Parce que la psychiatrie des mineurs n’avait jamais fait l’objet d’un rapport sénatorial, que le système de soins fait face à des besoins nouveaux, que le repérage précoce est reconnu comme essentiel, une mission d’information constituée de 26 sénateurs, présidée par Alain Milon, a décidé de s’emparer du sujet. Elle vient de rendre son rapport qui sera accessible dans son intégralité la semaine prochaine.
En novembre 2016, une mission d’information a été constituée par le Sénat sur la « psychiatrie des mineurs ». Celle-ci vient de rendre son rapport (dont seule une synthèse est actuellement disponible). Les membres de la mission ont formulé 52 préconisations axées autour des lacunes épidémiologiques, de la nécessité d’une prévention et d’un repérage précoce, de la mise à contribution de l’ensemble des acteurs du champ psycho-socio-éducatif, de l’importance d’une prise en charge continue et de l’urgence d’une revalorisation de ce secteur.
Focus sur l’épidémiologie et sur les familles
La mission d’information se préoccupe en premier lieu de la piètre qualité des données épidémiologiques. Notons au passage que depuis vingt ans que nous exerçons notre métier de journaliste, il n’est pas un sujet en lien avec la santé publique pour lequel il n’a pas été pointé les lacunes épidémiologiques. La mission propose donc de « soutenir la recherche en épidémiologie afin d’acquérir une connaissance plus fine de la population des mineurs touchés par des troubles psychiatriques , afin d’évaluer la prise en charge psychiatrique des mineurs en fonction du parcours de soins », de « prévoir que les mineurs qui consultent en ambulatoire dans un établissement de santé se voient attribuer un numéro anonymisé identique à celui qui leur sera assigné en cas d’hospitalisation », d’ « améliorer la connaissance des motifs de recours aux soins par un accès encadré aux dossiers médicaux. »
Parmi les recommandations formulées, on en trouve plusieurs relatives à la famille elle-même :
« mieux accompagner les familles dans l’information et l’orientation, dès la détection du trouble et jusqu’à sa prise en charge », « mieux prendre en compte l’importance du soutien à la parentalité dès la périnatalité, en s’appuyant notamment sur l’entretien prénatal précoce ».
Inclure tous les acteurs
La proposition 6 de la mission cible les PMI : « améliorer la diffusion des outils de repérage auprès des professionnels de première ligne, en particulier les psychologues et les infirmiers scolaires ainsi que les professionnels des services de protection maternelle et infantile (PMI) ». Les Sénateurs ont inclus l’école dans leurs réflexions. Ils préconisent de renforcer les RASED, de revaloriser la médecine scolaire et le corps de psychologues scolaires mais aussi de faciliter la mise à disposition à temps partiel de professionnels de CMP au sein des établissements scolaires. Une (courte) recommandation concerne l’aide sociale à l’enfance : développer l’intervention des pédopsychiatres dans les services de protection de l’enfance. Dans ce secteur les besoins sont en effet criants comme en témoigne le rapport sur les besoins fondamentaux de l’enfant protégé et mais aussi cette assistante familiale que nous venons d’interviewer.
Plusieurs recommandations pour en finir avec le manque de place et les prises en charge retardées
Concernant la prise en charge, le rapport pose que « le constat d’une double difficulté est partagé : difficulté d’accès aux soins en raison d’inégalités territoriales de couverture, sociales de prise en charge, et d’un engorgement des structures, mais aussi difficulté dans le parcours de soins, dès lors que la prise en charge demeure conditionnée par la première consultation. » Le rapport poursuit : « La mission d’information recommande ainsi de conforter les structures et leur articulation, afin que prime la logique de parcours, et d’harmoniser les pratiques. En particulier, les réseaux et les équipes mobiles permettent à la fois de renforcer la coordination des professionnels et d’apporter une réponse aux situations d’urgence. »
Une série de propositions visent à désengorger les structures d’accueil : « améliorer la gestion des files actives des centres médico psychologiques (CMP) par la mise en place d’une gestion commune », « mettre en place des « indicateurs de saturation » des centres médico-psychologiques (CMP) et des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) afin de savoir où se concentrent les difficultés et de faciliter la régulation », « accroître les capacités d’ouverture des centres médico psychologiques (CMP) ainsi que leur capacité à recevoir en urgence », « poursuivre le mouvement de réouverture de lits hospitaliers en psychiatrie infanto-juvénile dans les territoires où cela apparaît nécessaire ». La mission appelle aussi à « permettre sous certaines conditions la prise en charge par l’assurance maladie des consultations de psychologues cliniciens en ville sur l’ensemble du territoire afin de répondre le plus précocement possible à la souffrance psychique ». C’est ce qui est désormais possible, à titre expérimental dans trois régions, depuis le vote du dernier Projet de Loi de financement de la Sécurité sociale.
Dans la synthèse de ce rapport, la mission se révèle assez prudente en ce qui concerne les approches théoriques et l’évaluation des pratiques. Elle incite notamment à « assurer une plus large diffusion des meilleures pratiques, en particulier, permettre l’accès de tous aux programmes de gestion parentale », à « systématiser le recensement et l’évaluation, par les administrations centrales et les agences, des innovations en vue de leur éventuelle généralisation tout en respectant la diversité des approches », à « encourager, sous l’égide de la HAS, l’évaluation des stratégies non médicamenteuses en psychiatrie afin de vérifier leur conformité aux recommandations nationales et internationales ».