Cette évaluation d’un programme ancien dédié aux familles toxicomanes montre un bon taux de retour des enfants placés auprès de leurs parents sans risque majoré pour ces enfants.
Il s’agit ici d’une méta analyse parue dans la revue Child Abuse and Neglect concernant les résultats du programme le plus connu dans la prise en charge des familles ayant des problèmes d’addictions, le « Family Treatment Drug courts », élaboré aux Etats-Unis et implanté en Angleterre, en Australie et en Irlande du Nord. L’objectif des auteurs est d’évaluer la plus-value du programme en comparant l’évolution des enfants des familles participantes avec le développement d’enfants dont les parents consommateurs de drogues n’ont pas bénéficié de ce programme. Les auteurs distinguent deux types d’effet : les effets de l’intervention sur la probabilité d’un retour en famille des enfants placés et les effets sur le niveau de sécurité des enfants une fois revenus auprès de leurs parents. Pour le premier indicateur, le groupe intervention compte 3402 enfants contre 3683 enfants dans le groupe contrôle. Pour le second indicateur un groupe de 842 enfants a été comparé à un groupe contrôle de 632 enfants.
La toxicomanie des parents, problématique majeure en protection de l’enfance
En introduction les auteurs posent que travailler avec des parents rencontrant des problèmes d’addiction constitue un des défis majeurs des services de protection de l’enfance. La toxicomanie représente l’une des principales causes d’abus et de négligences, d’où la sur représentation de ces parents dans les familles sous mesure de protection. Aux USA, en 2016, 28,5% des enfants victimes de maltraitance avaient un parent toxicomane. En 2009 une étude américaine a estimé que 50 à 79% des enfants placés avaient un parent consommateur de substances. Ces enfants ont moins de chance que les autres de retourner vivre avec leurs parents et plus de risques de subir de nouveaux mauvais traitements après un retour en famille. Les auteurs notent également qu’il est très compliqué d’enrôler ces familles dans des protocoles de soins et qu’une fois recrutées deux tiers d’entre elles ne vont pas au bout du programme. Le manque de coordination entre les services au sein du système constitue également un frein à l’assiduité des parents. Ces familles sont confrontées à des problèmes de santé mentale, de pauvreté, de faibles capacités parentales, de manque de soutien social. Elles ont besoin d’une prise en charge globale pour restaurer le fonctionnement familial. Or, aux Etats-Unis, quelles que soient les problématiques rencontrées par les familles, elles doivent améliorer leur situation dans les délais impartis sous peine de se voir retirer leurs droits sur l’enfant.
Un programme global avec, jusqu’ici, des évaluations contrastées
Le Family Treatment Drug Courts est né dans les années 90 pour aider ces familles. Le programme s’inspire d’une intervention destinée aux adultes toxicomanes visant à faciliter leur accès aux services et aux soins, et à augmenter leur engagement dans le traitement. Le programme repose sur des audiences régulières et fréquentes, un traitement substitutif et l’accès à des services de soins, un suivi judiciaire intensif, un système de sanctions et de récompenses lié à l’engagement des parents. Une équipe pluridisciplinaire cherche des solutions aux difficultés d’emploi, à la violence domestique, au logement.
Les études qui ont évalué le programme jusqu’à présent n’ont pas forcément utilisé les mêmes critères. Pour évaluer l’impact du FTDC sur le retour des enfants en familles, certaines ont regardé le taux de placements ultérieurs, d’autres le taux de signalement pour maltraitance, ou les deux. Toutes les évaluations n’ont pas construit leur groupe contrôle de la même façon, n’ont pas suivi les enfants sur la même durée, n’ont pas recueilli les données auprès des mêmes personnes (les enfants eux mêmes ou les adultes donneurs de soins). Le programme a également beaucoup évolué en 20 ans, ce qui peut affecter les résultats. Lesquels apparaissent mitigés. Certaines études mettent en avant de très bons résultats, d’autres sont plus circonspectes, toutes ont porté sur de petits échantillons.
Davantage de retours en famille sans augmentation du risque pour l’enfant
Cette méta analyse montre en tous cas que les familles participantes ont deux fois plus de chances de pouvoir être réunies (retour de l’enfant) que les familles non participantes.
En revanche, lorsqu’on regarde les études qui ont pris en compte le taux de retour en placement et le taux de nouveaux signalements pour maltraitance, il n’y a pas de différences entre le groupe intervention et le groupe contrôle. Ce que les auteurs n’interprètent pas comme un résultat négatif. Certes, notent-ils, la récurrence du placement ou du signalement apparaît comme un indicateur de la sécurité de l’enfant dans le foyer. Si la méta analyse ne montre pas d’effet statistique concernant ces critères en faveur du programme, le premier réflexe est donc d’en déduire qu’il ne fonctionne pas si bien. Les auteurs appellent à la prudence. Ils expliquent qu’un des biais classiques dans les évaluations d’une intervention est que l’indicateur choisi favorise nettement le groupe intervention. Par exemple ici le risque serait que les intervenants poussent à la réunification familiale, de façon prématurée, parce que l’indicateur de réussite serait cette réunification. Avec pour conséquence que les enfants reviennent dans une famille pas du tout prête à l’accueillir, et finalement moins stable que celles qui récupèrent leur enfant sans être passées par un programme.
Les auteurs de la méta analyse s’attendaient donc, paradoxalement, que les enfants des groupes intervention fassent davantage l’objet de nouveaux placements et de nouveaux signalement. Le fait que ce ne soit pas le cas est plutôt pour eux le signe d’une évaluation non biaisée. Ils précisent par ailleurs que les quelques études qui ont pris en compte cet indicateur ont de petits échantillons et donc un faible effet statistique. Les auteurs considèrent en conclusion que le programme facilite les réunifications familiales sans augmenter le risque de maltraitance pour les enfants.
The impacts of family treatment drug court on child welfare core outcomes: A meta-analysis, Saijun Zhang Hui Huang QiWu Yong, Li Meirong Liu (USA), in Child and Abuse Neglect, vol 88, février 2019