La petite enfance est elle aussi traversée par les débats liés au « vivre-ensemble », à la diversité culturelle et à la laïcité. On le sait bien depuis « l’affaire Baby-Loup ». L’UFNAFAAM, fédération nationale qui représente des associations d’assistants maternels et/ou familiaux, et l’Union Nationale des Associations Familiales (l’UNAF) se sont associées pour produire un guide destiné aux assistants maternels et aux parents afin de les aider à surmonter les différences culturelles et éviter les conflits.
L’UFNAFAAM et l’UNAF viennent de mettre en ligne un guide destiné aux assistants maternels et aux parents, consacré aux différences culturelles et religieuses. Pourquoi ? « Parce que, pose le document, les croyances et pratiques religieuses peuvent être aussi sources d’appréhension ou de questionnement ». Le guide a donc pour objectif de donner des clés (et non des réponses toutes faites) pour des relations apaisées mais aussi de rappeler le cadre juridique. Il est beaucoup question d’écoute, de tolérance, de compréhension, de dialogue pour lever des malentendus et des quiproquos. Le document est illustré de nombreuses pastilles qui sont autant de verbatims de parents et de professionnels.
L’art, et les limites, du compromis
Le guide met en avant l’importance du compromis, de la discussion et amène chacun des acteurs, parents comme assistants maternels à ne pas se braquer. « Même si l’assistant maternel doit faire en sorte de prendre en compte, dans la mesure du possible, les souhaits des parents qui l’emploient, toute demande a ses limites, concèdent les auteurs. Néanmoins, il est compliqué pour un parent comme pour un professionnel de s’entendre dire que sa demande est impossible ou sa pratique inadaptée. Seul l’échange dans un esprit de respect peut débloquer les situations. » L’exemple donné est le suivant :
« L’année dernière, des parents m’ont confié leur enfant. En accord avec eux, j’ai respecté un certain nombre de leurs demandes et attentes notamment au niveau de l’alimentation même si cela pouvait être parfois contraignant. Un jour, la maman m’a demandé de bien vérifier qu’il mangeait avec la main droite et de l’habituer à ne tendre aux gens que la main droite. La main gauche étant considérée comme impure dans leur religion. Mais malgré mes efforts, je n’ai pas réussi et cela m’a semblé trop difficile à suivre. J’en ai parlé aux parents qui ont compris alors mes difficultés et qui ont su préserver la qualité de notre relation et ne m’en ont plus parlé. » Une question nous effleure, celle des accommodements raisonnables : au-delà de l’incapacité de la professionnelle à suivre les prescriptions des parents, fallait-il accepter dès le départ, au nom de la différence culturelle, une demande contraire au développement harmonieux d’un enfant ?
Maternage, politesse, maîtrise de la langue : trois domaines sensibles
Le guide est axé sur les trois thématiques les plus susceptibles de provoquer des tensions : les pratiques de maternage, les règles de politesse dans les relations entre parents et assistant maternel et la langue. Concernant les premières, à partir du moment où les pratiques revendiquées ou demandées ne conduisent pas à une mise en danger de l’enfant, il est assez aisé de trouver un accord. Les secondes nécessitent généralement d’expliciter les ressorts des différences culturelles et de lever tout malentendu. Quant à la maîtrise de la langue, le référentiel de l’agrément des assistants maternels à l’usage des services de protection maternelle et infantile précise que l’illettrisme ne peut constituer en soi un motif de refus d’agrément, contrairement à de fortes difficultés à l’oral qui peuvent être invoquées pour un tel refus.
Concernant la pratique religieuse, « si les assistants maternels exerçant à leur domicile ou dans une maison d’assistants maternels ne sont pas tenus de respecter la neutralité religieuse à laquelle sont soumis les agents d’un service public, ils doivent faire preuve de réserve quant à leur religion ». Et d’ajouter : « Il en va de même pour les parents qui doivent faire preuve de retenue dans leurs propos, mais également dans leurs demandes auprès de l’assistant maternel. »
La croix, le voile, du pareil au même
Le guide suggère que ces questions soient abordées dès le premier entretien, qu’il s’agisse des moments où une assistante maternelle va pratiquer la prière ou de son acceptation de cuisiner des aliments interdits par sa religion. Le guide évoque évidemment les signes d’appartenance religieuse présents dans le lieu d’habitation, qui sont autorisés. Et donne deux exemples : la croix accrochée dans la maison et le foulard porté par l’assistante maternelle. On peut être surpris par la mise au même niveau d’un signe religieux présent au mur et du vêtement porté en permanence par la professionnelle, vêtement qui au-delà de l’appartenance religieuse symbolise une conception particulière du rapport homme-femme et plus généralement du statut de la femme.
Si l’assistante maternelle porte ce foulard lors de l’entretien, les parents sont de toute façon libres de décider s’ils acceptent de lui confier leur enfant ou s’ils préfèrent se tourner vers une autre professionnelle. Le guide ne se prononce en revanche pas sur une situation qui doit néanmoins se produire (qui s’est en tous cas produite dans une crèche, ce qui a donné lieu à la désormais triste et célèbre affaire de la crèche Baby-loup) : que peuvent ou doivent faire les parents lorsque la nounou qui n’était pas voilée décide soudain de couvrir ses cheveux ? Voilà une question à laquelle on aimerait avoir une réponse.
La différence culturelle est une richesse qu’il est important de défendre et valoriser, ce guide a bien raison de le rappeler. Il fait néanmoins l’impasse sur le fait que la radicalité religieuse existe aussi. Un paradoxe dans la mesure où c’est bien cette radicalité qui oblige depuis plusieurs années des institutions diverses et variées à devoir rappeler dans des chartes ou des guides en quoi consiste la laïcité.