Le Haut Conseil a la Famille a adopté en septembre un avis sur le soutien à la parentalité doublé de la publication début octobre d’un rapport sur le sujet. Ce document constitue un nouvel état des lieux de l’approche française et de la place de plus en plus importante accordée au soutien parental dans les politiques publiques.
Dans son rapport sur “les politiques de soutien à la parentalité“, Le HCF pose d’abord que les institutions françaises, à l’instar de ce qui se pratique dans les autres pays occidentaux, ont raison de se préoccuper de l’accompagnement à la parentalité.
« Le développement des outils de la politique de soutien à la parentalité est positif et utile pour les familles ». Ne serait-ce que parce qu’une large part des parents font état de difficultés à assurer leur rôle. C’est ce qui est apparu lors d’une récente enquête de la CNAF (dont nous rendons compte dans un article complémentaire). Le HCF insiste donc pour que le mouvement amorcé lors de l’adoption de l’actuelle Convention d’Objectif et de Gestion (2013-2017) se prolonge avec la prochaine COG.
Des problèmes de financement et des disparités territoriales
Pour le HCF, c’est notamment le financement des dispositifs qui devra faire l’objet d’une attention toute particulière. La CNAF et le gouvernement n’ont eu de cesse de rappeler que le budget alloué à l’accompagnement à la parentalité a été doublé en 2013, passant de 50 à 100 millions d’euros. Seulement, comme le note le HCF, « les dépenses consacrées au soutien à la parentalité ne représentent que 1,8% des dépenses d’action sociale, à comparer par exemple à la part de 58,1% de l’accueil du jeune enfant, (…) les 103M€ de dépenses pour l’accompagnement de la fonction parentale représentent moins de 1% des dépenses relatives aux allocations familiales.»
D’autre part, une partie de ces financements de la branche famille a servi à compenser la baisse de ceux de l’Etat, notamment ceux du ministère des Affaires sociales. Le HCF constate que sur le terrain, nombre d’associations et de collectivités locales, qui sont les principaux promoteurs de l’offre, font état de difficultés de financement . « Il résulte des données nationales globales que l’écart entre les coûts de fonctionnement et les recettes semble s’être réduit ces dernières années», se félicite le HCF, avant de poursuivre : « Or, de nombreux acteurs signalent la fragilité financière de certaines structures, fragilité croissante du fait des difficultés financières des collectivités territoriales. Nous ne disposons pas de données détaillées sur ces difficultés. »
Conclusion : « tous ces facteurs peuvent expliquer que les réalisations soient à ce stade encore au-dessous des objectifs de la COG Etat-CNAF 2013/20172 . Le nombre de familles bénéficiaires reste faible, sans qu’on sache bien évaluer les besoins. » Subsistent également des disparités territoriales.
Le HCF est très clair :« Il faut mettre en place un financement public à un niveau élevé, adapté à la réalité des coûts et garanti sur une durée assez longue pour assurer une certaine sécurité financière aux porteurs de projet . Il est réaliste de prévoir qu’il intègre une part importante de financement par la branche famille. »
Une définition et de nombreux débats
Le rapport se révèle également instructif en ce qu’il rappelle l’absence de consensus sur la définition du soutien à la parentalité, sur les objectifs et les modalités: « La définition du soutien à la parentalité n’est donc pas stabilisée ».
Le HCF cite Claude Martin, sociologue et expert sur la question : « On perçoit les équilibres qui se cherchent entre préservation de la vie privée, résistance à la tendance tutélaire de l’Etat et besoin de défendre un enjeu collectif et d’intérêt général, ou bien encore les hésitations et arbitrages entre logique de prévention, d’éducation et logique de protection, voire logique répressive. Il n’est pas sûr que ces oppositions soient réglées une fois pour toutes. Nous défendons au contraire qu’elles donnent lieu à des rapports de force toujours à l’œuvre qui permettent de dessiner des trajectoires pour l’action publique en ce domaine.» Dans les colloques, sur ce sujet et les thématiques qui lui sont proches (prévention précoce, inégalités sociales par exemple), les différences d’approche et de profonds désaccords théoriques ou éthiques se manifestent régulièrement. Sur GYNGER nous relayons régulièrement les rapports ou événements qui témoignent de ces controverses, parmi lesquels une publication récente de la CNAF: « Soutien à la parentalité, des modalités très controversées ».
Le rapport du HCF met en exergue les sujets sur lesquels se concentrent les débats:
Le caractère universaliste ou ciblé des dispositifs et actions
« A la différence d’autres pays (comme le Royaume-Uni) qui ont adopté une logique de ciblage, on affiche en France une visée universaliste, rappelle le HCF. Il s’agit de soutenir les personnes dans leur fonction parentale, donc tous les parents sont concernés. L’affirmation de l’universalité est aussi un moyen de lutter contre le risque de stigmatisation.» Mais sur le terrain, constate le HCF, on observe plutôt un « universalisme proportionné » à destination des familles « qui en ont le plus besoin ». Le HCF se demande dans quelle mesure ce ciblage de fait sur les populations plus fragiles est dû à la faiblesse des moyens financiers disponibles. Cette interrogation témoigne en elle-même de la spécificité de l’approche française. L’« universalisme proportionné » est vu ici comme une solution par défaut alors que chez les Anglo-saxons et les Québécois (et dans les organisations internationales, OMS ou OCDE), il est prôné en tant que tel. C’est toute la question des populations « vulnérables» ou « à risque ». L’approche anglo-saxonne considère que certaines familles, en butte à des difficultés socio-économiques ou à un éloignement culturel, et a des risques cumulés, ont davantage besoin d’aide et qu’il faut proportionner les moyens et les services au degré de difficulté. Tandis que la philosophie française a tendance à gommer la dimension socio-économique dans les politiques d’accompagnement à la parentalité et à privilégier une entrée par thématiques (arrivée d’un enfant, deuil, handicap, séparation). C’est ce que nous avons souligné dans plusieurs articles récents :« Le soutien à la parentalité dans le rapport Giampino », « soutenir la parentalité contre les inégalités sociales de santé » ou encore « la situation des enfants pauvres en France ».
Le HCF note que les Contrats locaux d’accompagnement à la scolarité (CLAS) sont explicitement destinés aux familles dont les enfants « ne bénéficient pas des conditions optimales de réussite scolaire » et sont le plus souvent situés dans les quartiers prioritaires. Mais que la médiation familiale est ouverte à l’ensemble des familles. On peut sans trop se tromper envisager l’hypothèse selon laquelle les difficultés scolaires sont plus fréquentes dans les familles économiquement plus fragiles mais que les séparations concernent toutes les couches sociales.
Le HCF poursuit avec la question de la limite entre des actions qui visent à aider les parents qui rencontrent des difficultés « habituelles », « ordinaires », ponctuelles (scolarité perturbée, séparation des parents, problématiques de la petite enfance ou de l’adolescence…) et celles qui apportent un appui à des parents dans des situations particulièrement dégradées. Selon certains experts, « la seconde catégorie doit être exclue du champ du soutien à la parentalité et relève de politiques spécifiques (par exemple la protection de l’enfance) ».
L’intervention précoce
Le HCF évoque un risque de « brouillage du référentiel initial » lorsque les interventions se focalisent sur la dimension préventive. Or, la plupart des organismes internationaux qui travaillent sur les problématiques de petite enfance et de soutien à la parentalité les inscrivent dans de la prévention précoce. Mais que cherche-t-on à prévenir ?
Le HCF résume ainsi la teneur des débats, particulièrement virulents en France :
« L’idée d’aider les parents le plus en amont possible des difficultés semble faire consensus. En ce sens, le soutien à la parentalité participe des politiques «d’investissement social », qui suscitent actuellement un vif intérêt. En France, le soutien à la parentalité mérite l’attention et l’intérêt des pouvoirs publics, ne serait-ce que parce que réassurer les parents à propos de leurs compétences et le renforcement de leurs « habiletés parentales » permet d’éviter des prises en charges ultérieures coûteuses ». Cependant, certains acteurs du secteur s’opposent à l’idée que les actions de soutien à la parentalité aient pour finalité la prévention de la délinquance juvénile ou de la protection de l’enfance, car ils y voient un risque que les dispositifs s’en trouvent dénaturés.»
C’est ce risque de brouillage qui a prévalu à la création en 2005 du collectif « Pas de zéro de conduite pour les moins de trois ans ». Ce mouvement fédérant une grande partie des acteurs du champ psycho-socio-éducatif était vent debout contre le rapport d’expertise de l’INSERM sur les « troubles des conduites » très inspiré des travaux québécois. Ce rapport s’appuyait sur de nombreuses études longitudinales qui montraient la corrélation entre des troubles du comportement dans la petite enfance et les risques psycho-sociaux à l’adolescence et à l’âge adulte. Il prônait donc une extrême vigilance quant aux signaux précoces des troubles du comportement. Ce que le collectif « Pas de zéro de conduite pour les moins de trois ans » a considéré comme une insupportable stigmatisation et un étiquetage délétère des enfants. L’INSERM pointait la délinquance comme l’un des risques potentiels de ces troubles non pris en charge, sans en faire pour autant le cœur de son rapport. Mais le contexte politique a pour le coup brouillé les cartes. Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur, visait bien une diminution de la délinquance via une « responsabilisation » des parents.
«Le glissement terminologique de responsabilités parentales à responsabilisation des parents a entraîné un brouillage du référentiel initial des acteurs du soutien à la parentalité, raconte le HCF. Tandis que l’accompagnement de la parentalité promu par les REAAP vise à réassurer les parents sur leurs capacités et leurs compétences éducatives, la « responsabilisation » des parents suggère une défaillance voire une démission parentale.»
La place de la libre initiative des parents : faut-il les orienter voire les contraindre ?
Le HCF le rappelle, les mesures coercitives de responsabilisation parentale (contrat de responsabilité parentale) relèvent a priori d’une approche différente et sont souvent exclues du champ des politiques de soutien à la parentalité. Ce soutien constitue un appui proposé aux parents, c’est donc d’eux que doit venir la demande. Conclusion : il faut surtout veiller à ce qu’ils soient correctement informés de l’offre existante mise à leur disposition.
L’arbitrage entre le souci de laisser les parents échanger librement entre eux et celui de faire intervenir un tiers
Certains acteurs privilégient les échanges entre parents, qui seraient les meilleurs « experts en parentalité », afin de les rassurer sur leurs compétences parentales et pour ne pas imposer de normes de « bon » parent (ce souci d’une parole non normée et du risque d’imposer des valeurs, notamment « de classe », est abordé dans l’un de nos articles ). Le soutien à la parentalité passe alors par une fonction d’animation. Si un professionnel intervient, on insiste sur sa posture : ni stigmatisant, ni normatif, ni prescriptif, suivant un principe fondateur repris dans l’avis du CNSP : « la reconnaissance du parent comme pleinement compétent pour exercer sa fonction parentale ». Cette vision est également celle reprise dans le rapport de Sylviane Giampino remis en juin à Laurence Rossignol. Le principe qui sous-tend cette approche est qu’il n’y a pas de bonne façon d’être parent. C’est en soi un vrai sujet de débat. S’il n’y a pas de recettes, la recherche, notamment en psychologie du développement, a tendance à montrer qu’il existe en revanche des postures parentales plus indiquées que d’autres pour accompagner le développement harmonieux d’un enfant. Cette philosophie française est en tous cas très éloignée de la vision plus interventionniste des pays anglo-saxons où les programmes de soutien à la parentalité ont bien pour objectif de transmettre des normes, en tous cas des informations sur les principes éducatifs qui semblent les plus indiqués. Aux Etats-Unis les pédiatres sont par exemple de plus en plus sollicités pour être des « prescripteurs » de la parentalité « positive ».
Le HCF relève tout de même qu’il existe « un continuum de types d’actions qui peuvent être conduites en direction des parents (plus ou moins «interventionnistes », visant à informer, encourager, accompagner, infléchir ou corriger les pratiques parentales…) ». En France il nous semble que les mesures visant à « infléchir ou corriger » des pratiques parentales sont assez rares hors champ de la protection de l’enfance. Le HCF estime que la frontière est difficile à dessiner entre information et soutien à la parentalité. « Dans l’idéal, on a en effet besoin de maîtriser un certain nombre de connaissances pour bien s’occuper de ses enfants. Pour autant, considérer que toute action d’information des parents dans un large périmètre de domaine relève du soutien à la parentalité en élargirait le périmètre de façon probablement excessive ». Déjà faudrait-il qu’il y ait consensus sur le fait que transmettre une information ne relève pas de l’imposition d’une norme. Ce sujet est loin d’être tranché.
Du côté des parents, la récente enquête de la CNAF permet de discerner leurs attentes. Ils sont plutôt demandeurs d’entretiens individuels avec un professionnel, souhaitent partager leur expérience avec d’autres parents, mais en présence d’un professionnel, obtenir des informations générales les aidant à être parents. Reprendre confiance en eux ne semble pas être une priorité. Il semble bien que les parents attendent des conseils et qu’ils valident l’expertise des professionnels.
Les destinataires de ces politiques : les parents, les enfants, ou les deux ?
« Les actions de soutien à la parentalité doivent s’adresser en priorité aux parents, puisqu’il s’agit de soutenir ou développer leurs compétences parentales » pose le HCF. Le soutien scolaire ne relève donc pas à proprement parler d’une mesure de soutien à la parentalité. Parfois, évidemment, la frontière est plus floue. « Les actions de soutien à la parentalité visant à favoriser le lien parent-enfant sont à cet égard particulières, écrit le HCF, car elles concernent le plus souvent parents et enfants. » Et il semble difficile de ne pas les considérer comme des actions de soutien à la parentalité.
De la difficulté de l’évaluation
Le HFC le rappelle : « L’intérêt et l’utilité des actions de soutien à la parentalité font consensus ». Mais il demeure un obstacle de taille : « la mesure de l’impact de ces dispositifs sur les enfants et leurs parents pose des difficultés méthodologiques redoutables, notamment parce que la construction d’un point de comparaison (le « contrefactuel », ce qui se serait passé en l’absence de l’action Parentalité dont on cherche à mesurer l’impact) est très hasardeuse ». Le HCF plaide donc pour des études qualitatives (souvent assorties de questionnaires de satisfaction). Il remarque que « dans le contexte français, une difficulté particulière est liée à la diversité des pratiques car il est plus aisé de « contrôler » les facteurs d’influence externes d’une pratique standardisée ». C’est ce qui explique que les anglo-saxons, beaucoup plus friands de programmes standardisés, soient plus à mêmes de prouver les effets d’un soutien à la parentalité et d’identifier les programmes les plus efficaces.
Le HCF pointe bien cette spécificité française : « Par rapport aux autres pays, la politique de soutien à la parentalité menée en France fait exception car elle se caractérise par une organisation du secteur autour de chartes et de valeurs partagées et non autour de programmes validés scientifiquement (« evidence-based programs ») . Les Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP) sont emblématiques puisque la charte ne donne qu’un cadre assez général sur les objectifs et les valeurs qui doivent guider l’action des structures, laissant une grande liberté de mise en œuvre. (…) La réflexion est d’ailleurs toujours en cours sur le mode de financement le plus adapté et la façon dont il permet ou non de « normer » les pratiques, avec un savant équilibre à trouver entre une certaine homogénéité sur le territoire et la nécessité de conserver de la souplesse pour favoriser des initiatives innovantes et adaptées aux spécificités locales. »
Le HFC conclut qu’il existe « un certain consensus sur l’intérêt des politiques de soutien à la parentalité comme objet « d’investissement social » dans la mesure où une intervention précoce auprès des parents – même si elle est difficile à démontrer – constituerait même un investissement « rentable », en ce qu’il induit des dynamiques positives pour ses bénéficiaires et évite des coûts de prise en charge ultérieurs ». Le HCF propose une autre justification : « Les parents sont nombreux à exprimer des difficultés à assurer leur rôle. Ils se sentent souvent « sous pression » pour être des parents « performants », dans un contexte d’insertion difficile sur le marché du travail, ce qui conduit notamment à cristalliser leurs craintes autour de la réussite scolaire. D’où le besoin de rassurer les parents sur leur capacité à assurer leur rôle. »
Les différents dispositifs retenus
Dans son rapport, le HCF a analysé plusieurs dispositifs considérés comme les plus emblématiques de ces politiques de soutien à la parentalité.
Les Réseaux d’Ecoute, d’Appui et d’Accompagnement aux Parents (REAAP)
Les REAAP représentent, selon le HCF, le dispositif socle et fondateur des autres dispositifs de soutien à la parentalité. Les réseaux présentent une forte hétérogénéité : « leur fonctionnement et leur dynamisme dépendent notamment beaucoup des « bonnes volontés » locales ». De la même façon, les actions REAAP présentent une forte diversité ; le nombre des actions financées et de leurs bénéficiaires est très variable d’une année sur l’autre. « Cette diversité peut aussi s’expliquer par la fragilité financière des structures » concède le HCF.
Le HCF note encore que le principe d’un soutien « universaliste », à tous les parents, trouve ses limites en pratique, avec un ciblage vers les parents qui en ont le plus besoin. L’indicateur COG fixe un objectif de 30% de familles bénéficiaires d’une action REAPP en 2017, objectif revu à 11,6%. En 2014, selon la CNAF, ce taux s’établit à 4,4%, soit le tiers de l’objectif.
Les Contrats Locaux d’Accompagnement Scolaire :
Ils sont destinés aux familles dont les enfants « ne bénéficient pas des conditions optimales de réussite scolaire ». « Ils semblent bien toucher leur cible » estime le HCF : sur les 3 000 structures sous contrat local d’accompagnement à la scolarité (CLAS) recensées en 2014-2015, la moitié est implantée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les familles bénéficiaires sont plutôt de milieux populaires.
Un bémol : « le bilan est plus mitigé pour ce qui est du soutien aux parents et de l’articulation avec les autres lieux ou instances de soutien à la parentalité. Ce sont pourtant ces dimensions qui justifient le financement de la branche qui assure plus du quart des recettes des structures CLAS (28% en 2014) et dont c’est le premier poste de dépenses en matière de soutien à la parentalité (27,6M€ en 2014).(…) Troisième dimension incontournable du triptyque enfants/parents/école à la base des CLAS, les relations avec l’Education nationale (les établissements, les dispositifs similaires pilotés par l’Education nationale) sont aussi à améliorer. »
Lieux d’Accueil Enfants-Parents
Le HCF rappelle la définition des LAEP. Ce sont des lieux où enfants et parents peuvent venir librement et se trouvent au contact d’autres familles et d’accueillants qui adoptent une posture d’écoute non interventionniste. Ces lieux visent à faciliter les relations parents-enfants (« l’attachement ») et leur bien-être pendant cette période – déterminante – de la petite enfance. « Historiquement très marqués par la tradition psychanalytique, les LAEP sont désormais de plus en plus adossés à des établissements d’accueil de la petite enfance ; les intervenants issus des secteurs de la petite enfance et du travail social sont de plus en plus nombreux et ils se développent dans les zones rurales.»
On compte 1 412 lieux d’accueil enfants/parents financés par la CNAF en 2014, soit un LAEP pour 3404 enfants de moins de six ans : l’objectif COG de un LAEP pour 3500 enfants en 2017 est donc atteint. Les Lieux d’accueil enfants/parents (LAEP) ont un budget de 37,0 M€ en 2014, avec des recettes en augmentation de plus de 10% entre 2012 et 2014. « Les études disponibles indiquent que les LAEP remplissent les objectifs qui leur ont été assignés, notamment en matière de socialisation des enfants et de leurs parents.» Les LAEP ont eu la parole le 17 novembre dernier lors du 12ème colloque de l’ARIP et un LAEP « éphémère » sera même organisé la veille à l’hôtel de Ville d’Avignon.
La médiation familiale
Contrairement aux autres dispositifs, constate le HCF, la médiation familiale s’est rapidement structurée notamment grâce à : la professionnalisation, avec la création en 2003 d’un diplôme d’Etat de médiateur familial et l’institutionnalisation du financement depuis 2006 (prestation de service de la CNAF) avec une convention cadre nationale et un référentiel d’activité.
Actuellement, la médiation familiale est principalement portée par des acteurs associatifs et s’inscrit de plus en plus dans un contexte judiciaire. En témoigne notamment le projet de loi de modernisation de la Justice du XXIème siècle qui étend l’expérimentation de la « tentative de médiation préalable obligatoire » à plusieurs tribunaux de grande instance. Le HCF formule son inquiétude : « Sans un développement significatif de l’offre, cette perspective crée un risque d’éviction des médiations familiales conventionnelles au profit des médiations dans le cadre judiciaire. Plus généralement se pose avec acuité le problème de la répartition territoriale de l’offre et de sa qualité. » La médiation familiale (23,6 M€ en 2014) est le dispositif dont les recettes ont été les plus dynamiques (+14,5% entre 2012 et 2014, soit +3M€) et dont la structure de financement a le plus évolué en deux ans.
Les espaces de rencontre
Le ministère de la Justice recense 158 espaces rencontres actifs en 2014. La quasi-totalité des espaces-rencontre est gérée par des associations. Certaines n’ont que cette seule activité, d’autres proposent plusieurs services aux familles : médiation familiale, conseil conjugal, thérapie familiale, soutien à la parentalité.
Là aussi le CHF relève des dysfonctionnements : « En 2014, presque un quart des demandes sont mise en attente au cours de l’année, ce qui révèle une vraie difficulté des services pour faire face à la demande. La couverture du territoire national est insuffisante. » Les espaces de rencontre (ER) ont le plus petit budget : 14,1M€, soit 8% du total des quatre dispositifs.
Les pistes de réflexion pour l’avenir
Le HCF constate de fortes disparités territoriales dans l’offre des services. « On est actuellement assez loin d’un modèle de « service public national » en matière de soutien à la parentalité. » D’où cette analyse : « Il est réaliste de raisonner sur l’hypothèse qu’on gardera plutôt les modalités actuelles de promotion de l’offre (même si on les renforce) et de gouvernance des politiques de parentalité. Le rôle de la CNAF comme tête de réseau est irremplaçable. »
Néanmoins, le HCF envisage un « service public » limité aux dispositifs de soutien à la parentalité avec injonction judiciaire. « Il serait pertinent d’envisager de construire un « service public national » au moins sur ce champ restreint. Afin d’éviter un effet d’éviction sur les médiations familiales conventionnelles, il faut dégager des moyens à destination des services de médiation pour que le nombre de médiateurs formés et la répartition des structures soient cohérents avec les projets de développement de la médiation judiciaire, dans un contexte de promotion de la « déjudiciarisation » des séparations. »
Le HCF propose aussi d’approfondir la question de l’information des parents, des porteurs de projets, des collectivités locales…et de recours aux dispositifs et aux financements proposés, encore trop faible. « S’agit-il d’un manque d’information, d’intérêt ? Est-ce lié à un maillage territorial insuffisant de l’offre, à son inadéquation (horaires d’ouverture par exemple) ? » Ces questions sont en effet centrales et mériteraient un audit.
Selon l’étude de la CNAF, les parents souhaitent que les actions aient lieu prioritairement sur les temps de non-activité professionnelle ou sur le temps familial : le samedi est cité par 26 % des parents, les vacances scolaires par 21 % (plutôt l’après-midi que le matin), le mercredi par 18 % (plutôt l’après-midi) et le dimanche par 11 %. Des actions se déroulant en semaine, même en soirée, correspondent au souhait de 10 % de parents. Ils sont demandeurs de conférences-débats, d’informations, d’entretiens individuels, de groupes de paroles mais avec un professionnel.
En tous cas, entre le rapport du HCF et l’étude de la CNAF, il y a matière à réfléchir.