Voici, pour la période mai-août 2017, notre sélection d’études et contenus sélectionnés pour la plupart dans des revues scientifiques (en anglais donc), et portant sur la parentalité. Vous trouverez, pour chaque focus, un titre de notre composition, le lien vers la ou les source(s) puis un résumé traduit du ou des article(s) mis en ligne sur le sujet.
Les thérapies familiales à multiples dimensions efficaces pour les adolescents en difficulté
The journal of child psychology and psychiatry Mai 2017
Cette méta analyse souligne l’efficacité des « thérapies familiales multidimensionnelles » pour les adolescents présentant des problèmes d’addiction, de délinquance et de troubles du comportements associés. Ces thérapies sont axées sur un partenariat étroit entre la famille, le système judiciaire, l’école et cherchent notamment à améliorer les relations intra-familiales en travaillant sur les interactions entre les différents membres et en valorisant les compétences de la cellule familiale. Ces thérapies visent à promouvoir chez les adolescents des compétences pro-sociales et à modifier leur façon d’appréhender l’existence. L’étude menée ici montre que cette approche est d’autant pus efficace que les problèmes rencontrés par les jeunes sont importants. Une autre étude randomisée publiée dans le même numéro du Journal of child psychology and psychiatry conclut que les thérapies axées sur la musique proposées aux enfants et adolescents présentant des troubles psychiques ou de comportement, bien que prometteuses, présentent un niveau de preuve encore trop faible. Des recherches supplémentaires sont nécessaires notamment pour savoir quel serait le bon dosage pour ce type de protocole, pour qui et dans quelles circonstances.
Etre élevé par une mère seule: impact sur le bien-être à l’âge adulte
Sujet sensible s’il en est : quel est l’impact de la monoparentalité vécue pendant l’enfance sur le bien-être à l’âge adulte ? Les auteurs rappellent d’abord qu’il existe trois hypothèses selon lesquelles le fait d’être élevé par une mère seule peut contribuer à un moins bon état psychique à l’âge adulte.
1) Les enfants élevés par un seul parent bénéficient en général de moins de ressources émotionnelles sur lesquelles s’appuyer. Le conflit parental qui précède la séparation génère un fort stress qui peut avoir des répercussions sur le long terme (le débat porte d’ailleurs sur l’origine réelle des difficultés des enfants de parent solo : est-ce la monoparentalité en tant que telle qui est source de souffrance ou la séparation parentale et la violence qui l’accompagne souvent ?). Nous avons abordé ce sujet dans un précédent article
2) Les enfants élevés par un seul parent vivent plus souvent dans un foyer plus pauvre. Or, des condition socio-économiques difficiles sont corrélées à une moindre qualité de l’environnement, du voisinage, de la parentalité, autant de facteurs environnementaux qui ont un impact décisif sur le développement de l’enfant (là aussi il y a un débat : les familles monoparentales sont-elles plus pauvres que les autres du fait d’une baisse du pouvoir d’achat après la séparation ou les séparations avec effacement du père sont-elles plus fréquentes dans les milieux défavorisés (avec une précarité économique qui pré existe donc à la séparation)?
3) L’absence du père en tant que telle pourrait avoir un effet très négatif sur les enfants, notamment sur les garçons.
Les auteurs ont mené cette analyse sur une cohorte allemande et ont notamment comparé les réponses des adultes élevés dans l’ancienne RDA (Allemagne de l’Est) et dans l’ancienne RFA (Allemagne de l’Ouest) afin de cerner l’impact du système social sur ces questions.
Le taux de divorce était quasiment deux fois plus élevé en RDA qu’en RFA, le taux d’activité féminine y était bien plus haut et plus de la moitié des enfants étaient accueillis dans des modes d’accueil contre à peine 2% des petits en RFA. Les auteurs ont donc émis l’hypothèse suivante : les Allemands de mère seule ayant grandi en RDA se sont peut-être sentis moins stigmatisés et la monoparentalité en Allemagne de l’est était peut-être moins associée à la pauvreté qu’à l’ouest.
Résultats : globalement, l’ensemble des individus ayant été élevés par une mère seule présentaient une moins bonne « satisfaction de vie » que les autres. Ces mères étaient statistiquement plus pauvres et moins instruites. A l’âge adulte, ces individus étaient eux aussi moins instruits et plus pauvres. Il existe un effet-dose : ceux qui ont passé la totalité de leurs 15 premières années avec leur mère seule avaient de moins bons scores que ceux qui avaient en partie été élevés par leurs deux parents, qui à leur tour avaient de moins bons scores que les adultes élevés par leurs deux parents.
Pour les auteurs, cela montre que c’est davantage la monoparentalité liée à l’absence de ressources en provenance du père que la séparation et le conflit parental qui a un impact négatif sur les enfants.
Les auteurs notent qu’une grande part de l’écart constaté dans les taux de satisfaction à l’âge adulte s’explique par les données socio-économiques pendant l’enfance, notamment le niveau d’instruction et le degré de prestige de l’activité professionnelle des parents des personnes interrogées. C’est donc bien lorsque la monoparentalité est associée à la précarité qu’elle a des impacts délétères à long terme (ce qui rejoint les travaux de Susan Golombock). La corrélation n’était en revanche pas modifiée par le critère du sexe. Les garçons ne semblaient pas plus affectés par l’absence du père que les filles.
Si l’on prend en considération les données socio-économiques des individus à l’âge adulte (leur propre niveau d’instruction, leur activité professionnelle, leurs revenus), l’association entre les caractéristiques du modèle familial pendant l’enfance (mère seule versus couple parental) et le taux de satisfaction à l’âge adulte s’atténue nettement. Idem si l’on prend en considération le niveau d’intégration sociale et la vie sentimentale des individus à l’âge adulte, la corrélation entre la satisfaction et le modèle familial pendant l’enfance est moins forte. Néanmoins, assurent les auteurs,
la différence entre les taux de satisfaction selon la typologie familiale pendant l’enfance demeure significative dans tous les modèles, quelles que soient les caractéristiques prises en compte à l’âge adulte. Et cette corrélation n’était pas modifiée selon que les adultes interrogés avaient grandi en RFA ou en RDA. Ce dernier résultat est congruent avec de précédentes études qui n’ont jamais pu établir de différences quant à l’impact de la parentalité selon que le système social était très avantageux ou pas.
En conclusion, l’étude montre que le fait d’être élevé par une mère seule, surtout si le père a été absent toute l’enfance, est un facteur prédictif d’une moindre satisfaction à l’âge adulte, moindre satisfaction qui s’explique par un niveau de diplôme moins élevé, un statut socio-économique moins avantageux, un emploi moins prestigieux, un état de santé moins bon, une faible intégration sociale et une vie sentimentale plus erratique.
Le rôle majeur des parents dans la consommation d’alcool des enfants
Cette étude australienne met en relief l’impact des postures et discours parentaux sur la consommation d’alcool des jeunes. Les auteurs montrent que les adolescents et étudiants sont moins enclins à boire si leurs parents ont manifesté leur désaccord quant à une consommation trop précoce, s’ils ont été informés des liens entre la consommation d’alcool et le cancer s’ils perçoivent l’alcool comme peu facile d’accès. Interviewée par le site news medical, la principale auteure recommande donc aux parents d’évoquer le sujet avec leurs enfants, de s’enquérir des événements festifs à venir et de formuler des exigences de comportement, de reconsidérer leur propre consommation devant leurs enfants, d’organiser des fêtes sans alcool, interdire la pratique du « binge drinking », de ne pas fournir d’alcool aux adolescents pour leurs fêtes.
Les effets négatifs d’une éducation surprotectrice
Des études menées auprès des enfants et petits-enfant de survivants de l’holocauste ont mis en exergue un dysfonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (axe HPA) également appelé axe du stress, dont le rôle joué dans la dépression est aujourd’hui bien connu. Cet axe est une chaîne qui va de l’hypothalamus au cortex surrénalien en passant par la glande pituitaire intérieure et qui émet des réponses neuro-endocrinales au stress. Ce type de dysfonctionnement se mesure notamment par des biomarqueurs contenus dans les cheveux. Les conséquences du traumatisme vécu initialement par les survivants ont pu être mises en évidence sur trois générations avec des descendants plus sujets aux troubles psychiques dont le stress et la dépression. Les études menées ont conclu que l’attitude surprotectrice des survivants par rapport à leurs enfants amenaient les enfants à devenir les « contenants » mentaux de leur mère et à développer un attachement désorganisé. D’autres études sur des populations différentes ont par la suite souligné la façon dont le mode éducatif des parents pouvait impacter les enfants sur le plan physiologique (via cet axe du stress). Une recherche menée auprès d’étudiants japonais se souvenant d’une enfance très protégée montre plutôt une réduction de la matière grise de l’hippocampe, associée à une mise en sourdine de l’activité de l’axe HPA.
Les auteurs de la présente recherche rappellent qu’au vu de ces données, le type de parentalité a un impact sur le très long terme sur les enfants. La littérature a abondamment exploré les liens entre modèle éducatif et devenir à l’âge adulte, identifiant trois principaux modèles (« bienveillant mais cadrant », permissif, autoritaire) et deux grands domaines saillants : affection/rejet, surprotection/autonomie. Les enfants ayant reçu une éducation surprotectrice ont considérés comme plus à risque de souffrir plus tard d’anxiété, de dépression, de troubles alimentaires, de relations sentimentales instables.
L’objectif de l’étude menée sur une cohorte de 40 étudiants allemands avait pour objectif d’examiner les mécanismes neurophysiologiques à l’oeuvre dans le contexte d’une enfance perçue comme surprotégée. Les auteurs souhaitaient s’intéresser aux tendances dépressives et au « sens de la cohérence » (SOC) des individus. Le SOC est un concept qui évalue la façon dont une personne perçoit le monde et les événements comme compréhensibles, maîtrisables et significatifs. Avec une hypothèse de départ : plus l’anxiété de la mère conduirait celle-ci à utiliser son enfant comme un objet « contenant », plus elle suprotégerait celui-ci, plus l’attachement serait désorganisé, plus le processus d’individuation serait entravé et plus l’axe du stress serait activé à l’âge adulte.
L’idée était donc d’analyser les corrélations entre la concentration de stéroïdes dans les cheveux, l’éducation surprotectrice, les tendances dépressives et le «sens de la cohérence ». Les étudiants qui faisaient état d’épisodes de « charge mentale » dans les trois mois précédents étaient plus nombreux à se souvenir d’une éducation très protectrice. Ils avaient aussi un taux de cortisol plus élevé et étaient logiquement plus stressés. Ils étaient plus sujets à la dépression et ont manifesté de moins bonnes aptitudes d’auto-contrôle.
Pour expliquer les différences de résultats avec l’étude portant sur les étudiants japonais (qui, eux, ne souffraient pas d’une hyperactivation de l’axe HPA), les auteurs avancent l’hypothèse culturelle. Peut-être cette hyperactivation ne se met-elle en route que dans des sociétés qui valorisent l’autonomisation précoce.
Une coparentalité renforcée pas forcément souhaitable si le modèle éducatif est inapproprié
The Journal of Child Psychology and Psychiatry
Les résultats de cette étude sont assez étonnants dans la mesure où ils apparaissent contre-intuitifs dans un premier temps (bien que finalement assez logiques dans un second temps). Les chercheurs ont étudié la façon dont le type d’éducation prodiguée (dure/bienveillante), combinée avec la qualité de la coparentalité (selon le ressenti de la mère), influait sur le comportement de l’enfant. Il semble qu’une méthode éducative coercitive (cris, punitions, peu d’écoute) soit encore plus toxique pour l’enfant quand elle est associée à un fonctionnement du couple parental perçu positivement par la mère. En d’autres termes, avoir une mère très autoritaire qui perçoit en plus son conjoint comme un allié n’est pas une bonne nouvelle pour un enfant. Car cela signifie alors que le père ne joue pas son rôle de garde-fou qui peut atténuer voire stopper des pratiques éducatives délétères. Pour les auteurs il ne s’agit pas de dire qu’une mauvaise coparentalité est souhaitable en toute circonstance mais que travailler à renforcer le partenariat parental ne devrait pas se faire sans travailler d’abord ou en même temps spécifiquement sur le type d’éducation proposé.