La circulaire de janvier 2013 vient d’être abrogée par la Ministre de la Santé. C’est une bonne nouvelle pour les gynécologues et les couples en attente d’un don de gamètes. Mais il serait très exagéré d’y voir un pas vers l’accès des couples lesbiens à l’AMP.
La Ministre de la Santé, Marisol Touraine, a décidé d’abroger la circulaire du 14 janvier 2013. Ce texte rappelait les sanctions encourues par les médecins français qui mettaient en relation des patientes (qu’elles soient en couple hétérosexuel, lesbien ou célibataire) avec des cliniques étrangères ne respectant pas la loi française. Ces médecins étaient passibles de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende s’ils informaient leurs patientes de l’existence de ces établissements. A l’époque cette circulaire avait suscité un tollé parmi les gynécologues. Même les couples français hétérosexuels censés avoir accès à l’AMP en France, en toute légalité, sont nombreux à devoir se tourner vers les cliniques étrangères en raison de la pénurie de gamètes (surtout d’ovocytes) dans l’hexagone. Le problème dépasse donc de loin le débat sur l’homoparentalité puisqu’il concerne tout autant (et même bien plus) les couples hétérosexuels. Il met en lumière les contradictions françaises en matière d’AMP.
D’un côté en effet la sécurité sociale rembourse une partie des FIV effectuées par les couples hétérosexuels à l’étranger (sous condition d’âge), justement parce que la France reconnaît la pénurie à laquelle elle est confrontée. De l’autre, comme l’a rappelé la fameuse circulaire de 2013, les médecins français qui orientaient leurs patientes vers ces mêmes cliniques se voient menacés de sanctions. D‘un côté, on rembourse les patients, de l’autre on sanctionne les médecins. A l’origine de cette absurdité : la position française en matière de bioéthique, parmi les plus restrictives d’Europe. La pénurie française de gamète s’explique en effet en grande partie par nos lois de bioéthique qui posent comme principe intangible la gratuité absolue du don et interdit la moindre indemnisation (alors que le protocole médical est lourd).
L’Ukraine ou l’Espagne n’ont pas ce problème. Les étudiantes peuvent donner leurs ovocytes (de bonnes qualités puisque les donneuses sont jeunes) et elles sont indemnisées. Il n’y a pas de pénurie. Mais en versant un défraiement, les établissements de ces pays sont en infraction avec la loi française (on peut jouer sur les mots, pour la Direction générale de la santé, qu’il s’agisse d’une indemnisation ou d’un défraiement, c’est illégal).
Le Ministère explique aujourd’hui abroger ce texte parce qu’il aurait été mal interprété. Des médecins auraient décidé de ne pas suivre des patientes (notamment célibataires ou homosexuelles, mais pas que) pendant leur grossesse parce qu’elles auraient été traitées pour la conception de leur bébé à l’étranger. C’est vrai, certains médecins ont pris peur, et c’était de leur part une sur-interprétation du texte. La circulaire se contentait de rappeler les sanctions prévues pour une entremise avec des établissements étrangers lors de la seule étape procréative, pas pour un suivi de grossesse après une PMA à l’étranger. C’était déjà beaucoup étant donné que l’orientation vers des établissements étrangers est la seule option pour de nombreux couples en attente d’un don d’ovocyte. Et que comme nous l’avons rappelé, certaines de ces FIV hors de nos frontières peuvent être prises en charge par la sécurité sociale.
Abroger ce texte au motif qu’il aurait été mal interprété offre au gouvernement un moyen de faire marche arrière sans se dédire, sans remettre en cause le texte en lui-même. Tout en laissant croire qu’il s’agit d’un geste à l’attention du mouvement LGBT. Or cette marche arrière ne constitue en rien une ouverture vers l’accès des femmes seules ou en couple homosexuel à la PMA. Elles doivent toujours passer les frontières pour bénéficier d’un traitement.