La Ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn et le tout nouveau secrétaire d’Etat Adrien Taquet ont donné ce matin une brève conférence de presse, à l’issue d’une réunion plénière du Conseil National de la Protection de l’Enfance, afin d’exposer la feuille de route de la future stratégie relative à la protection de l’enfance, qui devrait être finalisée avant l’été 2019.
La Ministre a commencé par assurer que l’enfance était une des priorités de gouvernement. Elle a évoqué la proposition de loi contre les violences éducatives ordinaires votée en première lecture au Sénat. Adrien Taquet, le tout nouveau secrétaire d’Etat, a livré les deux « maîtres mots de cette stratégie » qui devrait être finalisée avant l’été 2019 : « la mobilisation et la concertation ».
« L’enfance est un tout, ça ne se segmente pas, a-t-il précisé. Il faut l’appréhender dans l’ensemble de ses composantes (vie scolaire, familiale, les loisirs…) avec l’impératif de répondre aux besoins fondamentaux des enfants.» Il s’agit de « lutter contre les inégalités de destin » d’éviter toute « perte de chance » (expression chère au pédopsychiatre Maurice Berger) en agissant sur les « environnements anxiogènes ou violents ». Trois objectifs sont au programme :
Pour une prévention précoce plus efficace
Concernant les parents les plus fragiles : agir en amont, avant la naissance. L’idée est de prévenir le placement en agissant dès la grossesse avec un « parcours de périnatalité dès le 4è mois de grossesse ». Dans la mesure où l’entretien prénatal précoce ne concernait que 28,5 % des femmes enceintes en 2016 et que les chiffres montrent que les femmes les plus vulnérables y ont moins accès, le défi est de taille. Agnès Buzyn insiste : « il doit toujours être effectué ». Certes. Mais pour le moment cet EPP n’est pas obligatoire, juste « systématiquement proposé ». Et visiblement cela ne suffit pas. Le gouvernement compte également beaucoup sur la PMI et attend les pistes qui seront proposées par la mission actuellement menée par la sénatrice Michèle Peyron.
Mobiliser la société toute entière
C’est le deuxième objectif. Adrien Taquet cite une étude selon laquelle moins d’une personne sur 4 face à une suspicion de violence assumera de la signaler. Il estime qu’il faut également un référentiel de repérage des difficultés pour les professionnels. C’était une des revendications portées par Michèle Créoff dans son livre co-écrit avec Françoise Laborde : adopter au niveau national le même référentiel pour évaluer les situations de défaillances ou de négligences parentales (par exemple le référentiel du CREAI Rhône Alpes aujourd’hui adopté par 27 départements).
Garantir les droits fondamentaux des enfants
Au premier rang desquels, le droit à une protection effective. Il s’agit notamment d’assurer une meilleure exécution des décisions de justice. Le Secrétaire d’Etat reconnaît que la situation est très hétérogène sur les territoires (voir par exemple l’appel au secours des magistrats et travailleurs sociaux de Seine-Saint-Denis). Une concertation avec les départements est indispensable. Adrien Taquet évoque également le droit à stabilité et à la sécurité affective des enfants. « Nous allons reprendre une démarche de consensus pour redéfinir les modes de prise en charge à privilégier et à développer. Le nombre de familles accueillantes est en diminution. » D’où l’idée de lancer une réflexion sur la question de l’adoption et notamment de l’adoption simple. Il s’agit là d’un serpent de mer. L’adoption simple, qui permet l’adoption d’un enfant sans effacement de la famille biologique (mais qui est révocable), est régulièrement avancée comme une sorte de troisième voie, entre la déclaration d’abandon suivie d’une adoption plénière et le maintien du lien biologique « à tout prix » qui se traduit trop souvent par une institutionnalisation de l’enfant.
Le recours à une adoption simple revue et corrigée pour offrir davantage de stabilité aux enfants placés, et répondre dans le même temps aux demandes de couples candidats à l’adoption, figurait dans la première mouture de la proposition de la loi Meunier adoptée en 2016. Mais ces articles avaient très vite disparu du texte devant la commission des lois au motif qu’une réforme de l’adoption simple ne pouvait s’inscrire que dans le cadre d’une loi plus globale relative à l’adoption. Et non à la protection de l’enfance. Agnès Buzyn semble décidée à revenir à la charge.
Adrien Taquet évoque également le « droit à la santé », c’est à dire la possibilité pour les enfants placés de bénéficier d’un « panier de soins » plus large que celui d’un enfant lambda avec une prise en charge par des psychologues et psychomotriciens remboursés à 100%. Agnès Buzyn insiste : ces enfants souffrent plus que les autres de troubles du développement et de troubles psycho-moteurs. Il est impératif de leur « garantir l’accès aux soins psychiques ». Mais comme elle le précise elle-même, la « pédopsychiatrie est un sujet en tant que tel ». Un rapport sénatorial récent a rappelé les importants délais de prise en charge et là encore les inégalités territoriales.
Enfin, il est question de la garantie des droits à l’éducation. Le gouvernement envisage de « nommer des référents protection de l’enfance » au sein des rectorats et de davantage mobiliser les dispositifs de droit commun pour ces enfants.
La Ministre a reconnu que la situation de la protection de l’enfance avait connu une « dégradation amplifiée » avec la forte augmentation des mineurs non accompagnés. « On essaie d’abonder sur le plan financier. Depuis 3 ans, les départements sont en très grande difficulté pour travailler sur qualité car ils sont débordés quantitativement. Maintenant que nous abondons financièrement, on peut reprendre le travail qualitatif. »