Baby-Loup, toujours debout
Date
14 novembre, 2016
Catégorie
Enfance
Auteur
Gaëlle Guernalec-Levy
Photo/Illustration
Baby Loup

Baby-Loup, l’une des crèches les plus innovantes (et les plus médiatisées) de France, n’a pas disparu à l’issue de son conflit juridique avec une ancienne salariée. Elle a été contrainte de déménager mais elle continue à accueillir les familles et leurs enfants, dans une perpétuelle recherche de qualité et d’équité.

baby-loup-photo-interieure-1Baby-Loup a 25 ans. Quand la structure a vu le jour en 1991, à l’initiative de Natalia Baleato, sage-femme réfugiée politique du Chili, elle était déjà à part. Au cœur d’une cité de Chanteloup-Les-Vignes mais à part, dans son ambition éducative, dans son souci des familles et dans son attention particulière portée aux plus fragiles d’entre elles. Et puis cette crèche pas comme les autres s’est retrouvée à son corps défendant sur le devant de la scène et pas de façon fugace. La bataille juridique qui va opposer pendant six ans la crèche à son ancienne salariée, Fatima Afif, autour du droit à porter un voile sur un lieu de travail privé, durera six ans (voir notre article). Au-delà du conflit juridique entre un employeur et sa salariée, et du débat sur le port de signes religieux sur un lieu de travail privé, l’affaire jetait une lumière crue sur des phénomènes encore sous estimés : la montée de l’intégrisme, l’emprise du religieux sur certains quartiers, le repli identitaire. L’équipe de Baby-Loup, essentiellement féminine, s’est retrouvée en première ligne, et fort seule.
Ce n’est jamais facile d’avoir raison trop tôt.
Baby-Loup a fini par déménager en mars 2014, à quelques kilomètres, pour s’installer à Conflans-Sainte-Honorine. Si elle lutte toujours pour sa survie, c’est aujourd’hui plutôt pour des raisons financières.
Nous vous proposons un long article pour vous raconter ce que devient cette crèche, revenir sur ses spécificités et son caractère innovant et rappeler ce qui s’est joué pendant ces six années de lutte.

Notre article sera ainsi découpé :

1) L’accueil 7 jours/7, 24h/24
2) Des places pour ceux qui en ont le plus besoin
3) La formation des professionnels, permanente et diversifiée
4) L’accompagnement des parents au cœur de la mission
En complément, un article revient sur « l’affaire de la salariée voilée » et son impact.

1) L’accueil 7 jours/7, 24h/24

Il est 8h00 du matin. Dans un dortoir d’une dizaine de lits et dans une semi pénombre, une petite fille de deux ans dort sur le ventre, les fesses remontées, dans cette position propre au sommeil de l’enfance. Elle a passé la nuit dans la crèche. Sur le mur au-dessus de son lit est accrochée une photo de sa mère.
Les locaux de Baby-Loup ne sont jamais inoccupés, l’accueil est permanent. Ce n’était pas le cas lors de la création de la structure en 1991. Cette spécificité permet aujourd’hui de recevoir des enfants jusqu’à six ans révolus (l’ancien agrément permettait un accueil jusqu’à 9 ans), en urgence, à tout moment. Une maman hospitalisée, un enfant qu’il faut extraire momentanément du foyer familial, des parents qui travaillent loin tout un week-end, cet accueil en continu offre une respiration dans des situations tendues.

Il nécessite aussi une organisation minutieuse et laborieuse, comme le pointe elle-même Natalia Baleato, la fondatrice et directrice de Baby-Loup. Le nombre de berceaux est ainsi réparti : 38 enfants sont accueillis en simultané sur la journée, de 7h à 19h, 10 places sont disponibles pour la nuit de 22h à 6h, 13 places pour le week-end. La structure a obtenu 15 places supplémentaires sur la tranche 6h-7h et et 15 places en plus pour la tranche 19h-22h. Sur ces créneaux, les enfants se croisent, ils étaient en surnombre et la crèche sortait de son agrément. Les horaires décalés se retrouvent surtout le soir. La nuit le taux d’occupation est en moyenne de 60% avec des nuits qui ne comptent que 2 enfants et d’autres qui en comptent 8.

Les parents dont les enfants sont accueillis régulièrement doivent donner leur planning le 20 de chaque mois pour le mois suivant. Mais les emplois du temps changent parfois d’une semaine à l’autre, obligeant Baby-Loup à s’adapter en permanence. « On modifie souvent au jour le jour, constate Natalia. L’année dernière nous avons reçu 5000 appels du type « Aujourd’hui je dois faire deux heures supplémentaires sur mon lieu de travail, je peux compter sur vous ? » ou « on vient de me changer mes horaires, mon enfant ne va pas venir aujourd’hui ». » Conséquence : le personnel doit être extrêmement flexible. Les équipes qui partent à 18h00 peuvent se voir demander de rester une heure de plus ou de venir une heure plus tôt le matin.

Cet accueil élargi et parfois très ponctuel impacte forcément la façon même de travailler. La sacro sainte période d’adaptation n’a plus de sens dans l’accueil d’urgence. « Quand un enfant arrive chez nous par la voie des services sociaux, il est très important que sa mère ait pu lui parler avant, lui expliquer ce qui allait se passer, explique Vanessa, adjointe administrative. La verbalisation est capitale. On accroche des photos autour de son lit pour créer un espace familier. » L’autre conséquence de ces horaires élargis est que les 27 salariés de la structure ne peuvent pas couvrir en permanence le temps de présence de tous les enfants. Il est donc difficile de se référer au classique système d’une personne référente pour chaque enfant.
baby-loup-interieure-5« Nous préférons responsabiliser les adultes pour qu’ils soient tous en capacité de connaître le parcours de chaque enfant et que celui-ci ne soit pas insécurisé quand sa référente n’est pas là, précise Julien Taffoureau, chargé de développement. Les attachements multiples permettent ça. Et ce principe permet aussi de multiplier les regards sur l’enfant.» C’est très frappant lorsqu’on passe une journée au sein de cette structure : même le personnel administratif semble maîtriser les différentes théories sur le développement de l’enfant et être capable de justifier les pratiques mises en place. Autre impression dominante : la bonne humeur qui règne au sein de la crèche (ce n’est pas le cas partout), l’entente et la complicité palpables entre les différents membres, salariés, bénévoles, équipe dirigeante, intervenants extérieurs. Ce sont des bribes, des images parcellaires, de petits détails en apparence anodins mais ils forment un kaléidoscope qui permet de mesurer dans l’après coup la gravité de ce qui s’est joué dans cette structure quand elle était au cœur de la tourmente (voir notre article complémentaire).

La cigarette fumée autour d’un café par Natalia, la militante ayant dû fuir dans les années 70 son pays, le Chili, pour préserver sa vie et sa liberté. Café et cigarette qu’elle partage avec la bouillonnante Lina (photo d’ouverture), Argentine d’origine, en charge de l’éveil musical des enfants, fidèle, rigolarde et hâbleuse. Café servi par Patricia, la directrice adjointe, posée, avenante, les bras couverts de tatouages. Ce sont ces femmes là, l’engagement et la liberté chevillés au corps qui se sont retrouvées seules face aux coups de boutoirs des intégristes.

 

2) Des places pour ceux qui en ont le plus besoin

Le taux d’occupation de la structure est aujourd’hui de 76% (il était de 80 à 85% lorsque Baby-Loup était située à Chanteloup-Les-Vignes). Les responsables de la crèche sont unanimes : ce taux pourrait être bien supérieur. Il est très rare d’entendre des professionnels de crèche plaider pour un taux d’occupation élevé, le principe avancé étant que la qualité de l’accueil dépend du nombre d’enfants dont chaque employé a la charge. Cette question avait suscité une fronde dans le milieu des professionnels lorsqu’en 2010, le décret  Morano avait autorisé un accueil en surnombre. Face aux acteurs du terrain qui lient qualité de l’accueil et taux d’occupation modéré, plusieurs instances, dont la Cour des Comptes et le Haut Conseil à la Famille ont pointé que, tout de même, un taux d’occupation national moyen plus proche des 60% que des 70%, c’était peu. Et qu’au bout du compte, trop de familles se retrouvaient sans solution de garde.

Pour Natalia Baleato et son équipe, le sujet ne souffre pas les tergiversations : les familles ont besoin que leurs enfants soient accueillis. Un taux d’occupation très élevé signifie que la mission est accomplie. Laureen, maman d’Olivia, 11 mois confirme que le besoin existe: « je travaille en horaires décalés, je peux finir à 21h ou commencer à 7h, travailler le week-end. Avant d’avoir cette place, j’ai dû prendre un congé parental à 80% et demander à mon employeur d’aménager mes horaires mais c’était difficile. Cette souplesse est très précieuse pour moi. »
baby-loup-interieure-4Natalia nous l’avait expliqué dans un précédent article : elle considère que les professionnels de la petite enfance sont trop arc-boutés sur la problématique des ratios et qu’il existe des pratiques permettant de s’occuper dans le même temps d’un grand nombre d’enfants.
«Notre taux d’occupation n’est pas de 100% alors qu’il y a des demandes, affirme Patricia, directrice adjointe. Nous avons les locaux et le personnel, les parents ont besoin de nous mais on ne peut pas remplir totalement notre mission.»
Pourquoi ? Parce que les co-financeurs des places, autres que la CAF (qui a réévalué à la hausse les prestations à l’égard de Baby-Loup), ne sont pas forcément enclins à suivre. Avec un taux de 40% de familles pauvres (contre 10% en moyenne dans les autres structures) et un financement parental de 10% (contre 30% ailleurs), il faut que la ville, le conseil départemental et la CAF soient prêts à abonder. Or, à l’heure des restrictions budgétaires, l’accord pour l’attribution d’une place à une famille à très faibles revenus se fait parfois attendre. « Les directives de la CAF sont très claires, fait remarquer Natalia. On est censés accueillir tous les enfants sans conditions de ressources ni d’activité des parents. » Pour Baby-Loup, seule la CAF joue aujourd’hui pleinement le jeu en mettant la priorité sur les familles les moins aisées, notamment les femmes seules. L’une des missions prioritaires de la structure est justement de maintenir dans l’emploi ces mamans solo.
« On a quitté un problème pour en trouver un autre, déplore Patricia. C’est paradoxal. On nous appelle des quatre coins de la France pour nous demander s’il existe d’autres crèches comme la nôtre, les politiques viennent nous voir, nous disent que c’est génial mais plus on avance moins on est reconnus. On remplit toujours plus de papiers pour moins de subventions

 

3) La formation des professionnels, permanente et diversifiée

C’est l’autre spécificité de la structure, et celle-ci aussi coûte cher : former en permanence les salariés. L’équipe de direction fait donc intervenir très régulièrement des experts, psychanalystes, ethnologues, sociologues sur des sujets ne concernant pas que la puériculture : l’érotisation du corps des enfants ou les effets de la violence conjugale sur les petits par exemple. Baby-Loup participe aussi à l’insertion des femmes, en interne, en leur permettant de suivre des formations diplômantes.
baby-loup-interieure-6Hanane (photo ci-contre), auxiliaire de puériculture, a pu bénéficier de cette chance. Venue du Maroc en 1998, à 18 ans, elle n’a alors aucun projet professionnel. « Je ne savais pas quoi faire, je suis allée à la mission locale pour découvrir les différents métiers. On pouvait faire quatre stages différents pour voir vers quoi on voulait s’orienter. » Elle fait un premier stage de vente dans un magasin puis elle atterrit à Baby-Loup. C’est une révélation. « Je me suis tout de suite dit « j’ai trouvé ce que je veux faire. » C’est l’équipe qui m’a séduite. C’était pour moi la vraie particularité de la crèche. J’ai immédiatement été super bien prise en charge, par tout le monde, de la dame d’entretien jusqu’à la direction. Je les voyais faire des choses que j’avais envie d’apprendre. Ensuite j’ai fait un deuxième stage et Natalia m’a proposé un remplacement de six mois. J’étais très contente. Après elle m’a proposé un emploi jeune en m’expliquant que ces cinq années devaient servir à me former. J’ai commencé par le BAFA, puis j’ai fait de l’informatique, ensuite une Validation des Acquis par l’Expérience pour avoir le CAP. Natalia m’a dit : « pourquoi tu ne passes pas le diplôme d’auxiliaire ? Ca me semblait tellement incroyable, lointain. Je n’avais pas fait d’études en France. Il fallait que la volonté vienne de l’intérieur. J’ai eu le CAP et j’ai eu le concours d’auxiliaire. Maintenant je dis toujours aux jeunes « vous pouvez aller plus loin ». »

Hanane réfléchit actuellement au concours d’éducateur de jeunes enfants. « C’est une excellente professionnelle », assure Natalia. Depuis les débuts de Baby-Loup, 36 salariées sont parvenues à décrocher un diplôme.
« Mais on le fait moins, précise Natalia. Avant nous pouvions nous lancer grâce aux emplois aidés. Il y en a moins aujourd’hui. Et puis ces emplois visent un public très spécifique, des chômeurs de longue durée avec lesquels il faut faire un accompagnement social. Ces femmes étaient trop loin de l’emploi, ça demandait un énorme investissement. Leur fragilité sociale ne permet pas de leur confier de jeunes enfants. Maintenant nous prenons au minimum un CAP et quand elles sont aptes à faire mieux, on leur propose une formation d’auxiliaire. Là aussi, on nous renvoie que ce n’est pas notre boulot et que ça coûte trop cher. »

La formation est pourtant au cœur des débats sur la petite enfance, comme l’a encore récemment souligné le rapport Giampino et comme nous le disaient plusieurs responsables de structure. « Contrairement aux idées préconçues et aux caricatures qu’on en fait, ce travail auprès des enfants est très exigeant, assure Natalia. Il nécessite de la réflexion, de la pensée, de la curiosité intellectuelle, du questionnement intellectuel et la mise en question perpétuelle de nos certitudes.» D’où la colère des professionnels quand ils voient arriver de toutes jeunes filles poussées vers ces carrières par des conseillers d’orientation ou de Pôle Emploi qui pensent qu’il suffit d’être une femme pour faire une bonne employée de crèche. Natalia livre une anecdote : « Je connais un spécialiste de la formation dans notre domaine, très bon professionnel, qui l’autre jour me parlait de sa fille. Il me disait qu’elle ne voulait pas faire d’études, que ce n’était pas une « intellectuelle ». Il lui a conseillé d’aller dans la petite enfance ! C’est dire comme les stéréotypes ont la vie dure. »

4) L’accompagnement des parents au cœur de la mission

Dès ses débuts, Baby-Loup, alors installée au cœur de la cité, a considéré qu’il fallait accueillir la famille dans son ensemble et assumer une mission d’accompagnement des parents. La crèche organisait des week-ends réservés aux femmes pour leur permettre d’échanger sur des thématiques telles que « être femme aujourd’hui dans la cité et dans le monde », « la place du père et celle du mari », ou encore « la communication à l’intérieur du couple et de la famille ». Ces week-ends n’ont plus lieu. « On n’a plus d’argent pour les organiser, explique Natalia. Avant, les séminaires avec les femmes des quartiers, tout le monde trouvait ça super. Là on nous renvoie qu’on leur paie des vacances. Je me retrouve vingt ans en arrière. Je me rappelle de cet échange avec un fonctionnaire : « vous demandez de l’argent pour que les femmes papotent ». Quand des professionnels se retrouvent autour d’une table à réfléchir, c’est un séminaire. Quand ce sont des femmes du quartier, elles papotent. En fait, elles n’ont pas le droit de réfléchir.»
Natalia Baleato aura passé une bonne partie de sa vie à ferrailler, sur les grands principes, sur la liberté, sur les droits des femmes, sur la laïcité, sur l’égalité des chances mais aussi sur le choix d’une table pour la salle à manger. Et on la soupçonne d’y mettre la même énergie.
Au milieu de la pièce où les parents peuvent se poser lorsqu’ils viennent déposer leur enfant le soir pour la nuit ou le reprendre le matin, trône en effet une table classique, à hauteur d’adulte. L’idée est que les parents puissent partager un repas avec leur enfant le soir ou le matin. « Ca permet les échanges, note Natalia. Dans un monde idéal on devrait toujours faire comme ça à la maison, partager un repas. Les parents sont pressés. Une maman me disait « je n’ai pas le temps de rester, je dois aller travailler ». Je m’arrange pour faire comprendre que peut-être elle peut partir un peu plus tôt de chez elle pour partager ce temps là ici avec son enfant.»
Pour obtenir le droit d’installer cette table dans la partie des locaux où sont accueillis les enfants, il a fallu négocier sec avec le service de tutelle. Les normes de sécurité imposent que le mobilier amovible soit à hauteur d’enfant. « J’ai dû expliquer qu’il s’agissait d’accompagnement à la parentalité. Pour eux c’était la première fois qu’on leur faisait une telle demande. Tout est cloisonné, réglementé. On plaide toujours la sécurité. Mais pour un enfant, un environnement ultra sécurisé ne lui permet pas d’apprivoiser l’espace avec son corps

baby-loup-interieure-7Cet accompagnement des parents fait partie de l’ADN de la structure. Et quand Natalia en parle, on comprend bien qu’il s’agit d’un travail de dentelle.
« Evidemment, il ne faut pas être dogmatique. Mais on doit quand même s’interroger sur les valeurs que la société transmet aux citoyens. Et l’accueil collectif est un lieu de transmission de ces valeurs.» Les situations sont toujours singulières. Natalia repense à cette maman focalisée sur l’alimentation et le transit de son enfant, qui, lui, bien sûr, résiste. « Comme la maman insiste beaucoup sur cet aspect, les professionnels se sentent contraints d’être eux aussi très attentifs. C’est la sacro-sainte parole des parents et encore plus de la mère. Du coup, tout le monde est obnubilé par les fesses de l’enfant (a-t-il fait caca?). Notre rôle est de décaler le regard du parent, de le mettre dans une autre perspective. « Tiens aujourd’hui, il a pris tel jouet, il l’a manipulé de telle façon ». On met en valeur ce que l’enfant a fait en dehors du regard de sa mère. Elle va ensuite d’elle-même venir sur ce terrain. C’est là que nous avons un rôle de transmission et que nous ne devons entendre les parents sans interpréter leurs désirs comme des consignes de travail. On doit chercher les opportunités de dialogue. »
Face à des signes d’alerte, le credo de Natalia est d’éviter de « sortir l’artillerie lourde ». Un enfant trop exhibitionniste par exemple. « On peut s’interroger légitimement sur le fait que cela réponde à une éducation laxiste,
voire négligente ou se demander si c’est un enfant qui voit trop de choses
inadaptées pour son âge à la télévision. Dans ce cas on peut en parler aux parents. Quand il s’agit de négligences, sans accabler les gens, on peut expliquer les effets sur les enfants. Les choses peuvent être dites avec des mots doux. » Face à de gros retards d’acquisition chez un enfant, motrices ou langagières par exemple, les parents sont souvent dans le déni. « On peut les amener à reconnaître qu’en effet ils avaient bien vu que par rapport à d’autres enfants, il y avait une différence. il faut les accompagner pour accepter une réalité qui leur est douloureuse. On les aiguille vers les services compétents, en douceur nous devons les accompagner à regarder leur enfant d’une autre façon. Les professionnels doivent apprendre à trouver les mots, à dire par exemple d’abord ce qui va bien chez un enfant, ce qu’il réussit et ensuite voir avec eux ce qui peut être amélioré. On peut donner des petites recettes histoire de dire qu’on peut faire autrement. »

La structure a à cœur de soutenir tout particulièrement les mères seules. « Les mamans solo, je leur tire mon chapeau ! s’exclame Natalia. Quelle vie de sacrifice. Pas d’épanouissement, pas de loisirs et en plus jugées en permanence. Avec le travail de plus en plus morcelé, on n’est pas allé vers le progrès. Leurs conditions ont reculé significativement. Au début des années 2000, les emplois du week-end qui étaient auparavant destinés aux étudiants ont basculé sur les femmes. On a précarisé les étudiants. Et compliqué la vie des mères. »
Lucette Guibert, la vice-présidente de l’association, est aujourd’hui un ardent soutien de cette structure et des valeurs que portent sa directrice et l’ensemble de son équipe. Et elle le fait savoir. « Si on pensait aux enfants comme à des futurs citoyens et aux femmes comme à la moitié de l’humanité, il y aurait beaucoup plus de Baby-Loup. C’est une structure extraordinaire qui préfigure ce qu’on devrait attendre en France d’un service public de l’enfance