La deuxième journée scientifique consacrée à la cohorte Elfe a permis d’aborder un sujet sensible en périnatalité : la dépression postanatale, de la mère et du père. Il apparaît que l’entretien prénatal précoce et la préparation à la naissance ne constituent pas des facteurs de prévention probants.
Lors d’une deuxième session consacrée notamment aux parents, Anne-Laure Sutter-Dallay, psychiatre en périnatalité et chercheuse à l’Université de Bordeaux et Aurélie Nakamura de l’Inserm présentent une étude sur la dépression postnatale (DP) au sein des couples. Le sujet suscite un intérêt croissant eu égard à sa forte prévalence et aux preuves de plus en plus fortes de ses effets à long terme. Dans la littérature la DP concernerait entre 8 et 25% des mères et entre 5 et 10% des pères et pour la moitié des cas ces premiers épisodes seraient annonciateurs d’une pathologie mentale. Jusqu’à présent le questionnement portait surtout sur l’exposition anténatale des antidépresseurs. Or la pathologie elle-même peut avoir un impact sur le développement de l’enfant ( capacités de maternage altérées, environnement partagé avec un parent malade, dimension génétique). Les facteurs de risque sont assez bien connus chez la mère, moins chez le père.
L’échelle de dépression postnatale d’Edimbourg (EPDS), questionnaire de 10 items, a été soumis à 12386 couples. Les résultats sont préliminaires. Le score était élevé pour 1% des couples, 10% des mères et 6% des pères. Dans 83% des couples ni la mère ni le père ne présentaient de score élevé. Les pères déprimés ont en général un niveau de diplôme inférieur au bac. Dans les couples où seules les mères souffrent, elles sont en général, elles aussi, moins diplômées et manquent de soutien social. Pour les couples où les deux parents sont déprimés, l’origine nord-africaine constitue un facteur de risque.
Entretien prénatal précoce et dépression postnatale : les objectifs de la HAS ne sont pas atteints
Les mères qui ont eu des difficultés psychiques pendant la grossesse, au cours d’une grossesse précédentes, les mères de garçon, sont plus à risque. Pour les intervenantes, il existe bien des facteur de risque, des mécanismes identifiés (le rôle du soutien social, l’impact des inégalités sociales) qui pourraient être repérés en début de grossesse. Anne-Laure Sutter-Dallay s’est plus spécifiquement intéressée aux facteurs de protection, l’entretien prénatal précoce (EPP) et la préparation à la naissance et à la parentalité (PNP). A l’aide d’une cohorte de 16411 mères, le médecin a cherché l’impact de l’EPP et de la PNP sur les symptômes dépressifs en retenant deux niveaux d’intensité de l’échelle EPDS. Un EPDS supérieur à 10 est associé à un « trouble de l’adaptation » et un EPDS supérieur à 12 à des symptômes dépressifs cliniquement significatifs.
35% des femmes avaient eu à la fois un entretien prénatal et une préparation à la naissance. 31% n’avaient eu que la PNP, 8% juste l’EPP et 26% n’avaient rien eu.
20% des femmes présentaient un EPDS supérieur à 10 et le risque était, très légèrement, plus élevé lorsque la femme n’avait eu droit ni à l’EPP ni à la PNP. 11% des femmes avaient un EPDS supérieur à 12 et aucune association avec l’EPP et la PNP n’a pu être mise en exergue. Les femmes les plus déprimées pouvaient très bien avoir bénéficié de ces suivis. Pour Anne-Laure Sutter- Dallay, l’EPP et la PNP sont « partiellement efficaces pour un EPDS supérieur à 10 mais il n’y a aucun effet chez les patientes qui souffrent de dépression. » Elle en conclut qu’ « on n’atteint pas les objectifs fixés par la Haute Autorité de Santé ». Pour cette spécialiste il faudrait « avoir une approche plus populationnelle, définir une population à risque, rechercher des facteurs de risque tout le temps pour toutes les femmes, et avoir des programmes préventifs ciblés ».
Répondant à une question de la salle elle souligne que « les femmes qui bénéficient de l’EPP ont une bonne insertion sociale, elles vont plutôt bien, déclarent plus fréquemment des difficultés mais auraient de toute façon trouvé un accès aux soins. » L’entretien prénatal précoce semble susciter l’intérêt de la Ministre de la Santé et du Délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre les inégalités qui souhaiteraient le voir devenir plus systématique afin de mieux repérer les femmes très vulnérables.
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