La Early Intervention Foundation, l’un des 9 « what works centers » anglais, vient de publier un document remarquable qui condense les données de la recherche relatives au développement cognitif des jeunes enfants. Il s’agit de résumer les connaissances générales sur les processus de développement mais aussi la façon dont la fragilité psycho-sociale des familles entrave ce développement. Cette revue de littérature formule des préconisations pour les professionnels qui interviennent auprès des tout petits et de leur famille. Nous vous en proposons une traduction synthétisée.

Le rôle de cette agence britannique, la Early Intervention Foundation (EIF), est de passer au crible la recherche relative au développement de l’enfant et aux programmes qui visent à soutenir le développement et à réduire les inégalités. Elle propose très régulièrement des travaux de synthèse, sorte de méta analyses des méta analyses. Le document présenté ici* se focalise sur quatre compétences considérées comme centrales dans le développement cognitif de l’enfant : la connaissance et compréhension des objets, des individus, des nombres et des mots. Ces quatre items renvoient à des capacités de perception déjà présentes à la naissance et constituent les fondations de l’apprentissage.

L’idée de la EIF est d’améliorer l’efficacité des services de la petite enfance et de réduire le fossé entre les enfants de milieux aisés et les enfants de familles vulnérables. Pour ce faire, l’EIF propose de :
– fournir aux professionnels un résumé complet des données les plus récentes concernant le développement de la connaissance que les enfants peuvent avoir des objets, des personnes, des nombres et du langage.
– Identifier les facteurs qui favorisent le développement des compétences précoces ou au contraire les compromettent. Pour l’EIF cet élément est capital puisqu’il doit permettre aux praticiens de rendre les interventions efficaces accessibles aux enfants qui en ont le plus besoin.
– Rendre concrètes les implications de ces données pour l’amélioration de la qualité des services de petite enfance, en particulier ceux qui visent à combler les inégalités scolaires dont sont victimes les enfants de milieu défavorisé. Pour l’EIF ces informations sont cruciales pour l’élaboration de politiques qui ciblent la mobilité sociale autant que le soutien du développement cognitif des enfants en général.

Dans cette perspective l’EIF a donc réalisé cette revue de littérature relative aux quatre compétences sus-citées pour les enfants de 0 à 5 ans et s’est attelée pour chaque compétence à répondre à sept questions :
– Quelle est la compétence en question ?
– Dans quelle mesure cette compétence est-elle soutenue par d’autres compétences ?
– Comment cette compétence impacte-t-elle le développement de l’enfant à travers le temps ?
– Quel est le développement typique au cours de la toute petite enfance puis de l’enfance ?
– Quels facteurs favorisent ou entravent le développement typique de cette compétence ?
– Quelles méthodes sont les plus appropriées pour évaluer un développement typique ou atypique ?
– Quelles sont les implications pour l’intervention précoce ?

La revue de littérature entreprise par la EIF commence par une recension des principes et hypothèses les plus étayés :
– Le développement cognitif n’est jamais le résultat unique, soit de la nature soit de la culture, mais le résultat de processus interdépendants engageant le bagage génétique de l’enfant, son âge et son environnement.
– Les enfants naissent avec un ensemble de compétences qui facilitent les apprentissages précoces mais les apprentissages sont aussi façonnés par la famille, la communauté, la culture et la société.
– Les enfants jouent un rôle actif dans leur propre développement cognitif, aidés en cela par leur niveau de compréhension cognitive actuel.
– Le processus de pensées de l’enfant se développe en fonction de son âge, et les capacités précoces servent de fondations pour les capacités ultérieures.
– Le développement cognitif engage à la fois des processus généraux et spécifiques
– Les compétences cognitives sont très stables d’un individu à l’autre. Les capacités précoces sont prédictives des capacités ultérieures et ces associations se renforcent avec le temps.
– Le développement cognitif est néanmoins malléable. Les trajectoires individuelles peuvent changer lorsque les circonstances de la vie de l’enfant changent. Ces circonstances peuvent inclure des interventions efficaces.

La compréhension des objets par les enfants

*Qu’est ce que cette compétence ?
Il s’agit de la connaissance que les enfants ont des propriétés physiques des objets, des catégories et des relations ente les objets, et de leur capacité à utiliser les objets comme des outils.

*Quelles autres compétences lui sont associées ?
Ce savoir est renforcé par la mémoire et d’autres capacités de perception, les fonctions exécutives (par exemple la mémoire de travail, l’attention et l’inhibition, la flexibilité cognitive, et la vitesse de traitement de l’information) et le développement du langage.
Cette connaissance des objets est aussi soutenue par l’aptitude de l’enfant à partager l’attention avec les autres et à obtenir des informations des autres. Les études montrent que les activités qui stimulent l’attention conjointe sont particulièrement associées avec le fait d’apprendre le nom des objets et leur fonctionnalité.
Cette compétence est enfin stimulée par les capacités motrices. Savoir tenir assis et ramper accélère les interactions des enfants avec les objets, de la même façon que la motricité fine permet aux petits d’explorer les caractéristiques des objets.

*De quelle façon la connaissance que les jeune enfants ont des objets impacte-t-elle leur développement cognitif à travers le temps ?
Il s’agit d’une composante centrale de l’intelligence des enfants que l’on peut mesurer avec des tests. La manipulation d’objets dans la petite enfance et la relation aux objets à l’école maternelle jouent un rôle critique dans le développement de la capacité à résoudre des problèmes dans les classe supérieures. La connaissance des objets en maternelle est prédictive des scores aux tests d’intelligence à l’école primaire et des performances académiques à l’école secondaire.

*Comment les enfants affinent-ils cette théorie des objets au cours des cinq premières années ?

Avant un an : le développement anténatal du cerveau est optimisé par une alimentation maternelle adaptée, la réduction du stress, l’absence de substances toxiques comme l’alcool et le tabac, une naissance à terme.
Le bébé établit déjà des catégories d’objet en les manipulant, il explore intentionnellement l’objet et commence à utiliser l’objet comme un outil, de façon rudimentaire (tirer sur une couverture pour rapprocher un objet). Entre un et deux ans, les premiers mots de la plupart des enfants concernent des objets du quotidien, ils s’engagent dans des jeux symboliques, dans des catégorisations plus sophistiquées et l’usage plus maîtrisé d’outils.
Au cours des troisième, quatrième et cinquième années, les enfants comprennent les relations complexes entre les objets et les systèmes. Cette connaissance, en retour, soutient le développement de compétences cognitives de raisonnement de plus haut niveau qui sont elles mêmes associées avec la réussite académique au cours du primaire et du secondaire.

*Quels sont les facteurs associés avec le développement de la compréhension des objets dans les cinq premières années ?
– Avoir une mère qui a donné naissance à son premier enfant entre 30 et 39 ans
l’allaitement
– Bénéficier de lectures de la part d’un adulte
– Les règles et routines familiales
– Les opportunités d’apprentissage en dehors de la maison, incluant des visites dans des parcs, musées et autres lieux suscitant l’intérêt
– De hautes qualifications parentales
– Des niveaux de revenus élevés
– L’accès à des modes d’accueil de qualité

Les facteurs qui induisent un risque pour cette compétence :

– Une parentalité adolescente
– Des problèmes mentaux chez la mère au cours de la grossesse ou en période postnatale
– La consommation de drogue, de tabac ou d’alcool pendant la grossesse
– Une naissance prématurée
– Une exposition au plomb en période anténatale ou post natale
– Un faible revenu familial
– De faibles qualifications parentales

*Quelles ont les implications pour l’intervention précoce ?

Pendant la toute petite enfance tous les adultes qui prennent soin de l’enfant devraient être conscients de l’importance de manipuler les objets, de l’exploration et de la valeur du jeu partagé à partir d’objets. Avec de jeunes enfants, les adultes devraient être informés de l’importance des nouvelles expériences en dehors de la maison.
Toutes les familles peuvent tirer bénéfice de messages qui mettent en lumière l’importance des livres pour parler des objets aux enfants, mais aussi des jouets et autre matériel d’apprentissage.
Des opportunités de jouer avec des objets et d’obtenir des informations sur ces objets devraient être offertes à travers les lieux qui accueillent les jeunes enfants. Les programmes relatifs à la petite enfance devraient offrir aux enfants des opportunités d’apprendre les caractéristiques des objets, les catégories et les systèmes.

Les données concernant la compréhension que les enfants ont des individus (théorie de l’esprit)

*Qu’est-ce que la théorie de l’esprit (ToM pour « theory of mind ») ?
Il s’agit pour un enfant d’avoir intériorisé le fait que certains objets sont vivants et conscients, que les êtres conscients agissent selon des intentions et que les individus diffèrent les uns des autres dans ce qu’ils savent et comprennent (ndlr : la capacité pour l’enfant de se « décentrer » et de comprendre qu’il existe différents points de vue). La théorie de l’esprit est illustrée à travers la capacité d’un enfant à deviner les pensées d’un autre sur la base de ce que cet autre est censé savoir, même si ce savoir est différent de ce que l’enfant sait être la vérité.

*Quelles autres compétences lui sont associées ?
La théorie de l’esprit est associée au développement des fonctions exécutives, des capacités précoces de langage et à la capacité de comprendre la relation causale entre ses propres pensées et comportements, et entre les pensées et les comportements des autres.
Les compétences des enfants en matière de ToM leur permettent d’anticiper les pensés et sentiments des autres et sont considérées comme contribuant aux compétences sociales. Les compétences en ToM à 4 ans prédisent la popularité et la capacité à avoir des relations amicales à l’école primaire et secondaire. Ces compétences sont aussi associées avec la sensibilité de l’enfant au feedback de l’enseignant, ce qui favorise sa réussite scolaire.

*Comment se développe cette compétence au cours des cinq premières années ?
Dans la toute petite enfance, les éléments précurseurs à l’émergence de la théorie de l’esprit incluent la préférence pour les visages humains, les tonalités vocales plus aiguës et la capacité à suivre des yeux des objets mobiles. A trois mois le bébé peut suivre le regard d’autrui. A 9 mois la plupart des enfants sont capables de participer à une activité impliquant un partage de l’attention avec les autres. L’attention conjointe reflète la compréhension que d’autres peuvent avoir des intérêts et des connaissances qui méritent d’être compris et partagées.
Le fait de pointer du doigt (vers 10 mois) est aussi considéré comme un indicateur de la conscience de l’enfant que le savoir peut être partagé.
Les indicateurs clés de la théorie de l’esprit au cours de la deuxième année incluent les comportements altruistes spontanés, aussi bien que l’utilisation du langage pour évoquer des états mentaux afin de partager des pensées et sentiments avec les autres.
A la fin de la troisième année, la plupart des enfants peuvent parler d’événements du passé e du futur.
Les enfants de quatre ans sont capables de manipuler les pensées d’autrui par des mensonges sophistiqués.
Au cours de la cinquième année, la plupart des enfants peuvent prédire les fausses croyances des autres. Les enfants sont aussi capable de parler d’états mentaux plus complexes comme savoir, planifier, se concentrer.

*Quels sont les facteurs qui favorisent ou entravent le développement de la compréhension de la théorie de l’esprit au cours des cinq premières années ?

Les facteurs facilitateurs:

-Traiter l’enfant comme un membre valorisé de la famille à travers des conversations dans lesquelles il est perçu comme doté d’un esprit singulier
-Avoir avec lui des échanges sur ce que les gens veulent, aiment, désirent
-Avoir un frère ou une sœur plus âgé de un à 12 ans.

Les facteurs de risque :
– Un risque génétique d’autisme
– Les retards de langage
– Un faible revenu familial

*Quelles conclusions en tirer en terme d’applications concrètes ?
Les parents devraient avoir conscience de l’importance des postures parentales axés sur les états mentaux des tout-petits, à travers des échanges verbaux avec les enfants autour de ce qu’ils ressentent, en particulier à partir de l’âge d’un an. Les professionnels devraient eux aussi être encouragés à parler des états mentaux avec les enfants. Les programmes de maternelle devraient viser le développement chez les jeunes enfants de la conscience et compréhension des sentiments des autres, de leurs intentions et points de vue. Des interventions axées sur ces process devraient être proposées aux parents d’enfant porteur d’un TSA.

La compréhension des nombres par les enfants

*Que recouvre cette compétence ?
La conscience des ordres de grandeur (plus et moins), la capacité à compter, la capacité basique à additionner et soustraire, à faire du lien entre les chiffres arabes et leur valeur cardinale. Deux systèmes entrent en jeu : un système de numération approximatif qui permet de discriminer les différences de magnitude et un système de numération précis qui permet de comprendre la valeur précise des nombres composés de un à quatre chiffres.

*Quelles autres compétences lui sont associées ?
La compréhension par les enfants du système numérique est favorisée par de bonnes fonctions exécutives, en particulier la mémoire de travail. Les capacités précoces en la matière sont aussi associées avec le développement du langage et les compétences motrices. Elles sont prédictives des résultats en mathématiques en primaire et dans le secondaire. Le succès scolaire en mathématiques est l’un des plus forts prédicteurs de la réussite scolaire globale d’un enfant et de la capacité d’un individu à intégrer le marché du travail.

*Quels sont les stades de développement moyens de cette compétence ?
On sait que les nouveaux-nés sont capables de discriminer de tous petits ratios dans les premières heures de vie. Cette compétence continue de croître tout au long de la petite enfance. Ils peuvent aussi différencier très tôt des différences entre des petits nombres car ils ont une compréhension rudimentaire des principes de l’addition et de la soustraction. Avant la fin de leur deuxième année, de nombreux enfants comprennent le sens du mot « un », l’utilisation du pluriel et les mots relatifs aux valeurs tels que «plusieurs », « plus » ou « moins ». A partir de trois ans beaucoup d’enfants apprennent à réciter une liste de nombres. Avant quatre ans, un grand nombre d’entre eux sont capables d’associer des valeurs cardinales aux chiffres compris entre un et quatre. Cet apprentissage est progressif, les enfants apprennent les valeurs cardinales nombre par nombre jusqu’à 5. Une fois qu’ils ont appris les correspondances jusqu’à 5, ils ont compris le mécanisme et sont en général capable d’associer n’importe quel chiffre à la bonne valeur cardinale. Les enfants qui ont bien compris le principe de la numération en maternelle ont en général de bons résultats en mathématiques pour le reste de la scolarité primaire.

*Qu’est-ce qui favorise ou entrave cette compétence ?

Ce qui la facilite:

– Les conversations autour des nombres avec les adultes (surtout autour des quantités et ordres de grandeur)- La fréquence avec laquelle les adultes mettent l’accent sur de grandes valeurs numériques
– La mise à disposition d’activités numériques formelles dans le foyer
– Des premières années stimulantes avec des activités qui favorisent la compréhension du système numérique arabe, des principes de numération et des concepts associés avec l’addition et la soustraction

Les facteurs de risque :
– Une naissance prématurée
– Des retards de langage
– De faibles revenus familiaux

*Quelles implications pour les interventions précoces ?

Toutes les familles bénéficieraient de messages relatifs à l’importance des échanges autour des notions de quantités et des jeux en lien avec les nombres. Les différences entre les enfants selon le milieu social quant à leurs capacités à compter apparaissent dès l’âge de quatre ans et s’accroissent avec le temps. Les études montrent néanmoins que les enfants de milieu défavorisé ont une compréhension informelle des concepts numériques qui peuvent soutenir leur apprentissage des principes numériques. La tranche des 3-5 ans est considérée comme optimale pour compenser le fossé séparant les enfants des familles défavorisées des autres en matière de compréhension des nombres. Les programmes implantés en maternelle qui visent spécifiquement à favoriser la compréhension des grands principes de numération ont de bons résultats. Ce fossé pourrait également être réduit par des stratégies visant à augmenter la fréquence des activités mathématiques formelles et informelles à la maison.

Le développement du langage

*En quoi consiste cette compétence ?
Le langage est traditionnellement défini par un usage systématique et conventionnel de sons, signes ou symboles écrits dans un but de communication et d’expression. Le langage offre aux enfants un moyen efficace de combiner les informations issues de l’environnement de façon à pouvoir les communiquer aux autres. Le langage se développe initialement comme un résultat de la compréhension par les enfants des objets, des individus et des nombres mais l’avènement du langage transforme à son tour fondamentalement les processus de pensées inhérents à chacune de ces compétences en offrant aux enfants des mots leur permettant de penser et de décrire les concepts phares de chaque système cognitif vu précédemment.
Quatre composants permettent de comprendre le développement du langage :
– La phonologie implique la capacité à percevoir les différences entres les sons et les mots mais aussi à reproduire ces sons
– La sémantique réfère à la connaissance du vocabulaire
– La pragmatique renvoie à la connaissance des enfants des fonctions communicatives du langage
– La grammaire nécessite la connaissance des règles qui gouvernent la façon dont les mots sont assemblés ans les phrases pour relayer un sens précis

*Quelles autres compétences lui sont associées ?
Le développement du langage est favorisé par la capacité des enfants à comprendre les intentions des autres ainsi qu’à leur aptitude à détecter des schémas dans le langage humain. Les compétences langagières précoces sont fortement associées avec une large variété de critères de développement de l’enfant, à commencer par les compétences de base analysées dans cette revue de littérature, aussi bien que le développement social, émotionnel et comportemental des enfants. Une fois scolarisés, les performances scolaires des enfants sont fortement associées avec leurs compétences langagières.

*Comment se développe le langage dans les premières années ?
Parmi les éléments clés du langage de réception lors de la première année on trouve l’aptitude à reconnaître son prénom (apparaît en général entre quatre et six mois). Du côté du langage d’expression, la capacité à babiller en réponse à un adulte est un bon indice. Le pointage protodéclaratif (pointer un objet du doigt) est perçu comme le signe que l’enfant comprend qu’il peut communiquer avec autrui pour partager des informations. Il apparaît avec les activités qui sollicitent l’attention conjointe autour des objets (vers 10 mois). La plupart des enfants disent un ou deux mots pour leur premier anniversaire. Le vocabulaire des enfants croit de façon importante au cours de la deuxième année. A l’approche du deuxième anniversaire les enfants maîtrisent en général 300 mots. A partir de deux ans les enfants commencent à assembler les mots pour faire des phrases.Au début de la troisième année, les combinaisons de mots deviennent beaucoup plus sophistiquées et le vocabulaire continue d’augmenter.

A partir de 3 ans les enfants commencent à parler pour eux-mêmes et utilisent le langage pour réguler leur propre comportement. Pendant la quatrième année les enfants commencent à converser avec les autres avec des narrations structurées. Au cours de la cinquième année, ils acquièrent des compétences de pré-alphabétisation associées avec leur capacité à entrer dans la scolarité.

* Les facteurs qui favorisent ou entravent ce développement :

Les facteurs facilitateurs:

– La mère était âgée de 30 à 39 ans au moment de la naissance de son premier enfant
– Etre le premier né
– Etre une fille
– Un haut niveau de conversations adressées à l’enfant et adaptées à ses centres d’intérêt
– Des activités d’attention conjointe fréquentes
– La mise à disposition de livres à la maison et la lecture partagée
– Des parents diplômés
– De hauts revenus familiaux
– Un mode d’accueil individuel les deux premières années
– L’accès à des modes d’accueil après deux ans
– Une éducation riche avant l’entrée à l’école primaire

Les facteurs de risque associés avec le développement du langage :

– Une mère adolescente
– Un haut niveau de stress chez la mère ou des troubles mentaux maternels pendant la grossesse ou en période postnatale
– L’usage de drogue ou d’alcool par la mère
– La prématurité
– De faibles qualifications parentales
– Une famille nombreuse

* Quelles conclusions en tirer ?

– Les adultes devraient être informés de l’importance des conversations adressées à l’enfant et de la lecture partagée
– Un enfant peut sembler se développer normalement et ses difficultés de langage passer inaperçues. Il est donc important d’évaluer les compétences langagières des enfants à partir de deux ans afin d’identifier les problèmes et de proposer des interventions dès qu’un besoin apparaît.
– Le développement du langage des enfants est fortement associé avec les qualifications des adultes qui l’entourent et les revenus du foyer. Les interventions précoces peuvent donc cibler les familles à faibles revenus.
Les différences de langage en lien avec le revenu sont visibles dès 18 mois et sont très accentuées à 3 ans. Les interventions précoces qui visent à combler les inégalités doivent donc débuter avant le premier anniversaire de l’enfant.

Résumé de l’ensemble des données présentées et ce qu’il faut en retenir

– Les études montrent de façon consistante que les compétences cognitives précoces sont prédictives de la réussite scolaire ultérieure, notamment les aptitudes cognitives à quatre ans.
– Les études montrent qu’un environnement hautement nourrissant sur le plan éducatif et stimulant dans les premières années protège potentiellement les enfants de piètres performances cognitives ultérieures alors que l’expérience précoce de la défaveur place les enfants dans une situation à risque.
– Un environnement familial stimulant pour les apprentissages inclut des interactions parents-enfant positives et ajustées, un matériel éducatif riche c’est à dire de jeux et livres adaptés à l’âge de l’enfant, des expériences d’apprentissage riches en dehors de la maison (ce qui peut signifier des crèches et école maternelle de grande qualité)
– Les conversations fréquentes, de qualité, adressées à l’enfant et les comportements parentaux ajustés aux besoins développementaux de l’enfant apparaissent comme les facteurs les plus impactants pour obtenir de bons scores sur le plan de la cognition et du langage.
– Le fossé entre les enfants lié aux revenus, sur le plan des apprentissages, est à la fois large et profond. Ce fossé est bien présent dès l’âge de trois ans et ne cesse de se creuser ensuite.
– Ce fossé n’est pas dû à un seul facteur, il n’existe donc pas une solution unique. Les stratégies qui visent à résorber les disparités d’apprentissage liées aux revenus doivent donc être globales et multifacettes
– Une variété de facteurs autres que les revenus familiaux sont également associés aux différences individuelles précoces de développement cognitif, dont la prématurité et les problèmes mentaux maternels pendant la grossesse et en période postnatale. Ces facteurs sont donc à prendre en compte.

La EIF formule des recommandations, à commencer par : « le plus tôt est le mieux ».
Les différences individuelles sont visibles dès l’âge de un an. Les services d’intervention précoce devraient donc être optimisés afin de soutenir le développement cognitif dès la grossesse de la mère. Il est important de cibler les mères à risque de prématurité et de faciliter l’accès des femmes enceintes aux services de santé mentale. Les programmes d’intervention précoce avec un bon niveau de preuves pour l’amélioration des performances cognitives incluent des visites à domicile à un rythme intensif auprès de familles identifiées comme à risque, notamment celles avec un faible revenu. Pour les enfants de plus d’un an, les visites à domicile constituent aussi un bon support, doublées, pour les enfants de plus de deux ans, d’un accueil dans une crèche de qualité. Il existe des preuves émergentes de l’efficacité des interventions précoces axées sur le langage pour les enfants ayant des retards à deux ans. Il existe des preuves solides amenant à plaider pour un accès élargi à des modes d’accueil de qualité pour les enfants de milieu défavorisé à partir de deux ans. Les « programmes » de ces services devraient viser à soutenir la connaissance que les enfants ont du monde et des relations entre les objets, leur maîtrise de la théorie de l’esprit à travers des histoires et jeux de rôle, leur conscience des nombres à travers des activités de numération et leur compréhension du langage à travers des activités qui favorisent l’émergence des compétences d’alphabétisation.

*“Key competencies in early cognitive development: Things, people, numbers and words”, Kirsten Asmussen, James Law, Jenna Charlton, Daniel Acquah,
Lucy Brims, Inês Pote, Tom McBride, décembre 2018