En lien avec la stratégie de prévention et de protection de l’enfance, Adrien Taquet a initié une démarche de consensus relative aux interventions de protection à domicile. Ces interventions constituent 48,5% des mesures de protection de l’enfance et près de 70% d’entre elles relèvent du judiciaire. La démarche de consensus pilotée par Geneviève Gueydan, avec le conseil scientifique de Nadège Severac, repose sur un comité d’experts et doit conduire à la remise en décembre d’un rapport de synthèse et d’une revue de littérature exploitant des travaux de recherche relatifs au sujet. Un débat public s’est tenu le 11 octobre dernier, afin de tester quelques analyses, préconisations, points de dissensus et de consensus qui constituent les hypothèses de travail du comité d’experts. En voici le compte-rendu.
En ouverture de cette journée de débat public, Adrien Taquet, secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance rappelle pourquoi il a souhaité dès sa prise de fonction cette démarche de consensus sur les mesures de protection hors placement. Il s’agit pour lui « d’éclairer ce pan de la protection enfance qui reste dans l’ombre du placement (la moitié des mineurs protégés le sont dans leur milieu familial), de proposer des repères communs pour tous les acteurs concernés, de redonner de l’ oxygène aux professionnels, d’améliorer les réponses apportées à partir des meilleures pratiques ».
La protection de l’enfance très impactée par les évolutions sociétales
Adrien Taquet évoque également les « évolutions de notre société », « avec des jeunes très vulnérables, des familles confrontées à des difficultés multiples, des configurations familiales encore plus éclatées, la précarité (sur-représentée dans le champ de la protection de l’enfance), de nouveaux risques émergents (numérique) ». Il s’agit dès lors « d’aider sans infantiliser, sans postures moralisatrices, d’avoir une exigence croissante de participation, avec une parole des familles davantage considérée ». L’objectif de cette démarche est également de faire se croiser terrain et recherche dans une logique de consensus.
« La protection de l’enfant dans son milieu familial a déjà une place importante, rappelle Adrien Taquet. La Loi et les textes internationaux affirment cette priorité. Il ne s’agit pas de prôner un maintien envers et contre tout mais de se donner collectivement les moyens de pouvoir mieux étayer et dépasser les situations de crise pour sortir de la zone de risque. » Il insiste sur le virage préventif et sur la boussole que doivent constituer les besoins fondamentaux de l’enfant. Le Ministre pointe les retards d’exécutions des AEMO et AED, des interventions à domicile souvent insuffisamment intensives. Face à la grande diversité des situations, il faut apporter des réponses plus fines.
Engorgement et délais de mise en oeuvre
Mathieu Klein, Vice président de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée des départements de France et Président du Conseil Départemental de Meurthe et Moselle, évoque de son côté la « forte hausse des sollicitations, des placements, des mesures, du budget ».
En Meurthe et Moselle, les sollicitations ont augmenté de 39% sur 5 ans, le budget de 15% sur quatre ans, en raison de la situation sociale, de la judiciarisation, du discours sur la prévention.
« On butte sur la difficulté de mettre en oeuvre l’ensemble des mesures prescrites, déplore-t-il. L’accueil des mineurs non accompagnés (MNA) a bousculé les services de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) partout en France. Le nombre de MNA accueillis mobilise l’intervention de professionnels et des budgets lourds. Cet accueil ne doit pas se faire au détriment des autres missions. Et il ne s’agit en aucun cas de créer des filières spécifiques dédiées pour les MNA. »
Mathieu Klein plaide pour un « équilibre entre justice et territoires ». « La justice doit accorder sa confiance aux territoires dans la définition précise de la mesure, dans la territorialisation des mesures. Il faut une souplesse pour les acteurs de terrain. Il est parfois difficile de résister à une décision de placement quand une mesure d’aide à domicile intensive aurait pu être prescrite. Où met-on le curseur ? Plus on intervient tôt plus la mesure préventive peut produire de l’effet… Il faut que les décisions en stock soient appliquées pour que la prévention soit opérationnelle. »
Mathieu Klein invite à généraliser les visites à domicile en postnatal, « outil le plus précieux pour prévenir », ainsi que pour une logique de contractualisation Etat/département. « L’Etat fixe des objectifs et doit faire confiance aux territoires. Si on a un contrat clair et des moyens suffisants, l’Etat est en droit de demander des résultats concrets.»
Si peu de données
Geneviève Gueydan, pilote de la Démarche de Consensus et membre de l’Inspection Générale des Affaires Sociales, parle de ces « interventions qui se passent dans l’univers sensible du domicile et au-delà ». « Il ne faut pas opposer le placements et la protection à domicile. Ce sont deux réponses nécessaires, deux registres de protection confrontés à des enjeux d’amélioration qualitatif et quantitatif ». Elle qualifie la démarche de consensus de « gageure ». «Les travaux sont parcellaires. On ne dispose pas de données sur l’évaluation des interventions, sur les publics. On rêverait d’avoir un suivi de cohorte des primo entrants à l’ASE suivis au long cours. On constate une forme d’invisibilité statistique. On a une matière qui montre que ce secteur est vivant, sous tension, il y a des points de consensus et de dissensus. On veut proposer de réfléchir à des repères. Chaque acteur a sa marge d’action. Avoir du commun pour l’action permet de travailler. »
Elle pointe la « question des petits » sur laquelle on manque de réponses adaptées et l’assure : « Les outils d’évaluation ne lobotomisent personne » « La palette est potentiellement riche de mesures mais parfois le choix assez restreint entre l’AEMO (Assistance éducative en milieu ouvert) et l’AED (Aide éducative au Domicile), parfois trop légères, inadaptées, et le placement. Il y a un enjeu de diversification concrète, de modulation. »
La sociologue Nadège Severac, conseillère scientifique de cette démarche (comme elle l’avait été pour la démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant), a la lourde tâche de présenter une revue de littérature sur le sujet. Lourde tâche car en matière de mesures de protection hors placement, il existe très peu de données. « En France, on fait du sur mesure et on en est fier, commence-t-elle. Quand on pose la question « Qu’est ce qui se passe ? », la réponse est « Ca dépend ». Sur les 150 documents relatifs à l’AEMO, peu sont scientifiques. On trouve beaucoup de mémoires professionnels et d’articles mais peu de thèses. »
La période analysée couvre 1982 à 2019. « C’est très monographique. Les pratiques professionnelles sont données à voir par une situation. Le questionnement sur l’AEMO tourne essentiellement autour de la notion de contrôle social. A contrario, les programmes nord américains sont évalués car ils sont fabriqués pour l’être. »
Un modèle d’intervention peu adapté au public concerné
Les interventions sont basées sur le modèle « du changement par la prise de conscience ». « On écrit la prise de conscience par la famille des problèmes. Mais ce modèle n’est pas validé scientifiquement et il est très marqué socialement. Les publics majoritairement concernés adhèrent peu à ce type de modèle. Ce sont des parents avec des troubles psychiques, des déficiences intellectuelles, il y a des violences conjugales, des consommations de toxiques. Ces parent sont organisés pour ne pas avoir conscience des choses, c’est trop souffrant. Ces publics sont peu en mesure d’accéder à ces modèles d’intervention. Cela demande donc beaucoup de temps.»
Quel levier faut-il alors actionner quand ça ne marche pas ? Le conseil ? L’injonction ? Et qu’en est-il de la question des besoins fondamentaux de l’enfant suspendus à la temporalité longue de ses parents ? Nadège Séverac pointe le « risque de la perte d’une chance ».
La sociologue compare les modèles d’intervention « classiques » dans lesquels on est davantage dans la parole avec l’intervention impliquant un « objet concret partagé » et du côté du « faire avec ». Dans le premier modèle, tout n’est pas forcément explicité, la distance est prônée (attention aux moments de partage), le professionnel ne s’expose pas lui-même. Dans le deuxième modèle, l’affiliation du professionnel est explicite (les moments informels sont précieux), on décharge le parent, on le porte, le professionnel se montre comme un humain. La logique est plus horizontale, avec une accessibilité permanente.
« On n’oppose pas les mesures, avertit Nadège Séverac. Parfois dans les mesures classiques il y a des parents contents mais ça dépend plus du charisme du professionnel qui « se la donne » vraiment beaucoup. Les mesures classiques sont les plus difficilement accessibles aux parents et interrogent sur la garantie de réponse aux besoins fondamentaux de l’enfant. » Les mesures renforcées posent la question de l’autonomisation des familles. Comment penser des « communautés de vie soutenantes permanentes » ? Il existe un risque que les professionnels s’identifient comme une alternative au placement et ne voient plus l’enfant. L’absence d’alternatives en terme de place et de qualité induit un biais de pensée.
Table-ronde n°1 : prendre en compte les besoins de l’enfant
La première table-ronde s’intitule : « les publics de la protection à domicile : qu’est-ce qu’implique une meilleure prise en compte des besoins de l’enfant ? » Elle est animée par Anne Devreese, Directrice Générale adjointe, déléguée Enfance Famille Jeunesse du département du Nord. Elle note en introduction que les jeunes enfants bénéficient peu de décision de protection de l’enfance et sont sous-représentés.
Rosa Mascaro, pedopsychiatre directrice de l’Espace Serge Lebovici à Lille, axe son propos sur les enfants de moins de 2 ans. « Il s’agit d’une période de grande vulnérabilité. Les enfants sont très dépendants des adultes, ils ont besoin de prévisibilité, de continuité, pour pouvoir se différencier. A la naissance, l’univers polysensoriel de l’enfant est indifférencié. Cet inachèvement corporel et psychique le rend très vulnérable à l’absence de réponse de l’environnement. Des mécanismes de protection se mettent en place, il envoie des signaux. Si on ne les repère pas, ces mécanismes de détresse s’installent, se fixent, et vont faire partie de sa personnalité. Par exemple, l’évitement du regard : l’enfant peut généraliser cet évitement avec tous les soignants, se priver d’interactions riches, et ne pas développer certaines compétences. »
L’intervention à domicile incompatible avec certaines situations
Elle insiste : il faut bien inclure les négligences dans les maltraitances. Concernant les interventions à domicile, elles ne seront pas adaptées si elles sont légères et s’il y a déjà des signes de souffrance des troubles de la parentalité majeurs. « L’enfant ne peut pas attendre, insiste Rose Mascaro. De quelles situations parle-t-on ? Toutes les situations avec des violences conjugales quand les parents ne différencient pas les besoins de l’enfant, quand le parent a une pathologie, quand le travail est très long, quand il n’y a pas de coopération. »
Le domicile est possible à chaque fois que les parents arrivent à comprendre et reconnaître leurs difficultés, ont envie d’être aidés, quand on a fait une évaluation précise des besoins de l’enfant. « L’accompagnement familial ne veut pas dire uniquement un accompagnement des parents. On doit répondre aux besoins des parents et des enfants. Un enfant qui va mieux favorise le maternage ».
L’intérêt des grilles d’évaluation
Malika Touati, responsable d’un relais éducatif parents-enfants de Meurthe et Moselle, prend à son tour la parole. « On a des dispositifs d’accueil saturés et notre service permet de sécuriser les retours en famille. Une équipe pluridisciplinaire (professionnels de la petite enfance, psychologues, TISF, assistante sociale) propose un accompagnement global. Les problématiques s’enchevêtrent. Il faut soulager à différents endroits en étant présent à différents endroits. On se centre sur les besoins fondamentaux de l’enfant et sur la capacité parentale, sur l’environnement de façon globale. Il faut soulager le parent. Ils ont eu des liens d’attachement insecures et ne sont pas en capacité de répondre aux besoins de l’enfant. On est sur le fil tout le temps. Jusqu’où le parent est en capacité d’aller ? Et là où il peut aller est-ce suffisant ? »
Anne Devreese intervient : « Parfois les équipes sont inquiètes quand on leur parle de grilles d’analyse et de référentiels ».
Malika Touati lui répond : « Une délégation s’est rendue au Canada. Avant, chaque professionnel fonctionnait avec ses outils. Ce qui pose un problème d’équité. On a décidé de s’inspirer du modèle canadien. On a un cadre de référence commun qui couvre tous les domaines de la vie de la famille. C’est assez lourd, parfois on s’en affranchit un peu. On nous reproche de cocher des cases. Oui, mais il y a des synthèses et cette grille permet de collecter les informations de chaque professionnel. On a ensuite un temps d’analyse et d’évaluation. L’outil est un support pour l’analyse. On partage le travail avec la famille. On réfléchit avec les parents à trouver une solutions ensemble ».
Intervenir auprès des adolescents dans les quartiers très défavorisés de Marseille
Denise Rouquette est chef de service AEMO pour la Sauvegarde à Marseille. « Nous intervenons dans des quartiers très précarisés. La référence même au danger est modifiée. L’unité se trouve au cœur du centre ville marseillais, là où se sont effondrées des habitations insalubres. Les familles sont très démunies. La détresse socio économique est importante. Certains logements sont infestés de punaises, cafards, rats. Les cas de galle sont nombreux. Souvent les familles s’opposent à ce qu’on signale les conditions de vie de peur de perdre leur logement. Nous avons une équipe interdisciplinaire (infirmière, TISF, psy, EJE…). L’accès à l’unité doit être facilité pour que les familles ne se découragent pas. C’est un lieu ressource, notamment pour les adolescents. On propose des ateliers, pour enfants (0-3 ans et 3-6 ans) et parents. Ainsi qu’un atelier cuisine pour les plus grands, du sport. Il faut aller sur la rencontre individuelle avant de les emmener sur les ateliers collectifs. »
Evaluer les capacités parentales sans perdre l’enfant de vue
Anne Devreese interroge les intervenants: « Différencier les interventions auprès de l’enfant et du parent est un sujet sensible car il y a le risque de perdre de vue l’enfant. Comment évaluer les capacités parentales ? »
Pour Malika Touati « se centrer sur l’enfant permet de créer une alliance avec les parents ». « Nous partageons avec les parents notre grille d’évaluation des capacités parentales. On intervient intensivement pendant 3 mois, on partage les temps du quotidien (réveil du matin, douche, sieste, jeu, repas…). On demande aux parents quelles sont leurs attente. On identifie les difficultés et les ressources. On définit les objectifs de travail et les actions à mettre en œuvre. Ca peut être une inscription en crèche, l’oncle ou la tante. Tout le monde peut intervenir. On construit avec le parent, y compris quand on aborde les limites ».
Pour Rosa Mascaro, « l’évaluation est le pivot de toute indiction et de toute mise en oeuvre d’un projet thérapeutique ». « Nous utilisons des échelles d’évaluation de la négligence pour évaluer les compétences et difficultés des parents et l’impact pour les enfants. Nous évaluons la capacité du parent à différencier ses besoins de ceux de son enfant, la sensibilité parentale (il y a des parents capables de repérer une demande de l’enfant sur le plan corporel et pas sur le plan affectif). C’est très aidant pour la mise en place du projet, on laisse le parent autonome là où il sait faire. L’évaluation sert à montrer qu’on ne peut pas travailler dans toutes les situations. Parfois il faut de la suppléance. Lorsque le parent a de grosses difficultés émotionnelles, c’est difficile à faire évoluer. Il faut une suppléance. »
Anne Devreese note qu’un enfant ne peut pas forcément attendre que l’intervention avec le parent produise de l’effet. « Si le développement de l’enfant n’est pas bon, qu’il a retard, on ne peut pas attendre que parent progresse, il faut proposer un soin spécifique à enfant, pas forcément du placement, répond Rosa Mascaro. On peut faire du sur mesure si on a fait une bonne évaluation. L’enfant est pressé, on ne peut pas attendre. Il y a des périodes critiques pour le développement.
Pour certains développements (moteur par exemple), il y a des périodes au delà desquelles il ne rattrapera pas. La négligence chronique a des conséquences néfastes pour le développement cognitif et produit du handicap ».
Temps d’échange : grilles, outils et tests, agir en postnatal
Dans la salle, Baptiste Cohen, des Apprentis d’Auteuil, propose de « changer le nom de notre politique publique ». « C’est une protection de l’enfance et de la famille. Osons dire que les familles ont des besoins fondamentaux. »
Anne Devreese répond : « on pourrait aller très loin sur le sujet. Ce qui nous intéresse c’est de partir des besoins de l’enfant. Ce qui nous rassemble ici c’est soutenir le développement de l’enfant. »
Pour Malika Touati, « en partant des besoins des enfants, le parent est directement concerné ». « On se met d’accord sur ce qu’on va faire ensemble. Je compte sur eux pour faire le travail et nous on accompagne puis on élargit, on va chercher ressources. »
Quelqu’un note que la période périnatale est une période où les parents sont très mobilisables. « C’est le levier ». Denise Rouquette appelle à « garantir les stricts besoins de base de la famille ». « Quand on en arrive à la mesure judiciaire c’est que dans un premier temps il y a eu un manque de mobilisation. On part de ça, on explique pourquoi on en arrive là. Il faut travailler l’adhésion, montrer au parent quel est l’intérêt. »
Une psychologue clinicienne, qui travaille en Seine-Saint-Denis intervient depuis la salle : « Le dépistage des troubles chez les tout petits fait partie de mes missions prioritaires. Les éducateurs se sentent insuffisamment formés pour les tout petits. Ils ont des difficultés pour exercer ce travail de dépistage. Nous avons des tests et des outils mais il faut les interpréter, ça prend beaucoup de temps.Il y a aussi la question de l’intensité du soutien. Agir sur la quantité permet d’agir sur la qualité. Les AEMO ne sont pas assez intensives pour les petits. »
La Directrice adjointe enfance et famille du Vaucluse prend la parole : « Ce qui manque aujourd’hui ce sont des outils d’accompagnement, des outils fins sur le développement de l’enfant, sur les capacités parentales, sur les clignotants. Les équipes sont parfois très en difficulté, très en rejet. Les grilles sont souvent mal perçues. Pourtant ça aide. Se pose aussi le problème de la temporalité de l’enfant avec les magistrats. On doit partager notre approche avec les magistrats. On est en difficulté pour étayer juridiquement nos demandes de placement.»
Un médecin de la Direction Générale de la Santé se réjouit de l’introduction d’outils partagés. « J’avais eu du mal à le faire dans les années 90. Je travaille dans le bureau où est pensé le principe des 1000 jours. Votre grille tient-elle compte de ce temps de grossesse quand c’est possible ?»
La présidente du syndicat des médecins de PMI rappelle l’intérêt des consultations en PMI.
Malika Touati explique travailler avec des puéricultrices et des sages-femmes. « On tient compte de la grossesse. On peut être mandaté tout de suite après la naissance de l’enfant. »
Avant de céder la place à la deuxième table-ronde, Anne Devreese reprend la parole : « On est tous susceptibles de perdre de vue ces enfants. Juste une alerte : des travaux montrent que c’est parfois avec les parents très collaborants que, satisfaits de voir l’action se dérouler, nous perdons de vue les enfants. »
Table-ronde n°2 : mieux adapter les mesures aux besoins
La deuxième table ronde, animée par Renaud Hard, chef de projet « protection de l’enfance » à la Haute Autorité de Santé, porte sur le paysage des mesures avec cette question : comment mieux l’adapter aux besoins ?
En introduction, il évoque le Projet pour l’enfant avec le constat de disparités territoriales. Il parle de la diversification en cours des mesures : intensification de certaines interventions, apparition de nouvelles modalités d’intervention plus intensives ou modulables, développement du placement à domicile ( 5% des places dans 60% des départements). On manque d’évaluation sur l’AEMO et l’AED et on constate la persistance d’une polarisation entre AEMO/AED et placement.
Parmi les préconisations qui pourraient être faites, il en avance trois : avoir des référentiels, tendre vers une organisation moins segmentée avec des mesures modulables, déterminer un cadre juridique avec des conditions du recours.
Moduler les AEMO
Salvatore Stella, président du CNAEMO, directeur du département milieu ouvert de l’ACSEA et vice président de la CNAPE, est le premier orateur de cette session. « Un chiffre interpelle : 50% des mesures sont de milieu ouvert mais en terme financier elles représentent 6%. Ces mesures sont la porte d’entrée dans le dispositif. Certains endroits on n’a pas de pedopsychiatres. Il y a des outils intéressants (comme la double référence). En AEMO et AED classiques il peut y avoir de la créativité mais avec 40 situations, ce n’est pas facile. Une situation problématique à 17h ça ne donne pas la même chose si on est dans mesure intensive ou en mesure classique. L’évaluation est centrale, mais pas que pendant la mesure, avant que la mesure n’arrive. Je ne suis pas sûr que certaines mesures en milieu ouvert relèvent vraiment du milieu ouvert. Sur un même département on peut avoir des réponses possibles sur un territoire et pas sur un autre. Il faut raisonner en bassin de population».
Salvatore Stella cite un exemple de bonnes pratiques : le Calvados où « on s’est mis d’accord sur articulation et modulation des mesures et sur la réactivité à avoir ». « En mesure classique, poursuit-il, la modulation se fait au détriment d’autres situations. La modulation c’est se demander s’il faut intensifier ou pas. Il y a parfois des situations trop complexes pour une AEMO classique, et pas assez pour un placement.»
L’ambiguïté juridique du placement à domicile
Julie Chapeau, doctorante en sciences de l’éducation à Nanterre, évoque le placement à domicile, qu’elle étudie dans le cadre de sa thèse, en se demandant ce que produit le cadre juridique. Elle mène une recherche « à base ethnographique » en ayant suivi deux services, un service petite enfance et un pour les 7-18 pendant 7 mois. Elle propose d’abord un rappel historique. Le placement à domicile s’est développé dans le Gard il y a 30 ans parce qu’il manquait quelque chose entre le milieu ouvert et l’hébergement ainsi que pour accompagner le retour à domicile.
Aujourd’hui, le PAD existe « en maintien et en retour ». Il a été plébiscité par les départements, mais pas choisi en 2007 en raison de son « caractère oxymorique ». Il se met souvent en place par défaut pour répondre à des difficultés organisationnelles et structurelles.
Julie Chapeau soulève une ambiguïté juridique : « ce n’est pas une prestation, il n’a pas de cadre juridique clair. La responsabilité est partagée entre le détenteur de l’autorité parentale et le département sans que ce soit précisé. Ce qui pose question. » Elle relève également que l’ASE est dans la sphère de la contrainte, et qu’ici le service habilité se décentre de la sphère de la contrainte en allant dans la sphère de l’affiliation.
Elle s’interroge ensuite sur les conditions de ce PAD. « La triangulation permet la contenance avec le département et l’affiliation permise par la place du service habilité. C’est une approche pédagogique singulière et une sécurité. »
Gardes-fous, contre-indication et périmètre du placement à domicile
Quels gardes-fous sont nécessaires pour que l’écosystème produise ce qu’on attend de lui ? Julie Chapeau les énumère :
– La notion d’intensivité (travailler au plus près des familles), et la dégressivité pour autonomiser
-Le pluridisciplinaire, avec un croisement des regards et des expertises
– La formation des professionnels avec des outils
– L’analyse des pratiques
– L’astreinte et la solution de repli (un filet de sécurité qui apporte une contenance)
– Un maillage des ressources, avec une prise en compte de l’environnement familial
– Une incarnation de l’autorité administrative
Quelles sont les indications ? « On dit qui ne peut pas y entrer. La véritable indication c’est le besoins de contenance. Mais aujourd’hui le cadre juridique fait que ce n’est pas une prestation à part entière. »
Quel est le périmètre du mandat ? « Le placement à domicile peut être considéré comme une baguette magique pour répondre à l’ensemble des problématiques vécues par la famille. C’est compliqué. Le placement à domicile crée de la contenance mais il faut répondre aux problématiques parentales. Comment fait-on ? »
En Ille-et-Vilaine, prototype de « mesure unique »
Pierre Gest, du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine vient présenter la « Mesure unique ». Dans ce département, 30% des mesures de milieu ouvert sont renforcées et on compte 130 placements à domicile. Les AEMO sont exercées à 90% par un service extérieur. L’augmentation des placements et accompagnements à domicile fait que le mécanisme n’est plus toujours adapté aux rythmes et aux besoins. « Le système est saturé, des mesures sont mises en place par défaut faute de place, les délais d’attente sont de plusieurs mois, il y a des ruptures dans les parcours, des changements d’intervenants. La structure actuelle de l’intervention à domicile impose de rentrer dans des cases et s’adapte peu aux besoins. »
En 2017, les élus du département demandent que soit imaginée une mesure innovante, qui devra s’appuyer sur le projet pour l’enfant, se substituer aux mesures existantes, être modulable en intensité et dans son contenu. C’est ainsi qu’a débuté le travail sur la mesure unique, avec une démarche collaborative. « On a commencé avec une campagne d’entretiens auprès des familles et des équipes ». Les enjeux ont été repérés : elle doit prendre en compte l’usager et ses besoins, s’appuyer sur les ressources familiales, diversifier ses modes d’intervention, favoriser la continuité de l’accompagnement. Autre objectif : travailler à la fluidification des articulations entre administratif et judiciaire.
Le prototype de cette mesure unique contient pour le moment trois éléments :
– le périmètre (« on a toujours deux filières administratives et judiciaires car ça on ne peut pas y toucher »), avec l’idée de fusionner les mesures simples et renforcées. Des modalités complémentaires peuvent venir moduler le contenu : avoir des TISF sans passer par une nouvelle mesure, activer un hébergement séquentiel sans passer par le placement, une évaluation éducative contractuelle
– Une intervention modulée par les services en cohérence avec le projet pour l’enfant
– Une procédure qui doit inclure un dispositif de gestion de crise
« Les juges réagissent et sont réceptifs aux propositions, explique Pierre Gest. On doit apporter des gages sur la modulation de la mesure. Nous avons besoin d’outils pour évaluer les situations. Pour l’hébergement on va devoir inventer des partenariats. »
Temps d’échange : mesure unique ou mesure modulable ?
Pour une magistrate présente dans la salle « il y a des liens à faire entre les interventions en PJJ et celles de l’ASE ». Geneviève Gueydan précise que dans le cadre de la démarche de consensus un entretien avec la directrice de la PJJ a bien eu lieu, même si « on ne va pas approfondir ce champ là.»
Dans la salle la responsable du service famille/enfance de la Meuse pose une question : « Quelle est l’articulation dans le cadre judiciaire du placement à domicile ? Nous on définit un critère pour le PAD: la reconnaissance des éléments de danger par les parents, une forme de collaboration avancée. Or, en justice un des motifs c’est l’absence de collaboration. Donc comment fait-on un PAD judiciaire ? »
Réponse depuis la tribune : « Un des axes c’est la recherche de solutions au sein du cercle familial mais aussi à l’extérieur, dans l’environnement. Il faut travailler cette affiliation, le lien de confiance, se décentrer de la posture de sachant parfois ».
Pour Salvatore Stella, il faut « travailler avec les personnes ressources ».
Un juge pour enfants de Bordeaux se dit « séduit » par la mesure unique. « Mais quel est son coût ? Il y a une insuffisance notoire de la mesure d’AEMO classique. Avoir différents niveaux d’intensité sur une même mesure c’est très intéressant.»
Martine Niss plaide pour le recours aux TISF (Techniciens de l’Intervention Sociale et Familiale). « Je ne les vois pas en tant que formatrice et superviseuse. Elles mériteraient de bénéficier du soutien qu’on apporte aux équipes. Plus on est proche du système familial et plus on peut être perturbé par ce qu’on observe et il faut pouvoir le partager. »
Une salariée de la Sauvegarde du 56 prend la parole. « On fait de la mesure unique mais avec 26 enfants par éducateur, la modulation, c’est impossible à gérer. On a 30 mesures en attente depuis des mois. On a perdu de ne plus avoir d’AEMO renforcée ».
Geneviève Gueydan s’interroge : « Faut-il une mesure unique ou une mesure modulable ? Le contexte de départ est important ». Pour Salvatore Stella, « il faut redéfinir ce qu’est une mesure unique, modulable, renforcée ». Bérengère Tailleux, présidente du CNDPF rappelle l’existence des aides à la gestion budgétaire. « La protection de l’enfance traverse les politiques du logement, de l’emploi, de l’éducation. Les conditions matérielles et financières ont des impacts sur le développement de l’enfant. Il y a la question de l’évaluation sociale.»
Table-ronde n°3 : l’intervention au domicile, entre aide et contrôle
La troisième table-ronde porte sur les pratiques professionnelles, plus spécifiquement sur « la complexité d’une intervention au domicile entre aide et contrôle » et est animée par Mohamed L’Houssni, Directeur Général de l’association RETIS et membre du comité d’experts.
Catherine Sellenet, professeur des universités en sciences de l’éducation, évoque la coopération entre parents et professionnels, selon trois modèles. 1) Dans les années 30, il est question d’une « coopération/rééducation » : il existe un modèle dominant de ce que doit être un parent suffisamment bon (compétent). Il faut faire en sorte que le parent se rapproche de plus en plus de ce modèle. Les professionnels savent et la coopération attendue est une « coopération/soumission ». 2) Le dévoilement de soi : le passé accouche du futur. Les accidents de la vie expliquent les difficultés actuelles. On demande aux parents de se raconter. S’ils refusent, on parle de déni. C’est l’ouverture de la mémoire et des portes du domicile. On intervient au cœur du domicile. C’est la coopération de la porte ouverte, de la transparence, de l’exposition du domicile. Qui peut susciter en écho la porte fermée, l’oubli des rendez-vous, les déménagements. 3) La « Coopération/empowerment ». On demande au parent de participer activement en prenant appui sur ses compétences et ressources. C’est la « coopération/mobilisation », la mise en mouvement. En retour on peut se heurter à l’immobilisme, au sentiment d’impuissance.
« On veut faire participer, poursuit Catherine Sellenet. Mais les parents, à quelle participation rêvent-ils ? On leur désigne une place assignée. Or la participation pourrait être le partage. Cela suppose le débat, la confrontation, parfois âpre. Il n’est pas sûr que les parents pensent qu’il y a problème. Pas sûr que les moyens de le résoudre soient pensés de la même façon. La coopération n’est pas pensée ni dans ses tensions, ses divergences, ni dans sa forme. La coopération c’est s’entendre sur un minimum commun. L’ONPE montre que la participation des parents se résume à de l’information sur élaboration du PPE. Parfois on les consulte, on leur demande leur avis sans que cet avis soit forcément suivi. Que met-on dans cette formulation de « travail avec » ? »
Le rôle des TISF
Sandrine Benoit, responsable d’une équipe TISF (Technicien de l’Intervention Sociale et Familiale) à Sceaux, prend la suite pour expliciter ces interventions. « Nous sommes sollicités par des services extérieurs. On commence avant le domicile, on rencontre la famille. On ne peut pas faire sans dire et dire sans faire. Il faut définir pourquoi on vient, ce qu’on va travailler ensemble. La famille est-elle d’accord ? Quand peut-on venir ? On pose des objectifs opérationnels. Une professionnelle pas connue qui arrive dans le domicile, cela peut faire peur. Le premier travail, c’est voir avec elle comment travailler l’adhésion. Les TISF sont dans l’ajustement contant, permanent. On est au sein du domicile. « Nous sommes chez vous ». La distance professionnelle porte le cadre. L’idée c’est : « On va expérimenter ensemble. Passer le balai ensemble, aller au CMP ensemble. Qu’est ce qui fait que c’est possible ou pas ? »
Les parents ont la parole
Céline Truong volontaire permanente d’ATD Quart Monde est accompagnée de deux mères de famille, militantes chez ATD. Les trois femmes viennent livrer la synthèse d’un travail effectué en groupe et parlent « au pluriel ». Elles exposent l’exemple d’une femme dont les enfants ont été placés. « Les professionnels voulaient qu’elle change l’heure de coucher des enfants. Parfois ils mangeaient le repas à minuit. La maman a vu que les professionnels essayaient de la faire changer. Elle répondait : « Moi j’ai été élevée comme ça. Je ne supporte pas qu’on me donne des ordres. Ca me dit que je ne suis pas capable. » Elle sait bien qu’une partie du problème c’est elle a du mal avec les horaires. Mais dans la maison il y a les ados qui font du bruit. Les éducateurs regardent les problèmes des petits de près sans s’occuper du problème des ados ». Autre exemple présenté : Une femme a entendu une assistante sociale lui dire « vous quittez monsieur ou on place les petits ». « Les professionnels savent qu’elle aime ses enfants. Mais elle ne peut pas abandonner son homme, qui est très malade physiquement et psychologiquement. Les assistantes sociales parlent du logement et du mari alors qu’elle est paralysée par des choix impossibles. »
Les freins culturels à une vraie coopération parents-professionnels
Mohamed L’Houssni interroge les intervenants sur les freins à une « coopération efficace ». « J’enlèverais « efficace » répond Catherine Sellent. Il y a des freins culturels. J’ai rencontré une dame qui disait « je ne veux pas d’une intervention « mac do », je veux une aide éducative, pas que le professionnel emmène mon fil au mac do ». Il y a une culture du dire portée par les professionnels alors que parents attendent une culture du faire. Les entretiens sont du verbiage, du dire sans de l’agir. Ils attendent une action concrète. On a été formés à faire des entretiens. Nous avons des formations autour du langage. Les parents veulent de l’action.» Elle poursuit sur les « freins matériels et organisationnels ».
« Face à des problématiques très lourdes, les moyens ne sont pas à la hauteur. Il y a un décalage entre l’ensemble des problèmes (précarité, logement, vulnérabilités cumulées) et une persillade d’actions. On espère qu’avec des entretiens de quelques heures on va pouvoir modifier les comportements des parents sans toucher le contexte. C’est méconnaître la force des habitudes et du contexte. De plus en plus de professionnels parlent de leur souffrance, de leur impuissance devant l’ampleur des problèmes. Le changement ne se décrète pas. » Catherine Sellenet conclut sur les freins liés à la formation initiale. « Les professionnels apprennent à se protéger. Ils assimilent des théories autour de la bonne distance, de la sécurisation de soi. Or on n’aide que dans la proximité. On n’aide pas dans la distance.»
Une peur omniprésente et une confiance qui ne se décrète pas
Céline Truong reprend la parole : « Les professionnels se posent de mauvaises questions. « La peur c’est le résultat de notre vie » disent les familles. Comment arriver à travailler ensemble alors qu’on a peur ? Les professionnels attendent qu’on leur fasse confiance. Mais font-ils confiance aux parents ? La confiance se construit petit à petit, elle se démolit d’un seul coup, elle n’est jamais totale. Un professionnel nous a dit « je me demande si cette confiance que je demande ce n’est pas juste parfois de l’obéissance ». Il y a l’idée que parler avec la famille va l’aider à prendre de bonnes décisions. Mais qui décide que c’est une bonne décision ? Si la discussion c’est nous amener à signer, ce n’est pas une discussion. Parler à la famille, ce n’est pas magique. Pour nous, la bonne distance c’est quand vous n’en avez pas rien à faire de nous. Nous on sait que c’est pour le bien de nos enfants que vous faites des choses qui ne nous plaisent pas toujours ».
Sandrine Benoît appelle à ne pas nier la crainte et la peur. « On peut essayer de vivre les choses ensemble, les partager. Les leviers c’est travailler sur les compétences et ce qui fonctionne ».
Pour Catherine Sellenet, « la coopération c’est le minimum commun, autour du bien être de l’enfant ». « La préoccupation de l’enfant reste là pour la plupart des parents même dans des conditions de vie difficiles. Mais il ne faut pas plaquer notre lecture des besoins des enfants sans prendre en compte la vision écosystémique. La définition des besoins doit être dialectique. Il faut accepter des différences dans la façon d’élever les enfants. »
Transmettre les savoirs aux parents
Elle conclut : « il y a un manque de transmission des savoirs des pros vers les parents. Les parents ne savent pas tout de l’incidence de certaines pratiques sur l’enfant. Il y a toute une transmission à faire de nos savoirs. Cela peut donner lieu à un dialogue parfois très tendu mais qui aurait le mérite de la transparence. Sinon on rappelle la norme sans l’expliciter. » Elle évoque une « recherche action à St Etienne dans un accueil de jour ». « Les parents vivent les professionnels comme une oreille attentive, une épaule sur laquelle se reposer, comme des personnes qui vont suppléer. Les professionnels ont fait un gros travail sur le périscolaire. Ce qui a soulagé les parents. Dans les milieux aisés il y a acadomia. Les parents pauvres ils ont quoi ? Il faut intervenir dans les dimensions trop lourdes pour les parents ».
Catherine Sellenet évoque aussi la formation. « Je suis très surprise d’avoir en face de moi des jeunes éducatrices qui n’ont rien eu sur l’attachement. Elles ont le don contre don, le complexe d’oedipe. » Elle appelle aussi à ne pas « biaiser d’emblée les innovations ». « Le placement judiciaire à domicile est un échec dès lors qu’on y met des situations qui n’en relèvent pas. Quand toute une équipe ne s’en sort pas comment des parents le pourraient-ils ? On gère la misère en biaisant des innovations pertinentes ».
Une quatrième table-ronde portait sur la gouvernance mais nous ne pouvions pas rester pour la suivre. Geneviève Gueydan et Nadège Séverac devraient remettre leur rapport et la revue de littérature sur ces mesures de protections hors placement courant décembre.