Le programme Dix Mois d’Ecole et d’Opéra permet depuis plus de 25 ans à des enfants des écoles classées REP de découvrir l’univers des arts classiques. Une évaluation scientifique du programme vient d’être finalisée, avec des résultats très encourageants.
Le soir même l’Opéra Garnier donne “Le premier homicide”, un oratio mis en scène par Roméo Castellucci. En attendant, les ouvriers s’activent sur la scène pour agencer les décors. Et dans la salle, des enfants et leurs parents écoutent attentivement Alexis Ouspensky, responsable du programme Dix mois d’école et d’Opéra (DMEO) pour l’Académie de Paris. Ils sont environ 130 à avoir fait le déplacement ce samedi matin, des petits de CE1 ou de CE2 et des plus grands de 5è, avec leurs parents. Alexis s’adresse aux adultes et rappelle les objectifs du programme : « il s’agit de rapprocher vos enfants de cet univers qui leur est inconnu. Le parcours commence par des visites puis se poursuit par des rencontres avec les personnels et les artistes et une initiation au spectacle et à la pratique artistique ».
Le “beau” contre l’échec scolaire
C’est en effet une bonne synthèse de ce dispositif initié en 1991 par l’Opéra de Paris en partenariat avec l’Éducation Nationale, et réservé aux élèves relevant de l’Éducation prioritaire dans les trois rectorats d’Ile de France. Le programme est offert chaque année à 30 classes, soit 800 élèves de 5 à 22 ans. Chaque classe est inscrite pour deux ans. Trois classes choisies en comité de pilotage, vont, en plus des visites, des rencontres et de l’accès à des représentations, suivre des cours de chant, de danse et de théâtre à raison de trois heures par semaine afin de présenter à l’issue des deux années un spectacle à l’Opéra Bastille. Ce programme a pour ambition depuis sa naissance de contribuer à la prévention du décrochage scolaire et à l’émancipation citoyenne de ce jeune public par l’accès à la culture et à la beauté.
Le 26 janvier dernier, lors de la première visite des nouvelles recrues à l’Opéra Garnier, le « beau » fait son effet. Une maman glisse à sa voisine : « C’est encore plus grandiose que Versailles ». Une petite fille soupire : « C’est trop bien ». Nora, qui accompagne son fils Ilyes, 8 ans, est enchantée : « je ne savais pas qu’on pouvait visiter cet endroit. C’est vraiment magnifique. Et c’est un super programme. Mon fils fait de l’épinette, une petite guitare, toutes les semaines. Ca enrichit sa culture.» Après les explications d’Alexis devant une maquette en bois représentant toute la machinerie de l’opéra, une autre femme apostrophe son fils « tu as compris ? Retiens au moins deux ou trois phrases ! »
L’éblouissement de la première visite à l’Opéra Garnier
Cette première visite en famille de l’Opéra Garnier apparaît comme l’un des moments forts du programme, sorte de scène initiatique qui marque les adultes et les enfants. En concevant l’architecture du lieu, Charles Garnier, avait une obsession : que chaque spectateur, en franchissant les portes, perde tous ses repères. Plus de 140 ans après l’achèvement des travaux, le défi est toujours relevé, y compris, et peut-être plus encore, avec des enfants de 2019 peu familiarisés avec les ors des grands lieux de la culture « savante ».
Dans une étude réalisée en 2018 par l’observatoire sociologique du changement de Sciences Po, sous la direction de Philippe Coulangeon, le choc de la première immersion est relevé. Dans les témoignages recueillis auprès des élèves ou consignés dans les « journaux » de DMEO la dithyrambe est de mise : « époustouflant », « éblouissement », « merveilleux ». Est ainsi rapporté le témoignage de Sabah, élève d’un collège parisien, qui mentionne le Palais Garnier comme un « endroit plein de lumières, qui illumine mes yeux de merveille, de beauté » et ajoute « La première fois que je suis allée à l’Opéra Garnier, je suis restée bouche bée ». Alison d’un collège de l’académie de Versailles, raconte : «L’Opéra Garnier m’a retourné la tête tellement il est beau. Toutes ces lumières, les petits détails qui font toute la différence, les détails sur les murs. La mosaïque au sol donne envie de ne pas utiliser ses chaussures pour ne pas l’abîmer. »