Le Directeur Général de la Caisse Nationale des Allocations Familiales, Daniel Lenoir, accueille plutôt favorablement le rapport produit par Terra Nova sur la réduction des inégalités avant la maternelle. Il profite de cette actualité pour défendre les notions d’evidence-based et d’évaluation, encore très contestées dans le champ social.
Que vous inspire la teneur générale du rapport publié par Terra Nova ?
Daniel Lenoir: Nous avons beaucoup de points d’accord avec ce rapport. Pour rappel nous avions organisé il y a trois ans un colloque avec Terra Nova et l’Institut Montaigne. Le rapport qui vent d’être publié est dans la filiation de ce colloque. Il y a désormais un large consensus sur le fait qu’il faut investir dans la petite enfance. L’accueil du jeune enfant doit permettre la conciliation vie privée-vie professionnelle, l’insertion professionnelle des mères seules et cet accueil constitue aussi, en effet, un investissement social, un outil de lutte contre les inégalités. Il se trouve que l’investissement social dans la petite enfance est l’un des plus efficaces. Je vois donc dans ces propositions des constats et des orientations que nous avons pu faire et je m’en réjouis.
L’autre point positif c’est la nécessité d’une recherche action sur la petite enfance. Nous adhérons totalement à cette idée dans la mesure où nous avons participé au travail coordonné par l’Ansa sur les what works. Nous sommes en train de monter un fonds pour l’investissement social sur ce modèle, ce qui rejoint donc la recommandation N°10 du rapport de Terra Nova. Nous pensons que l’évaluation ne doit pas être dissociée de l’action, ce qui n’empêche pas de garantir l’indépendance des évaluations. Nous avons aujourd’hui des outils solides pour évaluer le rendement social des prestations. Il ne s’agit pas tant de dépenser plus mais de dépenser mieux.
Vous avez néanmoins quelques réserves ?
Daniel Lenoir: « Là où j’aurais peut-être une divergence, c’est sur le chiffrage. Je ne suis pas certain qu’il soit pertinent d’avancer un chiffre précis sur le nombre de places d’accueil nécessaires. Il faut des objectifs territorialisés, d’où l’importance des schémas territoriaux pour savoir où sont vraiment les besoins. Ce qui est certain : demain toute famille qui a besoin d’une place d’accueil doit pouvoir y avoir accès. Mais aujourd’hui on ne peut pas parler de pénurie générale de places. Il y a des territoires sous-dotés, c’est différent.
Je ne suis pas tout à fait d’accord non plus avec l’idée d’un reste à charge quasi nul pour les communes dans les zones sous-dotées. Qu’on le réduise, oui, mais qu’on l’annule, non. Il ne faut pas déresponsabiliser les communes. Sur cet aspect quantitatif et financier, nous aurions été un peu plus prudents. »
Concernant le soutien à la parentalité, Terra Nova déplore à la fois un engagement financier trop faible eu égard aux enjeux et l’absence d’évaluation des dispositifs mis en œuvre. Qu’en pensez-vous ?
D.L: D’abord, je rappellerai que le budget consacré au soutien à la parentalité a plus que doublé en 4 ans puisqu’on est passé de 50 millions à 110 millions d’euros, avec plusieurs budgets rectificatifs.
Sur le second point, je rejoins Terra Nova. J’ai demandé à un groupe de travail de réaliser une revue de littérature des dispositifs de soutien à la parentalité efficaces. Nous n’avons pas en France la culture de l’évaluation. Or, nous devons avoir le souci de vérifier que tout euro dépensé l’est de façon utile. Il se fait de très belles choses sur le terrain mais nous devons en mesurer l’impact. Avant de mettre davantage d’argent comme le propose Terra Nova, il faut en effet s’assurer de la qualité des dispositifs. Il ne s’agit pas ici de rentabilité mais d’investissement social. C’est là que nous rejoignons les conclusions de ce rapport : il faut introduire la notion d’evidence-based. Ceux qui animent ces dispositifs sont très militants, très investis, mais il est essentiel que les acteurs du champ social et de la parentalité adhèrent à une culture de l’évaluation, qu’ils considèrent que c’est normal. La parentalité est devenue une vraie politique publique et il est indispensable de démontrer l’efficacité des politiques publiques que nous finançons. »