L’association Le Grand Forum des Tout-petits organisait, jeudi 10 novembre, à l’occasion des 4èmes “rencontres des Tout-petits”, des conférences autour de la prévention pré-conceptionnelle avec un nombre impressionnant de spécialistes. Elle a aussi publié les résultats d’un sondage sur le sujet.

 

Dans le film de science-fiction de Spielberg, Minority Report, Tom Cruise était un policier d’élite chargé d’arrêter les criminels avant même qu’ils ne commettent leur forfait. La périnatalité se met elle aussi à l’extrême anticipation. Parce qu’il apparaît de plus en plus évident (car de plus en plus étayé) que la destinée d’un individu, sur le plan médical (mais aussi social), se joue en partie très tôt, dans les mille premiers jours à compter de sa conception. Et même avant, dans les habitudes de vie des ses parents, voire de ses grands-parents.

L’association « Le grand forum des tout-petits », soutenue par Blédina (et donc Danone), qui s’est donnée pour mission de promouvoir les initiatives de prévention précoce organisait ce jeudi 10 novembre, ses 4èmes « rencontres des tout-petits », passionnantes, sur le thème : « Projet d’enfant, grossesse et hygiène de vie : du bien-être individuel aux enjeux de santé publique ». En septembre 2016, après un manifeste proposé en 2014, le Grand Forum a publié 28 suggestions d’action dans le cadre du Plan national nutrition santé 4. Parmi ces actions, l’accent était déjà mis sur la visite pré-conceptionnelle, mais aussi sur l’accompagnement de l’allaitement en agissant sur le milieu professionnel, le soutien de la recherche pour mieux évaluer l’impact de la prévention précoce sur les coûts de santé, l’importance de rendre les messages compréhensibles de tous et la nécessité de cibler particulièrement les populations défavorisées. Les acteurs de la santé ont visiblement moins de difficultés à envisager des dispositifs de prévention précoce et ciblée que les professionnels du champ psycho-social.

Prévenir les maladies de « civilisation »

Lors de ces « rencontres », il a beaucoup été question de prévention très précoce et d’épigénétique. Mais aussi d’ « origines développementales de la santé », résumées sous l’acronyme DOHaD, pour « Developmental Origins of Health and Disease ». L’objectif était en effet de marteler à quel point l’hygiène et le mode de vie des parents impactent la santé future de l’enfant, avant même sa conception, et d’insister sur la nécessité pour les couples d’être accompagnés par des professionnels dès le projet d’enfant. Le président du grand forum des tout petits, le pédiatre Umberto Simeoni, l’a rappelé en introduction : les maladies chroniques sont en nette augmentation, en raison de facteurs environnementaux (stress, activité physique, polluant, nutrition…). Il s’agit de maladies de « civilisation » devenues un enjeu majeur de santé publique et il est donc impératif de repenser les actions de santé et d’agir en amont, avant qu’elles ne s’installent. Le Grand Forum des tout-petits a profité de l’événement pour rendre public un sondage réalisé par Odoxa. Il en ressort que 91% des couples en âge de procréer estiment qu’une grossesse doit être bien préparée, mais dans la pratique, ils sont 54% à attendre le début de la grossesse pour consulter un professionnel.

L’influence génétique du père sur la santé de l’enfant

Les conférences ont débuté avec l’intervention de Benazir Siddeek, chercheuse au laboratoire de recherche DOHaD à Lausanne, qui a proposé un topo sur le rôle du père dans la transmission inter et trans générationnelle de maladie acquise. Et de citer plusieurs exemples : les pères exposés à des famines ont plus de risques d’avoir des enfants qui développent des maladies cardiaques ou du diabète, les pères fumeurs sont plus enclins à avoir des bébés de petit poids de naissance et il existe une corrélation entre l’âge du père et la schizophrénie ou les troubles bi polaires. Des expériences menées sur des rongeurs ont montré que lorsque des rats « exposés à un challenge expérimental » tel qu’une altération de la balance alimentaire sont croisés avec une femelle « normale », on observe des effets sur plusieurs générations. Un régime alimentaire faible en protéine, pauvre en folate et riche en graisses a une réelle incidence. Le stress chez le père peut conduire à une altération des fonctions cognitives et des problèmes métaboliques des enfants. Une réalité encore très méconnue du grand public puisque selon l’étude Odoxa, seuls 16% des Français pensent que l’alimentation du père avant la conception a un impact sur la santé future de l’enfant.
Benazir Siddeek propose une image pour comprendre les mécanismes de l’épigénétique. Le code génétique est une partition de musique et les marques épigénétiques donnent le rythme. Un peu plus tôt Umberto Simeoni avait bien précisé que l’environnement ne modifie pas le génome mais régule son expression.
La jeune chercheuse tient à apporter une note positive : non, nous ne sommes pas « fichus ». « Les marques épigénétiques sont réversibles », assure-t-elle. En fonction de l’alimentation et du mode de vie, on peut jouer sur ces marques. « Par un enrichissement du milieu, un environnement plus stimulant, on peut peut contrer les effets du traumatisme. On peut toujours avoir une action sur son mode de vie. » Un message très encourageant pour les acteurs de la prévention.

Face à l’augmentation des risques, il faut développer la visite pré-conceptionnelle

C’est ensuite Olivier Parant, professeur de gynécologie-obstétrique à Toulouse qui tente de répondre à la question « Quelle vision d’un accompagnement pré-conceptionnel ? » et en creux à cette autre interrogation, assez factuelle pour des médecins, en général plus sensible pour les acteurs du champ social  : « Peut-on détecter un comportements à risque ? »
Olivier Parant l’assure, « la prise en charge du futur enfant s’anticipe». Les sociétés savantes se sont positionnées sur la visite pré-conceptionnelle, sans parvenir à changer la donne : cet accompagnement est marginal, déplore le médecin. Seules 9% des femmes enceintes font une visite pré-conceptionnelle et le conjoint est en général absent. Néanmoins, d’après le sondage Odoxa, tout n’est pas perdu, la marge de progression est là : 35% des couples qui envisagent d’avoir un enfant dans les deux ans se disent prêts à consulter en amont de la grossesse.  Olivier Parant estime que deux tiers des adultes ne sont pas suffisamment informés. Or, « nous, ce que nous voyons, relève-t-il, ce sont des patientes de plus en plus âgées, de plus en plus en surpoids, de plus en plus précaires, de plus en plus avec des pathologies multiples. » Il est donc nécessaire de procéder à un bilan de santé avant la conception, notamment pour évaluer le niveau de risque et corriger le comportement en cause. Et tout le monde, tous les professionnels de santé, peuvent participer à cet accompagnement.
Plusieurs sujets inquiètent les gynécologues-obstétriciens. L’augmentation des grossesses tardives, notamment, qui proviennent de plus en plus d’une AMP avec don d’ovocytes, et qui s’accompagnent plus fréquemment de complications maternelles et foetales, « avec une implication possible sur la parentalité ». « La personne doit être informée de ces risques », pose Olivier Parant.

Autre focus : l’obésité. C’est devenu une épidémie mondiale et les femmes ont dépassé les hommes sur le plan de la prévalence. En France, les femmes enceintes obèses constituent 10% des grossesses (voir à ce sujet notre article sur les USA et un de nos résumés dans notre dernier Pueriscope périnatalité). Enfin, l’intervenant pointe la problématique de l’acide folique (forme synthétisée de la vitamine B9) dont la trop faible présence chez la femme enceinte peut entraîner un risque de spina bifida pour le bébé. La France serait dernière de la classe en matière de supplémentation en folates.
Pour Olivier Parant, cette conception très précoce de la prévention « n’est pas une lubie, mais une réelle opportunité ». Ils estime que tous les professionnels doivent s’impliquer et s’adapter au nouveau profil des patientes.

L’épigénétique modifie profondément les modalités de la prévention

Un chercheur en sciences sociales à Lausanne, Lucas Chiapperino, se lance dans une présentation sur « les imaginaires liés à la reproduction humaine à l’époque de l’épigénétique ». Il pose qu’on assiste aujourd’hui à une recomposition des discours en matière de parentalité. En mettant en avant la notion des 1000 premiers jours, nous mettons en relation plusieurs générations. Il s’agit d’une « extensions du niveau temporel de la prévention ». Il estime qu’il y a aujourd’hui une prise de conscience du public, mais que des éléments d’économie sociale entrent également en ligne de compte (intervenir tôt est un investissement pour l’avenir). Lucas Chiapperino relève qu’ « avant on parlait de destin génétique, aujourd’hui on met en relation des générations différentes ». La pauvreté devient une sorte de malédiction pour les générations futures. A travers les recherches récentes, on comprend comment les tragédies du passé peuvent avoir un effet sur le présent (attentats du 11 septembre, Holocauste pendant la seconde guerre mondiale).
Le chercheur note aussi que cette nouvelle approche permet « d’enlever un peu d’attention sociale autour du corps des femmes et de la grossesse ». Mais ces découvertes posent question : « faut-il changer la clinique pédiatrique, la façon dont nous pensons la petite enfance, la façon dont nous nous sentons responsables en tant que père et mère ? » Lucas Chiapperino s’est aussi intéressé aux états d’âme des scientifiques. « Pensent-ils que leurs études vont changer la parentalité ? »
En tous cas, les chercheurs sont en train de constater qu’on a peut-être un peu trop mis l’accent, et la responsabilité, sur les mères, et trop sous-estimé l’influence du père. « Au sein de la communauté scientifique, les imaginaires sont genrés, assure-t-il. Or les Scientifiques jouent un rôle central dans la construction sociale de la responsabilité parentale et dans les débats publics ». En conclusion, Lucas Chiapperino, espère que ces connaissances vont améliorer notre responsabilité pour les générations futures mais sans augmenter la culpabilité ». C’est tout le défi au cœur des politiques de prévention.

La prise de poids pendant la grossesse : à suivre de très près

Au moment des questions-réponses, Philippe Deruelle, gynécologue-obstétricien à la maternité du CHU de Lille, secrétaire du collège national des gynécologues-obstétriciens (CNGOF), fait remarquer que « l’épigénétique est peut-être un phénomène d’adaptation pour que les générations futures se préparent à un environnement différent. » Auquel cas, faut-il vraiment chercher à la modifier ? L’ancien prédisent du CNGOF, Francis Puech s’inquiète de son côté que l’éventuelle prise en charge par les mutuelles de la visite pré-conceptionnelle n’amène la CPAM à se démobiliser.
Philippe Deruelle ouvre ensuite la deuxième session de conférences avec un exposé sur la prise de poids pendant la grossesse. Il rappelle que le poids du foetus, du sac gestationnel, la prise de volume de l’utérus, des seins et l’augmentation de la masse sanguine ainsi que du liquide interstitiel ne suffisent pas à expliquer la totalité de la prise de poids pendant la grossesse. Un tiers de ce poids supplémentaire provient des réserves adipeuses, qui sont normales puisque le fœtus a un besoin constant de nutriments. Mais dès lors que l’on parle de « bonne prise de poids » celle-ci sera fonction de l’indice de masse corporel de départ. On évalue entre 9 et 12 kg la prise de poids moyenne pour une femme lambda. Pour une patiente obèse, la fourchette se situera plutôt entre 5 et 9 kg.
Quelles sont les conséquences d’une prise de poids inadaptée ? L’augmentation des complications vasculaires, dont la pré-éclampsie, des bébés plus gros et donc plus de difficultés lors de l’expulsion, un risque d’obésité future pour le bébé lui-même. La prise de poids gestationnel influence la prise de poids du bébé. C’est un des éléments les plus impliqués pour la survenue de l’obésité à un âge plus avancé. Un gros bébé a plus de risque de faire un enfant et un adulte obèse. Ce que résume ainsi Philippe Deruelle : « la prise de poids excessive favorise le cycle vicieux intergénérationnel de l’obésité ». On note aussi un « effet synergique de la prise de poids pendant la grossesse et de l’obésité pré existant », entraînant du diabète gestationnel, des fausses couches, plus de déclenchements, plus de césariennes, plus de difficultés dans le post partum. C’est pourquoi les femmes obèses doivent prendre moins de poids.
A l’inverse une prise de poids insuffisante peut entraîner un risque de petit poids de naissance ou une menace d’accouchement prématuré.
Philippe Deruelle évoque également les effets de la chirurgie bariatrique avant la grossesse. Le moment auquel elle intervient avant la grossesse est important dans la mesure où une perte de poids très importante peut entraîner un risque de tout petit bébé. A noter : une étude présentée très récemment devant le collège américain de chirurgie (comme rapporté dans notre dernier Pueriscope) montre que la chirurgie bariatrique permet de diminuer la prévalence des césariennes chez les femmes obèses.

Pour obtenir l’adhésion des patientes obèses, jouer sur les leviers « motivationnels »

Marie Pigeyre, médecin endocrinologue, propose de faire le point sur les conseils à prodiguer aux femmes enceintes pour leur permettre de maîtriser leur prise de poids. « La grossesse est le moment idéal pour instaurer des changements d’hygiène de vie, assure-t-elle. Les recommandations sont simples : une alimentation équilibrée et la pratique d’une activité physique régulière ». Cette activité doit être d’intensité modérée, ce n’est pas le moment de changer ses pratiques. La médecin prévient qu’il ne faut jamais être restrictif pendant la grossesse, et qu’une patiente en culpabilité par rapport à son poids peut développer des carences (en acide folique notamment). La question centrale est la suivante : Comment encourager les patientes à suivre les recommandations ? Marie Pigeyre présente les résultats récents de quelques méta-analyses sur les « études interventionnelles » au cours desquelles les femmes sont reçues en entretien et/ou reçoivent des appels téléphoniques. La limite de ces méta-analyses : les méthodes des interventions sont très diverses, l’adhésion des patientes aussi, il y a une hétérogénéité des résultats, et il est donc difficile de conclure. Les preuves de l’efficacité de ces interventions ne sont pas fortes, que ce soit en population générale ou pour les femmes obèses. Le seul paramètre clairement amélioré pour ces dernières est le diabète gestationnel. Les chercheurs essaient de savoir ce qui fonctionne, quels sont les facteurs d’adhésion, si la cible et la méthode sont les bonnes. Il ne suffit pas que l’information soit claire pour que la patiente suive les conseils.
« Il faut appuyer sur leviers motivationnels, insiste Marie Pigeyre. Aller chercher les bénéfices propres à la patiente pour qu’elle modifie son comportement. La motivation de la santé pour le bébé est vraiment importante.» Il faut éviter de stigmatiser et positiver au contraire les messages : « si vous limitez la prise de poids, vous réduisez telle ou telle complication ».
Le médecin évoque aussi les freins à lever. Parfois ces femmes ne perçoivent pas leur surpoids, ou sont confrontées à une estime de soi problématique. Certaines croyances demeurent : la peur de faire du sport, la peur d’avoir faim, d’avoir une hypoglycémie. Les nouvelles technologie peuvent aider à l’adhésion : l’envoi de SMS pour motiver la patiente est une piste prometteuse.
Une plateforme e-santé avec un tableau de bord personnalisée sera bientôt lancée. Il s’agit d’une approche comportementale, avec vidéos d’animations sportives, et aide à la mise en place du changement.

L’activité physique pendant la grossesse : les bénéfices dépassent de loin les risques

Benjamin Guinhouya, enseignant chercheur en épidémiologie, propose un développement spécifique sur l’activité physique (à ne pas confondre avec l’exercice physique et le sport). Il y a visiblement un besoin d’information sur le sujet. D’après l’étude Odoxa, 32% des Français pensent que l’activité physique n’est pas nécessaire avant et pendant la grossesse.
Il rappelle comment en 1980 les préconisations portaient sur le repos et la limitation de l’activité physique, puis comment en 20 ans, les messages ont évolué pour finalement insister sur l’importance de cette activité physique. En 2016, l’ANSES a émis de nouvelles recommandations : 30 minutes d’activité modérée trois fois par semaine, des exercices de renforcement musculaire une à deux fois par semaine et la limitation des périodes sédentaires. Les précautions à prendre : ne pas réaliser d’activités en hypoxie (manque d’oxygénation). Il existe très peu de risques avec l’activité physique, très peu d’effets indésirables. Elle joue un rôle mineur dans les fausses-couches. Alors que les bénéfices sont nombreux : limitation du risque de macrosomie, de diabète gestationnel, de césarienne, prévention des douleurs lombaires, de la dépression. « Les bénéfices dépassent de loin les risques », résume Benjamin Guinhouya.

Très forte prévalence des troubles psychiques pendant la grossesse

Le pédopsychiatre Michel Dugnat qui monte à son tour sur l’estrade, se concentre depuis plus de 25 ans sur cette période fondamentale des premiers jours. « L’influence de la vie utérine sur le corps, l’esprit et le destin est ancienne, commence-t-il. Le cerveau se développe à toute vitesse, il est altérable durablement en raison du cortisol et du stress. Le stress prénatal engendre une progéniture plus anxieuse, moins attentive, avec des difficultés d’apprentissage. » Il note que « grâce à l’épigénétique, on est sorti de la question diabolique inné/acquis ». « Nous sommes au tout début de quelque chose de passionnant. L’épigénétique va avoir de profonds effets sur nos représentations ».
Le pédopsychiatre insiste ensuite sur la dépression maternelle en racontant que longtemps les médecins se sont focalisés sur la dépression post natale. « La vraie frontière aujourd’hui c’est la dépression prénatale » (c’est très clair dans les études que nous relayons régulièrement dans notre Pueriscope). Les troubles psychologiques des enfants, assure-t-il, sont fortement corrélés aux troubles anxieux de leur mère pendant la grossesse. « Stress et grossesse ne font pas bon ménage ». Revient alors l’épineuse question : Comment prévenir sans stresser ?
Les chiffres sont en tous cas préoccupants : En France, chaque année, plus de 250.000 naissances sont suivies d’un trouble psychique léger à sévère. Plus de 3000 naissances nécessitent l’hospitalisation de la mère pour un état psychotique, 80.000 bébés ont une mère déprimée. L’impact sur le développement cognitif et affectif est réel.
« Dans une société de l’accélération, il faut des oasis de décélération, propose Michel Dugnat. Que les femmes puissent s’écouter elles-mêmes. Si une femme est stressée pendant la grossesse, elle doit pouvoir le dire. Il faut une capacité d’écoute. »
En terme de santé publique, il faut insister sur l’entretien prénatal précoce et multiplier les formations trans-professionnelles et le travail en réseau (voir à ce sujet notre article sur le réseau de santé périnatal parisien). Mais ce n’est pas suffisant, prévient Michel Dugnat.
« On a besoin d’une étape supplémentaire, d’une mobilisation sociétale, à l’image de ce qui se fait en Grande Bretagne. Il faut une campagne qui rassemble l’ensemble des sociétés savantes ».

Pour un meilleur suivi psycho-social de la grossesse

Sophie Guillaume, présidente du collège des sages-femmes, assure la dernière présentation. Elle revient sur la tendance des années 70-80 qui visait à l’amélioration de la qualité des naissances mais sur un mode très sécuritaire. Puis a été posée la notion de parentalité, avec notamment la mise en place de l’entretien prénatal précoce. « Mais soit on l’a mal compris, soit on ne sait pas à quoi ça sert, car les résultats sont là. Seules 30% des femmes y ont accès ». Sophie Guillaume insiste : « Cet entretien n’est pas un temps de consultation où on est derrière un bureau. Il faut s’approprier les techniques de communication, de dialogue, d’écoute, pour accéder au ressenti des femmes et des couples. Il faut consolider la confiance en soi, déceler au décours de ce temps d’échange et de dialogue ce qui les angoisse. C’est très peu fait. » Elle poursuit : l’entretien doit être adapté à chaque patiente et doit permettre d’identifier les besoins d’information, repérer les situations de vulnérabilités, proposer la construction d’un projet de naissance. Puis un travail de mise en lien entre professionnels doit être fait. « Or, ceux qui font cet entretien n’assurent pas forcément le suivi de grossesse derrière et le lien ne se fait pas, c’est très dommage ».
Sophie Guillaume conclut : « Il faut poser la naissance comme un événement de vie et non pas comme un événement de soin. Le suivi médical pur et dur est très bien fait en France mais il faut l’associer à un suivi psycho-social. »

Au cours du temps d’échange avec la salle qui vient clore la journée, la question centrale revient : « Comment résout-on le paradoxe suivant : si on veut changer le comportement de la femme enceinte pour le bien du bébé, il faut la responsabiliser, mais alors on la culpabilise, on la stigmatise et on la stresse, ce qui n’est pas bon pour l’enfant ? » C’est Michel Dugnat qui se lance : «la  plupart des femmes veulent le mieux pour leur bébé, il faut aller chercher ça.» Cette question est revenue plusieurs fois au cours de la journée et c’est bien normal, elle est au cœur de l’éthique en matière de prévention, que celle ci soit purement médicale ou psycho-sociale. La connaissance scientifique peut placer le professionnel dans une situation de toute puissance et le pousser à être trop prescripteur, trop normatif. A contrario la crainte d’être stigmatisant peut le freiner à l’excès et l’empêcher de transmettre des informations nécessaires voire déterminantes. Dans les deux cas c’est une infantilisation du patient ou de l’usager qui est à l’oeuvre. Savoir où l’on positionne le curseur en matière d’information, pour être le plus efficace, sans nuire, est donc capital. Surtout dans cette période critique des mille premiers jours.