A l’occasion des Journées des Familles organisées par le Réseau d’écoute et d’accompagnement à la parentalité (REAAP) des Hautes Alpes, Rachel Bertrand, chargée de mission UDAF, animatrice départementale du réseau, nous explique la façon dont les membres du réseau identifient les besoins des parents et tentent d’y répondre. Entretien.

 

journees-des-familles-reaap-hautes-alpesLe REAAP des Hautes Alpes organise sa troisième édition des journées des familles qui se dérouleront tout au long du mois de novembre. Cette opération de communication à destination des parents permet de mettre en avant des actions d’accompagnement à la parentalité montées spécifiquement pour l’occasion ou menées toute l’année sur les six territoires du département. Comme en témoignent la brochure diffusée à cette occasion, la page Facebook du REAAP, le site du REAAP et celui de l’UDAF, qui coordonne le réseau, les dispositifs proposés sont très divers.

Conférences-débats, bals, ateliers sur la communication non violente, film, jeux… les familles sont invitées à venir rencontrer d’autres parents, des professionnels et des bénévoles et à découvrir les services déployés pour leur rendre la tâche plus facile. Le 14 novembre, une journée départementale sur la parentalité organisée à Gap propose un regard sociologique sur la parentalité avec une conférence de Gérard Neyrand sur la mutation de la famille et des places parentales puis des tables-rondes sur quatre thématiques : la relation familles-école, être parent après une séparation, les lieux d’accueil petite-enfance, les nouvelles technologies (la place des écrans).
Rachel Bertrand, Chargée de mission UDAF, animatrice départementale du REAAP, nous explique les bénéfices attendus d’une telle opération et analyse les problématiques rencontrées dans les Hautes Alpes.

Il s’agit de la troisième édition des journées des familles. En quoi les précédentes vous ont semblé suffisamment convaincantes pour réitérer l’expérience?
Rachel Bertrand: En terme d’affluence les premières éditions ont été plutôt satisfaisantes mais ce critère ne peut de toute façon pas être le seul. Notre département compte 140.000 habitants. Trente personnes sur une action pour nous, c’est bien, voire très bien ! Nous partons aussi du principe que lorsque seules dix personnes se déplacent, ces dix personnes là peuvent y trouver leur compte, répercuter autour d’elles les bénéfices. Cet essaimage là est difficilement quantifiable. Par ailleurs, au-delà du coup de projecteur censé informer les familles sur les actions qui leur sont destinées, le temps de la mise en oeuvre lui-même est important. Les différents acteurs commencent à y réfléchir en début d’année puis les préparatifs montent en puissance, et se précisent avant l’été. Toute cette préparation offre des temps d’échanges entre les professionnels, les bénévoles, les parents impliqués, tous les faiseurs de projets. Ça foisonne. Pour l’animation du réseau c’est capital.

Il semble qu’il y ait un paradoxe entre de forts besoins d’accompagnement, de soutien, de la part des parents, confirmés par de nombreuses études et la difficulté fréquente à faire venir les familles dans les lieux qui leur sont dédiés. Comment l’expliquer ?
R.B: L’accompagnement à la parentalité est un secteur « ingrat », complexe et très aléatoire pour un animateur. Vous organisez une opération coûteuse sur un thème qui vous semble porteur et vous avez très peu de monde. Pour un autre sujet moins évident, le public est là. Parfois c’est frustrant. La difficulté vient aussi du timing. Entre le moment où vous identifiez un besoin et le moment où vous proposez un dispositif, le besoin peut avoir changé. La parentalité relève de l’intime, on peut très vite se sentir jugé. Les parents ont parfois l’impression d’un regard pas forcément bienveillant. Face à ce qu’ils vont percevoir comme une remise en cause, il peuvent avoir la tentation de se refermer et de dire « laissez-nous tranquille, nous faisons comme nous voulons ». Çà explique certains freins. Si vous entendez à longueur de conférence que ce n’est pas bon d’avoir la télévision allumée en continu à la maison mais que chez vous c’est comme ça, forcément vous ne vous sentez pas bien et vous pouvez vous braquer.

Pour autant faut-il taire certaines réalités et ne pas transmettre les informations parce qu’elles seraient stigmatisantes ?
R.B: Non bien sûr, il y a plein de choses à dire, ça fait partie de la prévention mais peut-être faut-il davantage se soucier de la façon dont cette information est transmise et l’adapter en fonction de l’interlocuteur.

Est-il difficile d’appréhender les besoins des familles ?
R.B: Pas tant que ça. Nous faisons régulièrement des études de besoins et nous voyons les mêmes problématiques émerger : la santé, la scolarité, la relation aux autres, la fratrie et bien sûr, les écrans. La nouveauté c’est que cette préoccupation des parents pour les écrans concerne des enfants de plus en plus jeunes. On la voit émerger dans les principales préoccupations des parents des 0-3 ans. Ce sujet donne donc lieu à une multitude de conférences et de débats. Il est nouveau mais pose des questions éducatives anciennes : comment fixer un cadre ? Notre rôle est d’offrir un maillage d’actions autour de la dizaine de préoccupations parentales que nous pouvons identifier.

Les parents sont-ils demandeurs d’échanges entre pairs, préfèrent-il des entretiens individuels ou des conférences avec un « expert » ?
R.B: Chez nous ils sont plutôt demandeurs de temps d’échanges entre pairs. Il y a dix ans, ils préféraient les actions individuelles. Aujourd’hui ils sont plus dans l’attente d’une action collective. On note aussi qu’ils ont plus de facilité à témoigner, à partager leur expérience. Peut-être faut-il y voir l’influence des réseaux sociaux. Ils sont aussi angoissés, soumis à de fortes pressions et à des messages contradictoires. A un phénomène qui a toujours été complexe, le fait d’être parents, on ajoute aujourd’hui d’autres facteurs de complexité : les séparations, parfois avec des conflits violents, le chômage et la précarité, les écrans. Résultat, les personnels de crèche sont confrontés à de jeunes parents qui délèguent beaucoup ou qui voudraient savoir tout faire tout de suite. Beaucoup sont très à l’affût des recettes. D’où le succès des ateliers autour de la communication non violente. Gratuit ou payant, les parents y courent.

*et 5ème manifestation départementale sur la parentalité depuis 2008