Voici, pour la période couvrant le mois de septembre notre sélection de contenus picorés sur le web concernant le développement de l’enfant, l’école, la parentalité, le plus souvent en anglais. Vous trouverez, pour chaque focus, un titre de notre composition, le lien vers la ou les source(s) puis un résumé traduit du ou des article(s) mis en ligne sur le sujet.
La mauvaise santé mentale des enfants des pays méditerranéens
News medical
Les 22 pays compris dans la région de l’est méditerranéen (dont le Pakistan, l’Egypte, la Jordanie, l’Iran) sont constamment soumis à des situations d’urgence, de désastres naturels ou de conflits. La santé mentale des enfants de cette région a été identifiée comme une priorité par l’OMS. L’Université de Liverpool et l’université de Baltimore ont reçu un financement de l’institut américain de santé mentale pour mettre au point des programmes de soutien à ces enfants. L’idée est de sensibiliser et former les professionnels du soin et de l’éducation (enseignants, personnel administratif, infirmières, travailleurs sociaux, conseillers pédagogiques…) au contact des enfants au quotidien, et non de s’adresser à des spécialistes en santé mentale. Le réseau mis en place a pour objectif de permettre une utilisation optimale des quelques ressources déjà disponibles.
L’abus de sextos nuit aux adolescents
Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE), équivalent anglais de notre Haute Autorité de Santé, recommande de porter une attention particulière aux enfants et jeunes adolescents qui envoient des « sextos », ces textos avec des textes très crus ou des images explicites. Le NICE s’inquiète d’abord du phénomène de harcèlement dont font l’objet les jeunes filles, sur la base de photos d’elles dans des situations parfois équivoques, accompagnées de moqueries. En 2014, les dépressions liées à ce genre de pratiques ont augmenté de 25% en Angleterre. Le NICE pointe également que les collégiens se livrant à ce sexting de façon compulsive pourraient présenter plus tard des comportements sexuels inadéquats allant jusqu’à l’agression. Ces pratiques peuvent aussi constituer des symptômes d’abus sexuels. Les experts estiment en tous cas que le sujet n’est pas à prendre à la légère et nécessite au contraire d’intervenir de façon précoce.
Pression parentale, climat économique, réseaux sociaux omniprésents : le fragile psychisme des adolescentes anglaises
Education News
D’après le Ministère anglais de l’Education nationale, la santé mentale des adolescentes a beaucoup décliné sur les dix dernières années. En cause notamment : la pression véhiculée par la connexion permanente permise par les smartphones. Plus d’un tiers des jeunes filles font état de symptômes dépressifs ou d’anxiété et le phénomène est particulièrement marqué chez les adolescentes de familles monoparentales et de milieux favorisés. Le climat économique tendu ainsi que des facteurs culturels pourraient jouer un rôle. Les pressions parentales se révèlent plus fortes en période de chômage élevé, notamment dans les familles avec de hauts niveaux de qualification. L’omniprésence des smartphones pourrait aussi accroître les phénomènes de harcèlement et nuire au sommeil.
Déterminants sociaux de santé et parentalité, un sujet majeur
Cet éditorial du JAMA est consacré à une étude portant sur les déterminants sociaux de santé et leur prise en compte par l’ensemble des professionnels au contact des familles. L’étude en question rappelle que les difficultés sociales qui affectent de façon disproportionnée les populations défavorisées ou les minorités ethniques ont un impact sur la santé des enfants. C’est pourquoi émergent de plus en plus des programmes proposant d’accompagner sur un versant social les familles qui fréquentent les services pédiatriques. Les chercheurs montrent que l’intervention d’un tiers qui fournit aux familles des informations et une aide au sujet des transports, des factures, de l’hébergement permet de diminuer les besoins sociaux exprimés par ces familles et d’améliorer notablement la santé globale de l’enfant.
L’auteur de l’édito qui met en perspective cette recherche rappelle l’émergence récente de cette problématique et le tournant majeur qu’elle constitue. Les pédiatres sont de plus en plus placés au cœur de la prévention précoce des risques psycho-sociaux (voir notre article). Le JAMA appelle à construire un corpus de preuves permettant d’identifier les besoins sociaux et de les prendre en charge. Il pointe qu’il existe déjà des programmes complexes et ciblés, très protocolisés, assez onéreux, mis en place pour pallier les difficultés de certaines familles et améliorer leurs indicateurs de santé. Mais il plaide pour une approche moins intensive, plus intégrée aux services de soins de routine, pour un accès plus universel. Certes, concède-t-il, les pédiatres surchargés ne peuvent pas se transformer en assistante sociale à mi temps. D’autres dispositifs peuvent être envisagés, comme le fait de faire appel à des étudiants en université et de les former pour aider les familles à identifier leurs besoins et à trouver les ressources pour y répondre. C’est en tous cas un des sujets de recherche majeurs aujourd’hui en matière de santé publique dans les pays anglo-saxons. Le sujet émerge aussi en France comme en témoigne ce récent colloque de la Société Française de Santé Publique.
Laisser les enfants mordre la poussière
Dans un nouveau livre intitulé « Laissez les manger la saleté : sauver votre enfant d’un monde hygiéniste », B.Brett Finlay et Marie-Claire Arrieta expliquent que laisser les enfants évoluer dans des environnements sales leur permet d’être exposés à des germes sains qui vont en fait leur être bénéfiques sur le long terme. Une partie des maladies chroniques actuelles telles que les allergies seraient le produit de l’obsession des sociétés occidentales pour les questions d’asepsie.
USA : le suicide, 10ème cause de mortalité chez les 5-14 ans
Pour la première fois aux Etat-Unis, le suicide est entré dans la liste des 10 premières causes de mortalité chez les les 5-14 ans. Selon une étude menée par une chercheuse du Centre For Suicide Prevention Chez 33% de ces jeunes enfants, on trouve des antécédents de suivi psychologique. La prévalence d’enfants porteurs de troubles de l’attention ou d’hyperactivité est également un peu plus élevée que dans leur groupe d’âge. L’étude note que 29% de ces enfants avaient fait part de leur intention de mettre fin à leur jour. Les auteurs estiment important de sensibiliser les pédiatres, familles et éducateurs aux signes avant-coureurs.
Les enfants des adultes porteurs de troubles psychiques sont plus violents
Cette étude menée auprès de la population danoise établit une forte corrélation entre les désordres psychiques des parents et les tendances suicidaires ou comportements violents des enfants. L’impact sur les enfants semblait plus élevé si le diagnostic porté pour les parents était un comportement antisocial, un usage abusif du cannabis ou des tentatives de suicide. Les risques pour les enfants semblaient moins élevés en cas de troubles de l’humeur, et notamment de bipolarité. Les filles de parents atteints de troubles psychiques sont plus sujettes à des comportements violents et les tendances suicidaires se retrouvent à égalité chez les deux sexes. Les enfants dont les parents ont un historique psychiatrique sont plus exposés aux abus, à la violence familiale, aux difficultés financières et à la négligence. Les effets de ces différentes réalités environnementales sont cumulatifs. Les auteurs de l’étude concluent que les professionnels qui suivent des adultes atteints de troubles psychiques devraient également évaluer la santé mentale de leurs enfants.
La délinquance n’est pas à l’origine de l’errance des mineurs à la rue
Intéressant débat autour de la littérature médicale sur les jeunes en errance. Les auteurs d’une méta analyse mettent en exergue que ces jeunes ne sont pas dans la rue en raison de comportements délinquants mais en raison des difficultés d’ordre psychosocial rencontrées dans l’enfance (conflits familiaux, pauvreté, abus). D’autres chercheurs appellent à ne pas négliger la part de la maladie mentale dans l’errance de ces jeunes. Sauf qu’il est encore malaisé de définir l’origine de ces troubles mentaux. Ils peuvent être la résultante de conditions de vie familiales éprouvantes voire violentes ou être la résultante de la vie dans la rue, elle même violente.
Education « thérapeutique » versus éducation « académique », l’autre nom de la bataille entre « progressistes » et « néoréac »
C’est un débat très récurrent aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, deux pays où les élèves sont soumis très régulièrement à des tests d’évaluation afin de repérer précocement la survenue de difficultés : la pression sur les élèves seraient plus (trop) forte, les apprentissages purement académiques prendraient trop de place au détriment de matières plus artistiques ou du développement de compétences émotionnelles et sociales. Michael Rosen, auteur anglais de livres pour enfants s’est ainsi fendu d’une lettre ouverte à la secrétaire d’Etat à l’éducation dans laquelle il déplore que les enfants passent trop de temps à remplir des questionnaires plutôt que de s’ouvrir l’esprit grâce à la peinture ou à la musique. Sur son blog « The learning Spy », très connu des experts ès éducation en Angleterre, David Didau, enseignant, lui répond. Il remarque d’abord que les tests sous forme de quizz constituent l’évaluation la plus juste des connaissances d’un élève et surtout un outil scientifiquement validé permettant de consolider les connaissances tout juste acquises. Il estime également que le but de l’école est de transmettre à l’enfant des connaissances académiques et de lui donner toutes les chances de maîtriser des savoirs fondamentaux. Une école qui se préoccupe avant tout de « balades », de jeu, et d’arts relève selon l’auteur davantage de l’ « éducation thérapeutique ». L’expression provient en fait d’un livre paru en 2009, « La dangereuse ascension de l’éducation thérapeutique », que David Didau a par ailleurs chroniqué en juin dernier sur son blog.
Pour l’écrire très schématiquement, les tenants de l’éducation thérapeutique représenteraient le camp des progressistes (ou des pédagogistes chez nous) quand les partisans de l’éducation académique se confondraient avec les conservateurs, voire les réactionnaires. David Didau propose de définir chaque approche pédagogique de la façon suivante. L’éducation thérapeutique se soucierait avant tout de l’estime de soi des enfants, du bien être et des compétences émotionnelles, des applications concrètes du savoir et des intérêts personnels des élèves, quand l’éducation académique aurait pour objectif de rendre les élèves plus intelligents, s’axerait sur des savoirs impersonnels et abstraits et prioriserait le savoir académique à travers des disciplines clairement identifiées. La première porte aux nues les émotions quand la seconde mise sur l’intelligence. David Didau, lui, a fait son choix.
Clinton, la candidate de la petite enfance
Quoi qu’on pense de Hillary Clinton, candidate aux prochaines élections présidentielles américaines face à Donald Trump, il semble impossible de nier un intérêt réel et ancien pour l’enfance et la prime éducation. C’est ce que rappelle cet article de The Atlantic. Hilary clinton a mis au cœur de sa campagne la question de la scolarisation précoce. Lorsqu’elle était étudiante à Yale, elle a complété son cursus par une année d’étude consacrée au développement de l’enfant. En tant que jeune avocate elle a travaillé pour le Fonds de Défense de l’Enfance. A la tête de l’Arkansas elle a mis en place un programme de visites à domicile pour les femmes enceintes et jeunes mères afin de promouvoir la santé des familles défavorisées et intervenir précocement contre l’échec scolaire. Lorsqu’elle était première dame elle a plaidé pour la mise en place d’un système de sécurité sociale spécifique aux enfants et a poussé à la création du programme « Early Head Start » destiné à soutenir l’éducation des enfants pauvres.
Plaidoyer pour la scolarisation précoce
L’auteur de cet article paru dans Newsweek, Maryanne J.Kane, se livre à un vibrant (et argumenté) plaidoyer pour la scolarisation précoce (ce qui signifie, aux USA, la scolarisation des enfants de moins de 5 ans, la maternelle n’existant pas). Elle pose d’abord quatre « faits objectifs ». 1) 15 millions d’enfants américains vivent sous le seuil de pauvreté. 2) 11% des enfants de moins de trois ans vivent dans une situation de grande pauvreté. 3) La pauvreté affecte le développement cérébral des jeunes enfants. Et la réussite scolaire est corrélée à la croissance cérébrale. Les enfants pauvres ont un cerveau plus petit, c’est aussi simple, aussi crû, aussi terrible que ça. 4) Les enfants âgés de 0 à 5 ans en situation de grande pauvreté tirent peu d’avantages de la fréquentation d’un jardin d’enfants (de 5 à 7 ans).
Maryanne J. Kane reprend ensuite les arguments développés par les opposants à cette scolarisation précoce (oui oui, il y en a): c’est aux parents de donner cette éducation, ils doivent être les premiers éducateurs de leur enfant, l’Etat n’a pas à s’en mêler, c’est une idée un peu folle de vouloir scolariser dans un cursus académique des tout petits, les envoyer à l’école si jeunes c’est les priver de la possibilité d’apprendre dans le cadre de leur famille et de leur communauté.
Certes, répond l’auteur, mais le développement du cerveau, la capacité à apprendre, les compétences langagières, tout cela dépend de ce que l’enfant va vivre, ou pas, dans les toutes premières années de sa vie. Si l’enfant ne bénéficie pas d’un environnement suffisamment bienveillant, nourrissant, stimulant, il aura besoin d’une multitude de béquilles dans son parcours scolaires. Selon Maryanne J.Kane, il est nécessaire de mettre en place un continuum entre la maternelle et le CP au sein du système public. Elle précise que pour autant la pédagogie utilisée pour les tout petits n’a pas à être calquée sur les apprentissages formels des niveaux supérieurs.
Ces enfants qui déjeunent seuls à la cantine
Très joli article de Laura Mc Kenna après le buzz provoqué par la photo d’un joueur de l’équipe universitaire de football de Floride partageant son repas à la cantine avec un jeune garçon autiste de 11 ans. Lors de sa visite dans un établissement scolaire, Travis Rudolph avait remarqué le jeune Bo assis seul à la cantine. Il était venu s’asseoir et avait déjeuné avec lui. La photo prise par un membre de l’équipe éducative avait bouleversé la mère du garçon et des milliers d’internautes.
Laura Mc Kenna raconte qu’elle a elle aussi un petit garçon autiste. Qui déjeune souvent seul à la cantine. Elle précise que les enfants autistes n’ont pas forcément envie d’échanger avec les autres enfants mais qu’ils apprécient d’être en compagnie de leurs pairs et que contrairement aux apparences ils souffrent de la solitude. « Il n’y a pas de doute que les enfants pourraient être plus gentils, plus tolérants et moins focalisés sur leurs propres critères sociaux, concède-t-elle. Cependant je ne suis pas franchement optimiste et je ne crois pas que des écoliers vont se transformer en une armée de Mère Teresa après un sermon de leurs parents. » Par chance, note-t-elle avec ironie, les pré adolescents vont quasiment tous devoir gérer des difficultés dans leur rapport aux autres, c’est un passage obligé. Les écoles en ont pris conscience et commencent lentement à répondre au problème. Certaines organisent ainsi des « déjeuner grappes » au cours desquelles un éducateur rassemble plusieurs enfants isolés pour les amener à converser ensemble ou simplement créer un sanctuaire. La présence d’un adulte formé est une composante essentielle de ces programmes.
Enfants réfugiés privés d’école, la double peine
La scolarisation des enfants réfugiés traverse une grave crise. Six millions d’enfants sous mandat de l’agence des Nations-Unies pour les réfugiées ne vont pas à l’école. Seule la moitié de ces enfants bénéficient d’une instruction au niveau du primaire contre 90% en moyenne dans le monde. Au niveau du collège, c’est pire : seuls 22% des adolescents ont la possibilité d’être scolarisés. Le nombre d’enfants réfugiés en âge d’être scolarisés est resté stable entre 2001 et 2010 mais rien qu’en 2014, cette population a augmenté de 30%. Les Nations-Unies notent que les enfants réfugiés vivent le plus souvent dans des régions où les pays luttent pour la scolarisation de leurs propres ressortissants. Plus de la moitié de ces enfants sont localisés dans sept pays : le Tchad, la République Démocratique du Congo, l’Ethiopie, le Kénya, le Pakistan et la Turquie. L’exemple de la Syrie est parlant. En 2009, 94% des enfants syriens étaient scolarisés. Ils ne sont plus que 60% aujourd’hui.
Les liens étroits et complexes entre niveau de vie, mode éducatif et santé des enfants
Cette étude souligne qu’au-delà des conditions socio-économiques, la qualité des interactions parents-enfants a une réelle incidence sur la santé d’un individu, tout au long de sa vie. Grandir dans un milieu favorisé présente des bénéfices sur le plan de la santé mais ces bénéfices peuvent se trouver atténués ou annulés si l’éducation reçue manque de chaleur, de bienveillance et d’attention. Sans une relation parents-enfant adéquate, l’avantage socio-économique dans la petite enfance n’offre pas de protection supplémentaire contre les maladies chroniques à l’âge adulte. A l’inverse, dans les familles plus défavorisées, des liens familiaux de qualité ne semblent pas parvenir à contrebalancer les effets négatifs de la précarité sur la santé ultérieure des enfants. Pour l’auteur de l’étude, le fréquent recours de la part des parents moins éduqués et économiquement plus fragiles à la menace ou aux méthodes coercitives plutôt qu’au dialogue vient empêcher des relations chaleureuses (malgré des liens forts).
Les discriminations scolaires à l’égard des fillettes noires américaines
Dans cette interview qui lui est consacrée à l’occasion de la parution de son livre « Exclusion : la criminalisation des filles noires à l’école », Monique W. Morris explique pourquoi, selon elle, ces élèves subissent des discriminations. Dès le jardin d’enfants, les petites filles noires font davantage l’objet de sanctions. L’auteur développe une double argumentation. Elle avance dans un premier temps que ces fillettes sont davantage surveillées, que leur comportement est davantage perçu comme agressif en raison de stéréotypes très présents chez les enseignants et qu’elles sont donc davantage punies, de façon injuste. Selon Monique W.Morris, il existe un malentendu. C’est le deuxième point de son argumentation. Si ces élèves noires affichent des comportements parfois considérés comme déviants c’est parce qu’elles subissent de réels traumatismes (grande pauvreté, placements, abus sexuels). Elles ont un réel besoin de bienveillance, d’empathie, voire, comme le souligne l’auteur, d’amour. Surtout qu’elles manifesteraient en fait un fort désir d’éducation. La démonstration de l’auteur à travers cette interview manque de clarté. Il est difficile de comprendre si ces jeunes filles ont des troubles avérés du comportement en raison des traumatismes vécus, auquel cas il semble en effet logique de prendre en compte ces données psycho-sociales pour les accompagner au mieux, ou si ces problèmes de comportements n’existent en fait pas et seraient une simple projection de la part d’ enseignants pris dans de fausses représentations, ce que laisse aussi entendre l’auteure. Ou bien ces petites et jeunes filles présentent des troubles avérés du comportement, explicables par les difficultés familiales rencontrées, et il faut les accompagner au mieux. Ou elles ne sont pas plus agitées que les autres élèves et sont punies à tort, victimes de préjugés racistes de la part des enseignants, auquel cas il est étrange d’insister sur leur environnement psycho-social et de plaider pour la bienveillance.
La parentalité à travers le monde…Tout est relatif
Dans cet article de The Atlantic, Uri Friedman chronique le livre paru en septembre « Do parents matter ?» (Les parents comptent-ils?), de Robert et Sarah LeVine, deux anthropologues. Il s’agit d’une un tour du monde la parentalité et d’une mise en exergue de la relativité culturelle en la matière, comme l’illustre le sous-titre : « Pourquoi les bébés japonais dorment si calmement, les fratries mexicaines ne se battent pas et les familles américaines devraient juste se détendre un peu ». Uri Fridman considère effectivement que le livre invite tous les parents à lâcher du lest et à être carrément « plus sceptiques ou ouverts d’esprit quand les experts leur disent qu’ils ne doivent absolument pas pour des raisons scientifiques faire du co-sleeping avec leur bébé ».
Sur ce sujet particulier, les auteurs de l’ouvrage expliquent par exemple que les Japonais dorment avec leur bébé et ont par ailleurs un très faible taux de mort inattendue du nourrisson. Ce qu’ils ne précisent pas en revanche ce sont les conditions dans lesquelles ces parents dorment avec leur enfant : quel type de matelas, quelle hauteur de lit, couette ou pas couette…
Les auteurs donnent plusieurs exemples de pratiques parentales qui leur ont prouvé à quel point les théories en la matière seraient relatives. Ils citent le cas d’une communauté musulmane au nord du Nigéria qu’ils ont pu observer. Les femmes y vivent ensemble, de façon recluse. L’une des jeunes femmes, âgée de 15 ans, venait d’avoir son premier bébé. Le bébé était porté par la grand-mère et dès qu’il pleurait, il était mis au sein de sa mère qui ne lui prêtait aucune attention, ne le regardait as et le remettait à la grand-mère dès qu’il était rassasié. Sarah LeVine explique avoir été dans un premier temps extrêmement choquée, se demandant ce qu’allait devenir cet enfant, craignant qu’il ne développe des symptômes autistiques.
Puis elle a réalisé que les adultes de cette communauté avaient tous été élevés de cette façon et qu’ils ne présentaient aucun problème de sociabilité. Conclusion : les enfants trouvaient auprès d’autres adultes que leur mère l’affection dont ils avaient besoin. La mère n’avait pas besoin d’être la principale figure d’attachement. Les auteurs du livre estiment également qu’il faut établir une grande différence entre les sociétés qui valorisent les interactions par le regard et la parole (plutôt occidentales) et celles qui privilégient le contact tactile et le peau à peau. Dans de nombreuses ethnies, africaines notamment, la mère évite les échanges visuels avec son enfant, pour ne pas trop le stimuler et lui permettre de rester calme. Le but recherché est d’obtenir un enfant placide alors que les mères occidentales cherchent au contraire à avoir un enfant « éveillé ».
Les préconisations officielles dans les pays occidentaux incitent les parents à multiplier les interactions visuelles et langagières et à stimuler leur enfant pour favoriser son développement. Autre différence : pour les auteurs, les sociétés « primitives » cherchent à privilégier chez l’enfant une interdépendance avec le groupe alors que les sociétés occidentales cherchent à le rendre indépendant, au sens d’autonome.
L’auteur de l’article, Uri Friedman, et les auteurs du livre en concluent donc qu’il ne faut pas prendre pour argent comptant toutes les préconisations en matière d’éducation et de parentalité. C’est une conclusion intéressante mais discutable. Une pratique culturelle inoffensive voire bénéfique dans une société donnée, conserve-t-elle la même innocuité,dans un autre pays et une autre société? La situation vécue par un bébé nigérian auprès de sa (très) jeune mère de 15 ans, recluse de surcroît, doit-elle vraiment amener les spécialistes et les parents occidentaux à remettre en question leurs principes éducatifs, notamment ceux nourris par la recherche ? Dans l’entretien accordé à Uri Friedman, les auteurs du livre semblent penser que oui. Derrière le discours de bon sens (d’autres font différemment que nous et s’en sortent très bien) et un constat qui ne mange pas de pain (les parents américains devraient être moins stressés et ne pas chercher à gérer tous les micro événements de la vie de leur enfant) se profile assez vite un discours suspicieux à l’égard des préconisations de santé publique. Cette suspicion peut avoir de graves conséquences, comme on le voit avec l’augmentation des parents réfractaires à la vaccination (voir ci-dessous une de nos recensions sur le sujet).
Au Pérou résultats probants d’un programme de soutien à la parentalité
Cette étude présente les résultats d’un programme de soutien à la parentalité péruvien basé sur des visites à domicile. Les chercheurs ont évalué deux dispositifs différents. Le premier visait à la diminution des problèmes de diarrhée et d’infections respiratoires, le deuxième ciblait l’amélioration des indicateurs de développement du jeune enfant. L’étude présente les résultats du deuxième dispositif. Les mères concernées ont reçu toutes les trois semaines pendant 12 mois les conseils de travailleurs sociaux sur la façon de stimuler leur enfant et d’interagir avec lui, notamment à travers le jeu. Les enfants (âges de 6 à 35 mois) ont été évalués au début et à la fin de l’expérience. Le pourcentage d’enfants présentant des scores au-dessus de la moyenne par rapport à leur classe d’âge était beaucoup plus important dans la cohorte ayant participé au dispositif, notamment pour les compétences motrices. Les auteurs en concluent que les programmes de soutien basé sur des visites à domicile pourraient constituer un outil prometteur dans le cadre des programmes de réduction de la pauvreté et de stimulation développementale des enfants dans les communautés rurales pauvres du Pérou.
Les classes hétérogènes freineraient le potentiel des élèves les plus avancés
Une fois n’est pas coutume, une étude s’intéresse aux enfants qui « sur-performent » plutôt qu’aux élèves en échec scolaire. D’après la recherche menée par Michael Matthews (pas encore expertisée par des pairs ni publiée dans une revue scientifique), entre 15 et 45% des élèves américains de la fin du primaire présentent au moins une année d’avance par rapport au niveau attendu. Les auteurs estiment que ces élèves ne peuvent pas déployer pleinement leur potentiel et que les enseignants sont contraints de prodiguer un enseignement différencié à des classes beaucoup trop hétérogènes. Ils ne s’attendaient pas à découvrir un phénomène d’une telle ampleur. D’après eux, de nombreux élèves tireraient bénéfices à pouvoir évoluer plus rapidement dans le système scolaire en sautant notamment des classes. Ils estiment que des millions de dollars sont gaspillés à délivrer à ces enfants des connaissances qu’ils ont déjà acquises. Et que les enseignants seraient bien plus efficaces face à des classes plus homogènes en terme de niveau.
Ce constat va totalement à l’encontre du discours actuel véhiculé par les sciences de l’éducation selon lequel la mixité de niveaux académiques permet aux plus faibles de progresser sans (trop) freiner les plus avancés, et selon lequel les enseignants doivent se former à la pédagogie différenciée afin de pouvoir accompagner tous les élèves quelque soient leurs compétences, leurs difficultés, voire leur handicap. Michaël Matthews semble penser que la pédagogie différenciée et la mixité académique sont un leurre et que le système actuel dépense beaucoup plus pour ses élèves les plus faibles que pour les plus avancés. En France les experts ès éducation auraient plutôt tendance à conclure que l’école discrimine les plus faibles et qu’on ne fait pas assez pour eux. Peut-être les parents français qui choisissent l’école privée rejoignent-ils finalement les conclusions des chercheurs l’Université John Hopkins.
Tenir compte des spécificités du cerveau adolescent dans la pédagogie
Thomas Armstrong, spécialiste de l’éducation, auteur d’une quinzaine de livres, publie un nouvel ouvrage, « Le pouvoir du cerveau adolescent » dans lequel il déplore qu’on n’utilise pas davantage les acquis des neurosciences pour les adolescents. La plupart des débats sur l’adéquation entre la pédagogie et le développement neuronal portent sur les très jeunes enfants. Mais ces questions se poseraient beaucoup moins pour les adolescents. Résultats : en ne tenant pas compte des principes qui régissent le cerveau adolescent, les pratiques pédagogiques susciteraient du stress, de l’ennui, de l’apathie et du ressentiment. A un âge où les émotions sont très fortes, les enseignants les mettent au contraire à distance. Le travail de groupe n’est pas assez développé, les réseaux sociaux sont sous-utilisés alors qu’ils pourraient aider, la métacognition est laissée de côté.
Le lien entre compétences langagières à 3 ans et symptômes dépressifs à 8 ans
On connaît depuis plusieurs années le caractère prédictif du niveau de langage des très jeunes enfants en matière de réussite scolaire. Cette étude affirme que les compétences langagières des très jeunes enfants sont aussi corrélées avec le risque qu’ils manifestent des troubles dépressifs plus tard.
Les enfants qui ont été peu stimulés sur le plan du langage à trois ans, présentent plus de difficultés à l’entrée au CP et sont plus nombreux à être affectés par la dépression en CE2. Les symptômes dépressifs apparaissent comme une conséquence des difficultés scolaires qui entraînent une faible estime de soi. Les auteurs de l’étude plaident donc pour un soutien actif aux enfants qui présentent des retards de langage au CP afin d’améliorer leurs compétences scolaires et de prévenir la dépression.
Les interactions parents-enfants façonnent le cerveau des enfants et favorisent le développement des fonctions exécutives
Plusieurs études récentes ont suggéré que le développement des fonctions exécutives des enfants (ensemble des capacités cognitives de haut niveau qui permettent à l’individu de traiter les informations qu’il reçoit en permanence, de s’adapter et d’apporter une réponse) était fortement corrélé à la qualité des interactions parentales et à un attachement sécurisé. L’étude menée par ces chercheurs allemands avait pour objectif d’observer les processus neuronaux à l’oeuvre dans le développement de ces fonctions exécutives et de montrer, à l’aide d’électroencéphales, comment ces processus ainsi que le cerveau lui-même, sont impactés par les comportement parentaux. L’équipe conclut que les interactions parents-enfants façonnent le développement neurocognitif qui permet l’élaboration des fonctions exécutives.
L’étude offre un résumé passionnant des dernières découvertes en neurosciences. Elle rappelle ainsi que les fonctions exécutives correspondent à des habilités de haut niveau qui permettent des comportements flexibles, adaptatifs et tendus vers un but. Ces compétences sont considérées comme essentielles pour l’autonomie et le bien-être d’un individu. Elles ont un impact sur la réussite scolaire, la santé, le statut socio-économique, et le risque d’un devenir criminel. Elles sont séparées en trois catégories : la mémoire de travail, la capacité d’inhibition et la flexibilité (ces théories sont résumées par Céline Alvarez dans son livre sur « les lois naturelles de l’enfant »). La petite enfance est une période fondamentale pour le développement de ces fonctions et entre 3 et 5 ans, les trois composantes s’améliorent considérablement. On sait aussi que la croissance des connexions neuronales du cerveau ne dépendent pas que de facteurs génétiques mais aussi, beaucoup, des stimuli envoyés par l’environnement extérieur. Le contexte socio-économique joue énormément (une récente et saisissante étude a montré que le cerveau des enfants pauvres était impacté par leurs conditions de vie). Parmi ces stimuli, la qualité émotionnelle des relations entretenues avec les parents a un impact fort sur le cerveau. La sensibilité maternelle à un ou deux ans est prédictive des fonctions exécutives des enfants à 18 mois ou trois ans.
La nouveauté de cette étude allemande est qu’elle vient montrer à l’aide d’éléctroencéphales la réalité physique de ces relations de cause à effet en prouvant une relation directe entre la qualité des interactions parents-enfants et l’activité neuronale. D’où cette conclusion : « Nos résultats suggèrent qu’au-delà d’autres facteurs la qualité des interactions entre parents et enfants façonne les fonctionnalités du cerveau qui sous-tendent les fonctions exécutives pendant l’enfance. La présente étude incite à potentiellement cibler ces interactions dans les programmes visant à améliorer les fonctions exécutives des enfants considérés comme étant à risque ».
Les parents hélicoptères tournoient même au-dessus des universités
Comme le résume avec humour le titre de cet article « Les parents hélicoptères ont atterri sur les campus », les parents, de plus en plus stressés par le devenir scolaire de leur enfant, et de plus en plus sur-protecteurs, ne parviennent pas à couper le cordon, même quand l’enfant a plus de 18 ans et a intégré la fac. Cette expression nord américaine est utilisée pour décrire des parents très protecteurs et très intrusifs qui tournoient en permanence au-dessus de leur enfant pour résoudre ou anticiper la moindre difficulté. Il n’est ainsi pas rare pour un prof de fac américain de recevoir un mail de parents s’étonnant des piètres résultats de son enfant. Les universités américaines sont donc obligés de signaler à leurs étudiants qu’ils sont désormais assez grands pour gérer leur scolarité seuls. Les chercheurs étudient de plus en plus ce phénomène de « parents hélicoptères » et ses effets délétères sur l’estime de soi et l’autonomie des jeunes adultes.
Côté père, c’est la qualité du temps passé plus que la quantité qui impacte le comportement des enfants
Plos One
Selon cette étude anglaise, plus qu’un partage au quotidien des tâches relatives au soin de l’enfant, c’est la qualité de l’investissement paternel, son adhésion à des principes de parentalité dite « positive » (relation chaleureuse, interactions de qualité, stimulation) son implication dans des jeux avec l’enfant, qui ont un impact sur le développement de celui-ci et son comportement ultérieur. En résumé, du point de vue de l’enfant, en ce qui concerne les pères, la qualité du temps passé compte plus que la quantité. L’étude est précise concernant les facteurs qui ont un impact réellement positif sur le développement de l’enfant : une adhésion du père à la parentalité positive aux neuf mois de l’enfant et la participation du père à des jeux créatifs à l’âge de 5 ans. Cette étude vient confirmer les résultats obtenus sur une autre cohorte, Australienne cette fois-ci.