dans un savoureux mélange de Français et de Créole, la voix chantante mais tremblante. Elle raconte comment le décès de son conjoint, il y a près de 30 ans, à la veille de Noël, lui a fait perdre pied
« Je suis tombée dans l’alcool. Je suis restée seule avec mes deux premiers enfants. Mon seul soutien c’était l’alcool. J’ai rencontré un autre compagnon. C’était tout nouveau tout beau mais il buvait aussi. J’ai continué. J’ai continué à boire, même enceinte. Ma fille est née. A l’époque on n’en parlait pas. Aujourd’hui je sais qu’une maman enceinte ne doit pas boire. Si j’avais su à l’époque… Personne n’en parlait. J’étais toute seule dans mon alcool. Et puis on m’a fait remplir un questionnaire. J’ai été convoquée qu CAMSP par rapport au questionnaire. J’ai dit que je buvais « un petit peu ». La honte, la honte qui empêche de parler. Le médecin a compris. Plus tard j’ai vu le pédiatre. Ma fille a été diagnostiquée porteuse d’un SAF partiel. Elle est née à 2,8 kg. Pour moi c’était normal. Ma fille était suivie toutes les semaines et moi je voyais un groupe de mamans. Il y avait une assistante sociale et une psychomotricienne. Toutes les semaines une ambulancière venait chercher ma fille pour l’emmener au CAMSP. J’ai raconté mon histoire à l’assistante sociale, je n’ai pas été jugée. Il y a eu tout un réseau autour de moi. Aujourd’hui ma fille a 20 ans. Je suis fière, elle est forte. Il faut tenir la main des femmes.»
« Je parlais de troubles neurologiques, on me répondait « troubles de l’attachement »
Toutes les mamans et tous les enfants n’ont pas la chance d’être diagnostiqués et accompagnés comme ce fut le cas pour Noéma et sa fille. Stéphanie, elle, ne décolère pas. Elle a adopté à cinq mois une petite fille née sous le secret. Très vite, Stéphanie est alertée par le comportement du bébé. Elle est puéricultrice et est donc parfaitement capable de percevoir des problèmes de développement. La petite fille se comporte comme un prématuré. Elle est très agitée, a des problèmes d’oralité. Stéphanie fait part de son inquiétude à la pédiatre. « Je lui dis « il y a eu un problème de toxiques pendant la grossesse ». La pédiatre évacue. Ma fille a marché à 18 mois. A deux ans, elle était tout le temps agitée. J’ai encore parlé de troubles neurologiques. On m’a répondu « troubles de l’attachement ». J’avais beau dire qu’il y avait un problème neurologique, on me parlait de problème psychologique. La psy m’a dit « vous ne pourrez pas manipuler cette enfant comme vous manipulez votre mari et votre fils ». Il faut savoir que le milieu de l’adoption est très particulier. Les « psys » sont hyper puissants, ils passent leur temps à mettre en avant les troubles de l’attachement. » Et puis un jour, à force de chercher, elle comprend. « Quand j’ai lu les documents sur le SAF avec la liste des symptômes, j’ai lu la description de ma fille, j’ai été prise d’une colère noire. J’ai dû aller à Paris pour qu’elle soit diagnostiquée. Aujourd’hui elle a une bonne prise en charge. L’équipe éducative est exceptionnelle. La médecine scolaire en revanche m’a fait une leçon de morale. Ils sont OK pour parler de dyspraxie mais il ne faut pas évoquer l’alcoolisation foetale. A cause du secret médical. »
Deux pères raconteront eux aussi les difficultés rencontrées pour obtenir un diagnostic, la mise en avant par les « professionnels » de problèmes psychologiques pour expliquer des retards cognitifs, des troubles des apprentissages et du comportement, et les prises en charge inefficaces.
Des parents obligés de se battre contre une approche psychologisante, voire contre certaines idéologies, pour obtenir un diagnostic fiable et une prise en charge adéquate…comme une impression de déjà vu.
Pour plus d’information et demande de soutien :
Association Vivre avec le SAF
Association SAF France